Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, membre du bureau politique du RPR, député-maire et candidate à la présidence du RPR, dans "Paris-Match" le 2 décembre 1999, sur la campagne du deuxième tour et sur les relations entre le RPR et Jacques Chirac.

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Circonstance : Elections à la présidence du RPR les 20 novembre et 4 décembre 1999

Média : Paris Match

Texte intégral

Q - Après le premier tour, vous passez du statut d'outsider à celui de favorite. Avez-vous été surprise par les résultats ?

– « Vers la fin, j'ai senti qu'il y avait un vrai courant de sympathie, de confiance. Mais je ne savais pas exactement par quel score il se traduirait. »

Q - Le plus dur est fait ?

– « Non. Aucune élection n'est jouée d'avance. Je retourne sur le terrain dès cette semaine. »

Q - On a beaucoup parlé de « l'effet femme » dans cette élection. Pensez-vous en avoir bénéficié ?

- « Franchement, je n'en sais rien. Les militants ne m'en ont jamais parlé. Je préfère croire qu'ils ont retenu la force de mes convictions, ma volonté de me battre pour le mouvement, mon projet. »

Q - De ce scrutin, tirez-vous la leçon qu'un candidat appuyé par l'Élysée n'est pas assuré de vaincre ?

– « Les militants ont compris qu'ils avaient désormais le droit de choisir librement leur président. Ils ont montré effectivement qu'ils étaient capables de se déterminer par eux-mêmes. »

Q - Y compris contre l'avis de Jacques Chirac ?

– « Le problème n'est pas Jacques Chirac mais plutôt certains de ses conseillers. Le Président de la République n'a jamais décidé de soutenir tel ou tel, sinon on voit mal comment ses proches auraient pu se diviser sur trois candidats comme ils l'ont fait pendant cette campagne. »

Q - Vous en voulez à son entourage ?

– « Je crois que, d'une façon générale, il est préférable que les conseillers s'en tiennent à une fonction technique. Les avis politiques qui ont été donnés à l'Élysée dans un passé récent, notamment pour la dissolution, n'ont pas toujours été très heureux. Il est normal que le président ait des conseillers, je dis simplement qu'ils doivent rester dans leur rôle. »

Q - Si vous êtes élue, le RPR devra-t-il être davantage autonome par rapport au Président de la République ?

– « On ne peut pas imaginer qu'il y ait des différences idéologiques entre le mouvement et son fondateur, Jacques Chirac. Le RPR est là pour s'opposer très fermement et très clairement à la politique menée par le Gouvernement et les socialistes. Par sa fonction, le chef de l'État est tenu, lui, à une certaine réserve. Au fur et à mesure que nous nous rapprochons de la campagne présidentielle et que Jacques Chirac retrouvera sa totale liberté d'expression, le mouvement devra amplifier ses positions. »

Q - Vous représentez la ligne moderne et, dit-on, libérale du RPR. Votre élection ne sonnera-t-elle pas définitivement le glas d'une réconciliation avec Charles Pasqua et les souverainistes partis au RPF ?

– « Moderne, je veux bien. Mais j'ai toujours dit que dans le cadre des grands défis de la mondialisation, on ne pouvait se contenter d'afficher un libéralisme qui me paraît dans ses excès déjà aussi dépassé que le marxisme et son succédané, le socialisme. Pour revenir à Charles Pasqua, je suis un peu surprise de l'attelage qu'il forme avec Philippe de Villiers. L'un est gaulliste, l'autre profondément anti-gaulliste. Cela étant dit, on ne propose pas à quelqu'un qui vient de divorcer de se remarier 15 jours après. Laissons-le faire son expérience, sans couper les ponts. »

Q - Certains disent que votre candidature est sympathique mais que vous n'aurez pas forcément les épaules pour être un chef de parti devant faire face à un immense chantier de reconstruction…

– « Propos de machos dépassés par les événements… Question épaules, je viens d'un milieu de joueurs de rugby et je sais faire ! Ceux-là ne connaissent pas mon caractère. Pour le reste, je rappelle que j'ai été deux fois ministre avec des dossiers difficiles et que j'ai refusé un troisième poste au Gouvernement, que me proposait Alain Juppé, parce que je venais de conquérir la ville de Saint-Jean-de-Luz. En ce qui concerne la combativité, je crois n'avoir de leçon à recevoir de personne. »