Texte intégral
Rouge : 24 avril 1997
Déclaration du bureau politique de la LCR
En monarque absolu, Chirac vient de dissoudre l’Assemblée nationale. Il précipite les échéances, voulant éviter un vrai débat démocratique dans le pays.
Depuis que la droite est revenue aux affaires, sa politique a engendré un immense désastre social. Face à ce bilan de faillite, pour satisfaire aux sacro-saints « critères de convergence » censés mener à la monnaie unique, elle veut à présent imposer une politique à la Thatcher. Cette politique même qui, en Grande-Bretagne, a précipité des millions d’hommes et de femmes dans le chômage, le dénuement, la plus totale insécurité.
Ce régime veut avoir les mains libres pour nous matraquer comme jamais. Ne le laissons pas faire. Le 25 mai et le 1er juin, disons-lui dix fois non !
Non à cinq ans de plus d’un Juppé qui nous promet un ultralibéralisme dévastateur de vies et d’emplois !
Non à un plan Juppé-bis, qui démantèlerait totalement la Sécu, limiterait drastiquement l’accès aux soins, durcirait la CSG et livrerait les retraites, à la mise en cause du SMIC, à la multiplication des petits boulots !
Non à la totale liberté donnée aux patrons de restructurer les entreprises et de jeter des centaines de milliers de salariés sur le pavé, comme Renault vient de le faire à Vilvorde !
Non à un code du travail jeté aux orties, privant les travailleurs de droits sociaux élémentaires conquis de haute lutte !
Non au saccage des services publics, à la privatisation de France-Télécom, d’EDF-GDF ou de la SNCF, à la suppression des dizaines de milliers d’emplois dans la fonction publique !
Non au démantèlement de l’école publique, à un enseignement à deux vitesses, à la suppression de milliers de postes dans l’Education nationale, à la privatisation des universités !
Non au renvoi des femmes à la maison, à l’extension massive du travail à temps partiel, à la remise en cause du droit à l’IGV !
Non à de nouvelles lois xénophobes, comme celles de Pasqua et Debré, qui traitent les immigrés comme des boucs émissaires !
Non au carcan de Maastricht, qui exige toujours plus d’austérité et sacrifie les populations européennes sur l’autel des marchés financiers !
Pour une gauche 100 % à gauche
Face à une droite qui ne dissimule pas sa hargne et son empressement à taper dur, la gauche doit être vraiment à gauche. C’est-à-dire rassembleuse et proposant un vrai changement de politique. Les choix sont clairs :
- Pour la protection sociale, il faut abroger le plan Juppé, en revenir à une gestion démocratique de la Sécu, développer un grand secteur de santé intégrant les trusts pharmaceutiques.
- Pour en finir avec le chômage, il faut une loi-cadre portant immédiatement à 35 heures la durée du travail sans perte de salaire, dans la perspective des 32 heures en deux ans.
- Pour défendre et revaloriser les services publics, il faut revenir sur toutes les privatisations et soustraire les biens d’utilité collective à la loi du profit.
- Pour l’égalité des droits entre Français et immigrés, il faut annuler les lois Pasqua, stopper la chasse au faciès, régulariser les sans-papiers.
- Pour une autre construction européenne, il faut sortir du traité de Maastricht, cesser de se soumettre aux « critères de convergence » qui visent au démantèlement des acquis sociaux.
Une gauche, unitaire et radicale, est la seule à même de pouvoir battre la droite, en finir avec sa politique et empêcher le Front national de se nourrir du désespoir que provoque l’ultralibéralisme dans la société.
C’est ce qu’appellent les grèves contre le plan Juppé, le mouvement pétitionnaire contre la loi Debré, la mobilisation des salariés de Renault ou les puissantes manifestations anti-Le Pen. C’est ce que souhaite l’électorat populaire dans les sondages. C’est pour cela que nous nous battons autour de « dix propositions pour que cela change vraiment ».
Pour rompre avec le libéralisme, il faut des propositions précises et datées qu’une gauche de nouveau majoritaire s’engagerait à mettre en œuvre dès les cent premiers jours suivant sa victoire. Ni le Parti socialiste, ne le Parti communiste ne s’oriente en ce sens. Ce n’est pas un pacte ne reprenant pas les principales exigences du mouvement social qui peut satisfaire les citoyens.
Des candidats pour changer vraiment
Ainsi doivent se faire entendre les forces qui veulent une gauche de combat, celles qui entendent battre la droite, faire reculer Le Pen et ne plus revoir trahies leurs espérances.
La LCR sera présente dans la bataille électorale qui commence, avec ses candidates et candidats. Elle s’affirme disponible au regroupement de l’ensemble des courants, de celles et ceux qui sont en accord avec une telle démarche, qui aspirent à une gauche à la fois unitaire et radicale.
Les représentants de la droite peuvent et doivent être battus immédiatement par les urnes. Mais l’expérience nous enseigne aussi que, pour imposer les revendications populaires, un puissant mouvement social est la principale condition. Dans la continuité du mouvement de novembre et décembre 1995 et des grandes mobilisations qui l’ont suivi, rassemblons-nous donc pour imposer un véritable changement.
Article de M. Alain Krivine - Le rafistolage Hue-Jospin
L’annonce des élections anticipées oblige la direction du PCF à annoncer la couleur plus tôt que prévue, bref à anticiper l’annonce publique de sa volonté d’aller au gouvernement sans être trop regardant sur le programme. Beaucoup de militants se trouvent totalement déconcertés par ce qui apparaît comme un nouveau virage.
En effet, depuis le dernier congrès Robert Hue avait expliqué qu’en aucun cas le PCF ne recommencerait l’expérience de 1981 et qu’il fallait envisager une nouvelle union avec un véritable programme de changement et une « intervention citoyenne ». A l’époque, il apparaissait clairement que cette démarche ne représenterait en rien une stratégie alternative à celle du programme commun, et que le moment venu PS et PCF se mettraient d’accord non plus sur un programme mais, comme nous l’avions écrit, sur un « ticket de métro ». Lionel Jospin n’a en effet pas du tout envie de se lier les mains avec le PCF sur des promesses qu’il ne réalisera pas, et Robert Hue sait que la majorité de son parti est opposée, pour de bonnes et de mauvaises raisons, dans les conditions actuelles, à tout accord gouvernemental avec le PS. La question de Maastricht a toujours été la pierre de touche des évolutions en zigzag du PC quant à sa politique unitaire. Tantôt il expliquait que le traité était un obstacle incontournable à toute politique sociale, donc à l’accord avec le PC, tantôt qu’il ne fallait pas diviser le mouvement ouvrier entre partisans ou adversaires du traité européen, mais au contraire se rassembler sur la défense des revendications. Ces hésitations se sont reflétées dans la pétition nationale pour un référendum, qui a connu deux rédactions successives pour aboutir à un appel démocratique mais sans contenu.
Aujourd’hui la décision de Chirac oblige les deux partenaires PS et PC à dévoiler leurs batteries, et il faut reconnaître une certaine maîtrise dans la mise au point du scénario. Dimanche soir, L. Jospin déclare qu’il refuse le « critère de 3 % de déficit public » si cela doit aboutir à une « nouvelle cure d’austérité ». Un progrès réel, mais qui ne remet pas en cause toute la logique de Maastricht. Le lendemain R. Hue déclare « Quand j’entends des personnes s’inscrire contre les critères de Maastricht, comme l’a fait hier Lionel Jospin, je trouve que cela va dans le bon sens. » Il faut ajouter que depuis deux jours le secrétaire national du PCF répétait sur les ondes sa demande d’avoir des ministres communistes dans un éventuel gouvernement de gauche.
Le 29 avril aura lieu la rencontre entre les deux dirigeants du PS et du PCF où seront dégagés « des engagements communs » ou un « contrat d’orientation » comme l’a proposé L. Jospin sur TF1. « Nous n’avons pas en vue la réalisation d’un programme, à la hâte, ajoute R. Hue, nous avons certes chacun nos points de vue… Mais nous sommes capables de dégager de grandes orientations pour une politique vraiment nouvelle sur lesquelles nous pourrions travailler ensemble dans un gouvernement de gauche. » Si on voulait résumer toutes ces contorsions, on pourrait dire qu’aujourd’hui la direction du PCF est prêt à aller au gouvernement en se contentant de trois ou quatre généralités à contenu social. Mais tout cela était prévisible. R. Hue s’est toujours refuser à envisager une démarche nouvelle qui permette à la fois d’être unitaire et en même temps de se battre sur un contenu radical. Pour « changer la gauche », il aurait fallu s’en donner les moyens et accepter de rassembler dès maintenant, dans les luttes et les élections, toutes les forces de la gauche radicale opposées à Maastricht et désireuses de proposer un débouché politique aux mobilisations sociales. Loin de cette démarche qui aurait permis d’entraîner une partie des militants et sympathisants du PS ou des Verts, et de peser réellement sur ces partis, le PCF s’est enfermé de façon sectaire et, en pratique, ne s’est ouvert que pour réaliser un accord électoraliste avec le MDC.
Ce comportement risque d’avoir des suites dramatiques au moment où la droite s’apprête à frapper très fort. Contre la droite et le FN l’unité est plus jamais nécessaire. Mais pour être sûr de gagner contre une droite extrême, il ne faut pas opposer une gauche molle mais une gauche radicale liée au mouvement social, porteuse d’un projet de société, et ainsi capable de créer une dynamique de victoire.
On en est pas là et le PCF en porte sa part de responsabilité. Malgré lui, mais avec lui et toutes les formations de gauche, il nous reste cependant encore trois semaines pour virer la droite.