Déclaration de M. Philippe Séguin, président du RPR, sur la défaite des législatives, la rénovation du RPR et la nécessité d'une autre politique, Evreux le 17 novembre 1997.

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Circonstance : Fête départementale de la fédération RPR de l'Eure à Evreux le 17 novembre 1997

Texte intégral

Mes chers compagnons,

Je suis heureux de me retrouver ce soir au milieu de vous ; heureux d'être, une nouvelle fois, aux côtés des parlementaires de l'Eure avec lesquels j'ai partagé tant de combats ; heureux de participer à cette fête départementale ; heureux de me sentir, ici, plus que jamais, un militant parmi les militants, un militant qui veut comprendre, agir, et espérer.

Merci donc à Jean-Louis Debré d'avoir souhaité cette rencontre. Jean-Louis dont chacun connaît, à Nonancourt aussi bien - et même mieux - qu'à Paris, le désintéressement, le courage, et la force de conviction. Jean-Louis qui mesure, quotidiennement, à la tête de notre groupe parlementaire, la nécessité d'une opposition active et bien organisée. Jean-Louis qui sait, plus qu'aucun autre, combien devant une vie publique aléatoire et changeante, la marque des esprits forts est de refuser la soumission aux effets de mode et de placer, au-dessus de toute considération, le sens de l'intérêt général et la fidélité à ses principes.

Merci à nos anciens parlementaires de nous avoir rejoints. C'est dans la défaite et dans les difficultés qu'elle engendre qu'il importe de ne pas renoncer. Et leur présence témoigne qu'ils ne sont pas prêts à renoncer à trouver les forces nécessaires à la métamorphose de notre Mouvement, pour assurer le renouvellement de son message, pour préparer des lendemains victorieux.

Mes chers compagnons,

Nous sommes, c'est vrai, dans une situation inédite : nous avons perdu des élections que nous avions voulues... Mais il n'y a pas que cela... Certains s'obstinent à croire qu'il ne s'agit que d'un malheureux accident de parcours... Que l'on peut se contenter de tout recommencer comme avant... Que l'on peut faire l'économie d'un effort de réflexion sur la France et sur nous-mêmes.

C'est qu'ils n'ont pas compris las causes profondes de notre échec. Les Français ne sont pas fous. Ils n'ont pas choisi les socialistes. Ils nous ont rejetés. Ils nous ont rejetés parce que nous ne les avions pas convaincus. Et parce que, si j'ose dire, c'était notre tour ! Prenons bien conscience en effet, que cet échec n'est qu'un nouvel épisode des alternances à répétition qui secouent notre pays depuis 1981. En un peu plus de 15 ans, aucun gouvernement sortant n'aura réussi à persuader les Français du bien-fondé de sa politique... En six ans, depuis 1991, six Premiers ministres se seront succédé à la tête de l'État sans pouvoir inscrire leur action dans la durée…

Alors oui : tout cela mérite réflexion. Tout cela mérite un effort de réflexion. Un effort de réflexion que nous avons entrepris ensemble et dont rien ne nous détournera...

Je le répéterai aussi longtemps et aussi souvent qu'il le faudra : il ne faut pas se tromper d'analyse : notre défaite de mai-juin n'est pas due à un problème de division mais à un problème politique. Nous n'avons pas su apporter de réponses aux problèmes de notre pays.

Des élections, nous en avons déjà perdues… Et nous en perdrons encore. Le problème que nous avons à résoudre est tout autre : nous sommes au cœur d’une triple crise. Crise de notre pays, qui n'a pas pris conscience, dans ses profondeurs, de l’ampleur des défis qu'il a à relever... Crise de notre système politique, qui en arrive à donner à nos compatriotes l'impression qu'il tourne à vide... Crise de notre mouvement, à l'image de tous les mouvements politiques, mais d'autant plus ressentie que ses objectifs étaient plus ambitieux...

A. - La crise que traverse notre pays, qui pourrait la nier ? La mondialisation des échanges et l'internationalisation progressive de notre économie laissent nombre de nos compatriotes angoissés ou désespérés. Loin d'être perçues comme une chance pour l'avenir de la France, ces évolutions sont vécues comme autant de menaces pour notre modèle social. Des menaces que les Français mesurent à l'aune des faillites d'entreprises, des délocalisations ou des licenciements...

Mais comment pourrions-nous en vouloir à notre peuple ? Que lui a-t-on expliqué ? Quel horizon lui a-t-on ouvert ? On ne lui a pas offert, à la notable exception de la campagne présidentielle de 1995, de véritable alternative, ce qui explique qu'il soit désemparé, ce qui explique la valse des équipes au pouvoir, ce qui explique la progression du vote protestataire.

Alors, nous avons d'abord et surtout, un devoir d'explication. La mondialisation, il n'est que temps de la comprendre, d'en tirer les conséquences, de prendre la mesure des changements qu'elle implique, si nous voulons continuer à vivre dans une société qui demeure conforme à nos principes, à nos valeurs et à nos espérances…

Oui, il est grand temps de définir une politique qui nous permette de lutter à armes égales avec nos concurrents tout en préservant notre modèle social et notre spécificité nationale, c'est-à-dire, tout simplement, notre civilisation. Et cette politique ne saurait, bien sûr, reposer exclusivement sur les efforts des salariés, ni considérer le travail des hommes comme la seule variable d'ajustement du marché, sans s'exposer à de grandes désillusions.

Et ce devoir d'explication, il se double d'un devoir de mobilisation...

Nous devons avoir le courage de nous mettre en position de tenir notre rang dans la compétition internationale. La mondialisation n'est pas uniquement un risque. Elle peut être également une chance si nous savons faire valoir nos atouts démographiques, naturels et géographiques, et donner à nos entreprises, qui montent au « front », les moyens de travailler enfin librement, sans contraintes et paperasseries inutiles, pour être vraiment compétitives...

Et parallèlement, nous devons redoubler d'imagination pour organiser « l'arrière » dans les meilleures conditions possibles, ce qui signifie relever le défi de la création des activités nouvelles et des métiers de service autrement qu'en recourant à leur fonctionnarisation, ou encore réformer une fois pour toutes le service public de l'emploi afin de permettre une meilleure utilisation des dépenses que nous consacrons aujourd'hui au seul traitement social du chômage.

Mais nous devons, aussi, à l'échelle de l'Europe et à l’échelle du monde, plaider inlassablement et user de notre influence pour que des règles du jeu, claires, durables et favorables à la prospérité soient instaurées, aussi bien sur le plan commercial que monétaire.

Il importé notamment que la gestion future de l'Euro ne soit pas déléguée exclusivement aux banques centrales, et que le Conseil Européen n'abdique pas les responsabilités qui lui sont normalement conférées en la matière. Car la détermination du cours de la monnaie unique et la politique de change doivent servir la compétitivité des entreprises européennes et non l'amoindrir. Nous voulons un Euro stable pour assurer la croissance, nous récusons un Euro surévalue pour lutter contre une inflation largement maîtrisée.

Comme il importe aussi que nous sachions regrouper tous ceux qui, comme nous, estiment que la mondialisation doit être maîtrisée, orientée, dans le sens du service des hommes. Et à cet égard, on ne peut que se réjouir des paroles fortes prononcées par Jacques Chirac à Hanoï pour fonder une francophonie à dimension politique...

L'effort à accomplir est immense. Mais il est nécessaire !

Sans doute avons-nous trop longtemps accepté, consciemment ou inconsciemment, de faire passer la monnaie avant l'industrie, le fonctionnement avant l'investissement, la redistribution avant la production, et maintenant la répartition du travail existant avant la création d'emplois.

B. - Et la deuxième crise que j'évoquais, celle de notre système démocratique n'est, tout bien pesé, que le reflet de cette impuissance à nous écarter durablement des sentiers battus de la « politique unique ». Notre République, donne l'impression de tourner à vide. Réduite à sa seule dimension symbolique, elle n'est plus cette force qui va, cet idéal qui rassemble.

Elle se réduit progressivement à un cérémonial désuet, à des procédures incomprises, à un État désincarné et anonyme, à une langue de bois rejetée. Le débat sur la réforme des institutions, périodiquement relancé, traduit en fait le malaise de notre société devant l'incapacité du politique à peser sur le cours des choses.

Nous assistons d'ailleurs à une remise en cause généralisée de sa légitimité, concurrencée par d'autres sources de pouvoir, économique, financier ou médiatique, dont la logique échappe, le plus souvent, aux règles du jeu démocratique et dont l'influence dépasse les frontières.

Les réseaux font voler en éclats les territoires, les contrats l'emportent sur les lois, les groupes de pression prévalent sur l'intérêt général. La montée du Front national est l'indice le plus préoccupant du rejet d'un système qui range la légitimité politique au magasin des accessoires inutiles, la Nation au rang des vieilleries pittoresques, qui considère le lien territorial comme un obstacle à la modernité et l'État comme un concept dépassé.

S'il ne s'agit que de jouer « la comédie du pouvoir » sans jamais infléchir le destin de la Nation, comment s'étonner que nos compatriotes se lassent puis se détournent ? Et cela d'autant plus qu'ailleurs, d'autres se chargent de décider à notre place de ce que nous devons penser et de ce que nous devons faire...

Étrange paradoxe qui conduirait à accepter que les décisions importantes fussent prises ailleurs sans démocratie, et à refuser qu'elles soient, ici, maintenues dans les bras du peuple souverain.

Étrange paradoxe qui conduirait à confier aux banquiers centraux le soin d'administrer l’économie, ou encore aux juges de définir la politique judiciaire, mais qui retirerait aux élus celui de conduire la politique de la Nation ?

L'extrémisme se nourrit de ce climat de confusion intellectuelle aggravé, hélas, par les « affaires » qui jettent le discrédit sur l'honnêteté des hommes publics. La corruption - dont il serait vain de nier l'existence - est d'ailleurs un des produits les plus nocifs de l'ère de la politique « spectacle » qu'il est de notre responsabilité de clore - et de clore définitivement.

C. - Mes chers compagnons, la crise de notre pays et les défaillances de notre système politique ne pouvaient pas ne pas rejaillir, tôt ou tard, sur notre Mouvement.

Parce que, plus que d'autres, nous avons eu notre part dans l'édification et dans la défense d'un système politique conçu pour apporter à la France - stabilité et efficacité dans un cadre pleinement démocratique.

C'est peu dire que nous avons subi de plein fouet les coups de boutoir portés au pacte Républicain. D'autant que nous n'avons pas toujours su organiser en notre sein la libre confrontation des idées et prévoir les mécanismes permettant d'arbitrer les rivalités personnelles. Notre diversité qui devait être notre richesse s'est avérée un handicap. Soumis à la double tentation du caporalisme ou de l'atomisation, nous n'avons pas toujours su dégager une conception de l'intérêt général qui fût reconnue et admise par chacune et chacun d'entre nous.

À lire certains commentaires ou à découvrir telle ou telle initiative, je me demande parfois si nous saurons nous détourner de ces pratiques qui nous ont valu tant de déboires... Si nous voulons arrêter la pendule du temps au 1er juin 1997 ou tenter de comprendre ce qui s'est passé... Nous complaire dans des discussions aussi stériles pour nous-mêmes qu'inaudibles pour nos compatriotes ou nous donner les moyens de la reconquête de l'attention et du cœur des Français.

Mais j'ai confiance. Parce que je sais que vous ne voulez pas d'un Mouvement qui ne serait que la juxtaposition d'écuries personnelles ou de clans rivaux. Vous ne voulez pas plus d'une fusion hâtive dans un ensemble aux contours indéfinis, que de notre dispersion en une multitude.de structures groupusculaires.

Parce que vous n'aimez ni les manœuvres d'appareil, ni les délices des jeux partisans. Et vous aspirez à voir notre Mouvement rassemblé, occupant une place centrale dans la vie politique française, doté d'un projet politiqué renouvelé, jouant pleinement et activement son rôle d'opposant au gouvernement socialiste.

Et vous pressentez que c'est en empruntant cette voie que nous servirons le mieux le Président de la République, qui demeure notre référence et notre inspirateur.

Il n'y a pas de meilleur signe de fidélité à son action, à sa démarche, à sa vision de la politique que de travailler sans relâche à apporter des remèdes à cette triple crise que nous connaissons.

En commençant par transformer notre Mouvement. Nous ne faisons là, du reste, que nous inscrire dans le droit fil de l'histoire du gaullisme et je m'étonne que l'on puisse s'étonner de nous voir accomplir Une nouvelle métamorphose. Du RPF au RPR en passant par l'UNR ou l'UDR, notre histoire est celle d'une perpétuelle renaissance et d'une constante adaptation à l'évolution de la France. Nous relèverons, une fois encore, le défi en craignant moins l'audace que la sclérose. Il faut nous réconcilier, nous rénover, nous élargir. Nous allons le réussir ensemble.

La réconciliation est, d'ores et déjà, largement entamée... Au diable le sectarisme et les rancunes ! Notre Rassemblement doit, plus que jamais, mériter son nom et donner à chacun sa place, quels qu'aient été ses choix passés et quelle que soit sa sensibilité.

Cette exigence est d'autant plus forte que nous devons bâtir un Mouvement qui soit un élément de réponse à la crise générale de notre système politique. Un mouvement qui représente la société française dans sa diversité et dans sa richesse. C'est à cette condition, et à cette condition seulement que nous pourrons apporter ensemble des solutions crédibles à la crise de la France.

Oh, je sais bien que d'aucuns se satisferaient de nous voir épouser la cause de telle ou telle catégorie sociale... Qu'ils rêveraient de nous voir devenir le parti des rentiers ou des beaux quartiers... Que d'autres voudraient bien imprudemment nous cantonner au rôle de gardiens du temple, veilleurs d'une flamme gaulliste condamnée à s'éteindre...

Il nous faut, résolument, dépasser ces contradictions. Il nous faut changer, évoluer, nous adapter... pour rester nous-mêmes.

Lors de nos Assises, je vous avais prédit que notre effort de rénovation, donc de retour aux sources, susciterait les quolibets et les sarcasmes. Nous n'avons pas été déçus...

Mais si on nous critique tant, si on cherche à nous éliminer, si on prédit notre disparition, si on le répète jour après jour, c'est bien que nous existons encore, que nous sommes là, et bien là. Et que nous représentons bien quelque chose dont certains n'ont jamais voulu et qu'ils ne veulent pas davantage aujourd'hui. Alors, je vous le dis : ne vous y laissez pas prendre : soyez fiers de ce que vous êtes. Soyez fiers de ce que vous avez été : vous n'avez besoin, vous, ni de repentance, ni de droit d'inventaire. Soyez fiers, aussi, et surtout de ce que vous serez !

Mes chers compagnons,

Sommes-nous d'incorrigibles nostalgiques parce que nous demeurons attachés aux principes qui nous ont fait nous rassembler ?

Sommes-nous archaïques parce que nous refusons de nous plier aux modes ?

Sommes-nous dépassés parce que nous récusons les conformismes du « politiquement correct » ?

En fait, nous restons plus que jamais fidèles aux valeurs qui fondèrent notre engagement tout en prenant en compte le monde dans lequel nous sommes. Notre pari, notre ambition, notre dessein - appelons les comme on voudra - réside en notre capacité à actualiser les méthodes, les instruments d'action qui assureront la pérennité des valeurs dans lesquelles - avec vous - la grande majorité des Français se reconnaissent.

Nous ne sommes pas de ceux qui confondent ce qui est moderne et ce qui est éphémère.

Nous ne sommes pas de ceux qui après avoir prédit avec jubilation la fin de l'histoire, annoncent maintenant avec gourmandise la fin des principes républicains.

Non, nous ne croyons pas qu'un monde uniformisé et sans principes soit un monde de progrès et d'harmonie.

Autant de raisons pour lesquelles les gens qui croient à nos valeurs ne sont pas, dans la société d'aujourd'hui, si décalés et si déplacés que certains l'imaginent et le souhaitent.

Car à l'heure où notre pays doit accomplir un énorme effort de modernisation de son organisation territoriale, de ses procédures administratives, de sa vie publique ; alors qu'il doit libérer le carcan qui pèse sur ses entreprises et favoriser l'initiative de ses cadres et de ses salariés ; alors qu'il est appelé à concilier solidarité et compétitivité ; au moment où il doit aborder une nouvelle étape de la construction européenne, il a, plus que jamais, besoin de savoir où il va. Il réclame une « feuille de route ». Il ne se résout pas à subir la mondialisation ou quelque autre évolution que ce soit présentée, sans autre forme d'explication, comme irréversible. Il entend maîtriser son destin, être un acteur de son temps, bref, il veut entrer debout dans le XXIe siècle.

C'est assez dire combien, dans ce contexte, les réponses apportées par le gouvernement socialiste ne sont pas à la hauteur des défis qui sont devant nous. Et si l'apparente synthèse des contradictions de la majorité plurielle ou les emprunts répétés du Premier ministre au projet présidentiel de 1995 peuvent encore donner le change, viendra le temps où les Français s'apercevront que l'habile gestion du déclin n'est ni la seule, ni la meilleure réponse à la crise du pays.

On nous demande quelles sont nos valeurs ! Eh bien, nous saurons quoi répondre. Nous croyons, nous, que la France est notre patrie mais aussi notre avenir ; que la Nation demeure le cadre irremplaçable de la démocratie, qu’elle rassemble des citoyens qui veulent vivre et construire ensemble un destin partagé, citoyens disposant à l'égard de leur pays de droits mais aussi de devoirs. Pour nous, on ne devient pas Français par hasard. Pour nous, on ne devient pas citoyen par automatisme. Pour nous, on ne franchit pas les frontières par inadvertance, sans papiers ni projet.

N'ayons pas peur de le dire : la conception que la gauche se fait de la Nation n'est pas la nôtre. La suppression du rendez-vous citoyen, juste accompagnement de la professionnalisation des armées, la réduction des crédits militaires à une peau de chagrin, le retour à l'automaticité de l'acquisition de la nationalité, les projets de loi sur l'immigration et le droit d'asile portent des coups très rudes à l'identité nationale. Et ce n'est pas en amusant la galerie avec des cours de morale civique qui sont à l'instruction civique ce que le Canada Dry est à l'alcool que M. Jospin fera oublier la somme de ces errements idéologiques. Nous les combattrons sans états d'âme.

Parce que nous pensons autrement…

Nous pensons, nous, que la famille est la cellule de base de la société, le lieu où se transmet une part de la civilisation, le creuset où s'épanouit l'individu. Pour nous, la famille n'est pas un regroupement parmi d'autres, l'enfant n'est pas un signe extérieur de richesse, le renouvellement des générations n'est pas une impossibilité.

Décidément, la gauche n'aime pas la famille... Elle y voit, incapable de dépasser ses a priori, un ultime avatar du pétainisme. Alors, elle matraque sans scrupules : elle légitime le contrat d'union civile là où il faudrait s'occuper des familles monoparentales, elle réduit l'allocation de garde d'enfants à domicile là où il faudrait développer les emplois familiaux, elle plafonne les prestations ·familiales là où il faudrait marquer la solidarité nationale. Eh bien ! C'est notre devoir de nous opposer, sans relâche mais sans récupération, au démantèlement d'une politique familiale qui a permis à la France d'éviter un irréparable vieillissement démographique.

Veut-on, à tout prix, borner l'horizon de notre pays au vieillissement de sa population et au remboursement de sa dette sociale qu'on vient d'ailleurs, comme par hasard, de prolonger de cinq ans ! Ce n'est pas notre choix. Parce qu'une nation fatiguée et endettée, ployant sous le poids des charges, n'est plus une nation libre.

Or, nous aimons la liberté sous toutes ses formes : la liberté politique qui permet de dire non aux aliénations, y compris dans ses formes les plus modernes et les plus abouties, de s'affranchir de la tyrannie de l'instant et du sondage « à chaud », la liberté d'expression que nous ne réservons pas à ceux qui pensent comme nous... En retirant des bibliothèques nationales les ouvrages qui nous déplaisent..., la liberté d'entreprendre qui n'est pas un luxe réservé aux fils de famille mais une condition de la prospérité, une source d'emplois et un facteur de promotion sociale.

Alors, quand nous voyons les socialistes relever l'impôt sur les sociétés au point de frapper nombre de moyennes entreprises, annuler les baisses d'impôt sur le revenu programmé par Alain Juppé et taxer lourdement l'épargne.

Quand nous les voyons ne rendre au secteur privé qu'au compte-goutte et en cachette des sociétés qui n'ont rien à faire dans le giron de l'État ; lorsque nous les regardons remplacer l'instruction par la morale, ou lorsque, semaine après semaine, nous observons que les changements dans l'administration prennent une allure de « chasse aux sorcières ».

Nous ne pouvons pas ne pas constater que la gauche revient, insidieusement et sourdement, à ses vieux démons. Qu'elle redoute la liberté pour lui préférer l'encadrement des consciences aussi bien que celui de l'économie.

Ce génie de la contrainte s'étend d'ailleurs jusqu'à vouloir réglementer le travail. La méthode employée pour 'imposer la réduction de sa durée légale à 35 heures, uniformément et unilatéralement, ne laisse aucun doute sur la manière dont les socialistes appréhendent le travail : le travail qui opprime, le travail qui aliène, le travail qui exploite les hommes.

Mais ces vieilles lunes idéologiques font fi de l'évolution des relations sociales, des drames du chômage et de l'exclusion, des progrès de la participation des salariés à la vie de l'entreprise ou de l'administration : aujourd'hui, le travail émancipe, le travail épanouit, le travail protège. Il donne à l'homme sa place et sa dignité dans la société démocratique. Il suffit, pour s'en convaincre, de regarder autour de nous : les pays qui ont le plus faible taux de chômage sont les pays gui travaillent le plus.

Oui, mes chers compagnons, une des premières priorités de notre projet politique sera de remettre le travail au cœur de la cité, et de rompre avec l'idée désespérante selon laquelle nous aurions comme unique solution au problème du chômage de répartir une quantité de travail limitée pour l'éternité. Face au malthusianisme économique et social de la gauche, nous croyons, au contraire, à la dynamique de la liberté et de la croissance, à la création d'activités nouvelles et nous voulons les organiser.

Et, d'ailleurs, comment imaginer un instant que l'État puisse assurer une véritable solidarité avec une économie anémiée ? La solidarité, qui dans notre esprit, n'a évidemment rien à voir avec l'assistanat généralisé : la solidarité qui repose sur un juste rapport entre ce que l'on donne et ce que l'on reçoit, entre la cotisation et la prestation, entre revenu minimum et démarche d'insertion ; la solidarité qui résidé, à terme, dans un relatif équilibre entre les actifs et les inactifs.

Qui ne voit qu'en instaurant, - aujourd'hui en matière familiale et demain - qui sait - dans le domaine de la santé -·un plafonnement des allocations sans limitation des cotisations, les socialistes rompent un des principes de base de notre système de protection sociale ?

Qui ne voit qu’en renonçant à l'utilisation des fonds de l'assurance chômage et à la simplification des aides à l'emploi pour recourir à la voie, peu glorieuse, de la fonctionnarisation au rabais que constituent les emplois Aubry, les socialistes font peser sur les salariés, sur les actifs, sur tous ceux qui travaillent, la charge exclusive de la lutte pour l'emploi, du développement des activités de service non marchands, du défi de l'insertion.

Qui ne voit, enfin, qu'en différant toute réforme sérieuse du service public de l'emploi, le gouvernement se prive d'un levier d'action essentiel en même temps qu'il se résout à la progression indéfinie de la redistribution ?

Rien, dans cette démarche, ne favorise la responsabilité individuelle. Tout concourt, en revanche, à minorer le rôle de l'individu, à dresser les catégories sociales les unes contre les autres, alors même que le niveau des prélèvements et impôts de toutes natures a atteint les limites du supportable. Que veut-on ? La révolte des classes moyennes ?... L'explosion de la fraude à l'impôt et du travail au noir ?... La progression du « racisme social » ?...

Nous souhaitons, pour notre part, que l'on en revienne aux fondements du principe de la responsabilité individuelle ; que chacun se prenne en charge avant de faire appel à la collectivité publique ; que l'intérêt national ne soit pas pris en otage par les revendications catégorielles, si légitimes soient-elles. Encore faudrait-il que les groupes sociaux perçoivent, derrière le maquis des procédures et la juxtaposition des contraintes, la présence ou simplement le désir de l'intérêt national...

Et qu'on ne nous dise pas que nous sommes pour la loi de la jungle...

Qu'on ne nous discrédite pas en prétendant que nous nous serions mués en ultralibéraux…

Qu'on ne nous attaque pas en nous envoyant à la face la défense des privilégiés..., qui sont sur le point de se confondre, par l'effet du budget 1997, avec l’ensemble des classes moyennes…

Car nous n'avons rien d'autre à défendre que les valeurs républicaines, toujours menacées par négligence mais toujours reconquises par la volonté populaire...

Nous n'avons rien d'autre à défendre que la Nation, la famille la solidarité, le travail, la liberté, la responsabilité, ces notions toutes simples qui semblent devenues étrangères à ceux qui nous combattent...

Nous n'avons rien d'autre à défendre que l'égalité des chances, qui donne à chacun la possibilité de développer ses talents et d'exploiter ses potentialités...

L'égalité des chances qui justifie pleinement la récompense du mérite et de l'effort... L'égalité des chances, injustement galvaudée et pervertie par les tenants de l'égalitarisme à tout crin, qui après avoir inventé « l'école unique », puis fait du savoir l'ennemi de la pédagogie, ont adhéré à la théorie des « Diplômes pour tous ». Effrayante démagogie qui serait risible si elle n'avait envoyée au casse-pipe des milliers de jeunes étudiants, fourvoyés dans des études longues et sans issue...

L'égalité des chances, c'est le développement de toutes les filières d'enseignement, et notamment de l'apprentissage et de la filière technologique !

C'est l'aménagement de nouveaux rythmes scolaires, absurdement délaissé par MM. Jospin et Allègre ! C'est le respect de l'autorité des professeurs, livrés à la vindicte par leur propre ministre. Ce n'est ni l'engraissement ni le dégraissement du mammouth, mais une école qui donne accès à un vrai savoir et à une vraie culture.

Mes chers compagnons,

J'espère vous avoir convaincus que nous sommes au travail…

Que l'opposition remplit son rôle, à l'Assemblée - Jean-Louis Debré vous le dirait mieux que moi - et dans le pays...

Oui, nous nous donnons les moyens de nous mettre en ordre de bataille...

L'effort sans précédent que nous avons entrepris pour tirer les leçons de l'échec, comprendre les crises que nous vivons, moderniser notre message -, retrouver notre crédit portera, tôt ou tard, ses fruits.

Et ne vous laissez pas ébranler par les sombres pronostics complaisamment relayés par des stratèges en mal de crédibilité et des analystes en quête de publicité.

Une fois encore, on veut nous faire croire que le scénario des prochaines échéances est d'ores et déjà écrit... Que le résultat des élections à venir est connu... Qu'il ne sert à rien de se battre, d'expliquer ou de convaincre.

Nous avons maintenant suffisamment l'habitude de ce genre de fiction pour ne pas y succomber...

Ceux qui nous promettent la Bérézina aux régionales sont les mêmes qui ne donnaient pas cher, avant-hier, des chances de Jacques Chirac ! Ou qui nous assuraient d'une victoire facile aux législatives.

Nous aborderons les élections régionales avec l'énergie de l'espoir. Nous serons là et bien là pour affronter ce scrutin, avec des équipes rajeunies, renouvelées et féminisées...

Nous serons là et bien là pour dissiper la nappe de brume dans laquelle le pouvoir enveloppe une politiqué qui demeure prisonnière de tous les archaïsmes, et qui n'a pas grand-chose de libéral ni de républicain...

Nous serons là et bien là, rassurez-vous, pour ne pas abandonner, le terrain de la nation aux uns, qui la galvaudent, et pour ne pas laisser la défense des valeurs républicaines entre les mains des autres, qui les dénaturent.

Les régionales, les cantonales, elles seront un temps fort de notre rénovation. Et, autant que les résultats se seront notre comportement, notre message, notre rénovation qui compteront.

Compagnons, mes amis, le chemin est ouvert. La route est tracée. Merci de m'avoir accueilli ce soir, merci de m'avoir permis de venir vous dire que je compte sur vous.