Texte intégral
RMC : Lionel Jospin annoncera tout à l'heure des taxations supplémentaires pour les entreprises qui licencient malgré des bénéfices importants et pour celles aussi qui abusent du recours au travail précaire. Est-ce que ce sont des mesures qu'il faut prendre ?
Claude Goasguen : Non. Je ne crois pas qu'il faille les prendre. Je trouve que le Premier ministre va faire exactement l'inverse de ce qu'il avait dit, il y a quelques jours. On avait cru, il y a quelques jours, qu'il avait compris l'économie moderne, qu'il discuterait le plan social de Michelin – parce qu'il a le droit de le faire, il a le devoir de le faire et l'État doit peser sur cette affaire de Michelin –, il ne s'agit pas de s'en laver les mains. Non, les socialistes, parce qu'ils sont en proie à une crise politique grave qui est une crise de système, qui est une crise de facture au sein de leur majorité, avec les communistes et les Verts, vont faire ce qu'ils font d'habitude, c'est-à-dire donner des mesures qui sont des mesures de taxation. Alors qu'il y a une grave crise sur l'emploi chez Michelin, ils vont rajouter une crise supplémentaire, c'est-à-dire qu'on va faire payer aux Français, qui bénéficient de contrat de travail à durée déterminée, on va faire payer aux préretraités la crise politique qui menace le gouvernement. C'est tout à fait dans la tradition socialiste : je réglemente, je taxe et après je fais payer les impôts.
RMC : Les Français sont contre ces licenciements.
Claude Goasguen : Il ne s'agit pas d'être pour ou contre ; il s'agit de voir que le gouvernement dispose par la loi de moyens, encore faut-il qu'il les emploie. Il aurait pu prévoir d'abord ; il aurait pu s'y intéresser. En réalité, on voit bien que maintenant, ce n'est plus le problème Michelin. Ou alors que cela veut dire que le gouvernement pour Michelin, demain il en fera une pour Peugeot.
RMC : N'est-il pas vrai que ces emplois précaires qui se multiplient dans les entreprises, c'est par abus des textes existants ?
Claude Goasguen : Il y a sûrement des abus sur le travail précaire. Mais il faut comprendre aussi que ce qu'on appelle le travail précaire, c'est-à-dire en général le contrat de travail à durée déterminée, ou le temps partiel, permet de relancer l'emploi dans un certain nombre de cas et qu'on ne va pas taxer quelque chose qui accompagne la croissance, même si cela n'est que provisoire. Je voudrais dire que les États-Unis, le pays du travail précaire, désormais, se battent et les entreprises donnent des contrats à vie, parce qu'aujourd'hui, aux Etats-Unis, on pense à garder les salariés et que la vraie catastrophe d'une entreprise américaine, c'est de les perdre car ils sont qualifiés. Alors laissons un peu jouer les mécanismes économiques et que l'État arrête de se mêler de tout. Qu'il s'occupe de ses propres prérogatives dont il ne s'occupe jamais d'ailleurs.
RMC : Si un jour, votre camp revenait au pouvoir, vous reviendriez sur les 35 heures obligatoires et les mesures annoncées aujourd'hui ?
Claude Goasguen : Les 35 heures font un choix d'entreprise. Il y a le problème de la pénibilité du travail. Là, c'est tout un autre problème. C'est vrai qu'il y a des travaux où on ne peut pas dépasser un certain taux horaire, c'est connu depuis le XIXe siècle. Cela étant, les 35 heures imposées à tout le monde, à des entreprises qui ne se ressemblent pas, qui n'ont pas les mêmes problèmes… Comment va-t-on calculer les 35 heures dans une société informatisée, où les gens vont travailler chez eux ? Je voudrais que les inspecteurs du travail me disent la recette. Comprenez bien : les 35 heures, c'est un problème, en réalité, qui est un choix d'entreprise. Cela se discute entre partenaires sociaux et chefs d'entreprise. Le gouvernement profite de la loi sur les 35 heures pour faire une nouvelle méthode d'interventionnisme économique. Des entreprises qui se soumettent aux 35 heures auront tout ; celles qui ne se soumettent pas aux 35 heures n'auront rien. C'est le socialisme façon fin du XXe siècle.
RMC : Donc, si vous reveniez au pouvoir, vous reviendriez sur ce texte ?
Claude Goasguen : Il faut évidemment remettre à la négociation le problème des 35 heures.
RMC : Votre camp perd élection sur élection – trois élections en trois ans – et les derniers sondages affirment que Paris est prête à basculer à gauche. Est-ce que ce n'est pas inquiétant quand même ?
Claude Goasguen : J'aurais mauvaise grâce à vous dire que ce n'est pas inquiétant. Les chiffres, qui se multiplient, montrent qu'il y a une crise au sein de la droite parisienne.
RMC : Est-ce qu'il y a un risque à Paris ?
Claude Goasguen : Il y a un risque ? Je ne crois pas car je pense qu'il y a aussi des problèmes à gauche ; il y a des tensions à gauche. Il y a des arrondissements qui ne sont pas gagnés pour la gauche. Cela étant, il faut que la droite parisienne se ressaisisse le plus rapidement et se mette en ordre de bataille.
RMC : Est-ce que, précisément dans cette hypothèse, M. Tiberi peut conduire une liste gagnante ?
Claude Goasguen : De toute évidence, je ne le crois pas – quelles que soient les accusations infondées que l'on puisse porter contre lui –. Le maire de Paris doit continuer sa charge de maire. Pour autant, il n'apparaît pas de toute évidence comme le mieux placé pour conduire la droite aux élections municipales de Paris. Il faut un nouveau programme, il faut un vrai changement et d'autres tête.
RMC : Comment trouver le mieux placé ?
Claude Goasguen : En France, comme dans tous les pays du monde, on dispose de quelques éléments : il y a d'abord les sondages qui sont utiles, qui ne sont pas indispensables, qui ne sont pas seulement des décisions, mais aussi des indications. Il y a les militants. Il y a les électeurs parisiens qu'il faut solliciter. Il faut leur demander leur avis. Je crois que le vrai candidat, ou candidate, de droite pour Paris sera désigné par les Parisiens.
RMC : La police à Paris : on a cru comprendre que M. Tiberi changeait d'avis. Est-ce qu'il faut qu'elle soit municipale ou qu'elle soit d'État ?
Claude Goasguen : Il faut créer une police municipale à Paris. Nous l'avons dit, nous, à Démocratie libérale, depuis près de vingt ans. Nous n'avons pas senti à l'époque que M. Tiberi y était très favorable, ni le RPR. Je me félicite des conversions, mais je me pose la question : sont-elles simplement électorales ou électoralistes ?
RMC : La violence ?
Claude Goasguen : La violence est un très grave problème. Les chiffres de la délinquance montrent que le PS, qui s'occupe tellement des problèmes de taxation, devrait davantage s'occuper des problèmes de sécurité.
RMC : M. Chevènement est connu pour cela ?
Claude Goasguen : Non, M. Chevènement parle beaucoup, mais ne fait pas grand-chose. En particulier, il ne fait pas ce qu'il dit car il devrait, de temps en temps, aller dans les écoles de l'Île-de-France, pas seulement d'ailleurs celles des endroits difficiles, mais toutes les écoles où il y a un dérapage de la violence. L'absentéisme des professeurs, cette espèce de consentement et de non-dit à la violence qui est un véritable problème qui nécessite désormais un vrai débat sur l'éducation nationale. Voilà la charge de l'État.
RMC : C'est du domaine de l'éducation nationale ?
Claude Goasguen : Ce n'est pas du domaine de l'éducation nationale. C'est du domaine de l'État, celui-là. Je voudrais que l'État se préoccupe davantage de la sécurité et de l'éducation et peut être moins de taxer les entreprises.
RMC : Est-ce que vous êtes, à Démocratie libérale, toujours l'allié privilégié du RPR ? Ou bien, est-ce que vous avez repris votre liberté de mouvement après l'équipée des européens ?
Claude Goasguen : Il n'y a pas de raison de remettre en cause une alliance avec le RPR. Mais cela ne veut pas dire pour autant que nous sommes hostiles ni à l'UDF, ni au RPR. Il faut attendre désormais les résultats du RPR qui a un choix difficile à faire.
RMC : Qu'est-ce que vous pensez de ses six candidats ? C'est trop ou est-ce que c'est un signe de vitalité ?
Claude Goasguen : Il faudra que l'opinion distingue les différences politiques qu'il y a entre les uns et les autres. En réalité, il y a des sujets politiques contradictoires qui obscurcissent cette élection. Le RPR doit-il être le parti du Président ou un parti qui approfondit le gaullisme ? Ce débat sur l'Europe qui m'inquiète un peu ; ce débat sur le libéralisme. Je dois dire que les mots au RPR ne laissent pas à penser la prise en compte de la modernisation de notre monde, de notre pays. Désormais, il faut que l'opposition se mette autour d'une table, dans quelques mois.
RMC : Depuis le temps qu'on en parle !
Claude Goasguen : Se mette autour d'une table mais vraiment, cette fois, pas pour faire le « remake » des années passées.
RMC : De l'alliance ?
Claude Goasguen : Oui, cela n'a pas beaucoup d'intérêt. Je crois qu'il faut accepter la modernisation, voir une véritable alternance, et une alternance que je considère comme libérale, probablement, quel que le discrédit que certains jettent un peu rapidement, à gauche et à droite, sur ce thème et sur ce qu'il représente.
RMC : Est-ce que reculer les législatives pour les mettre derrière les présidentielles, c'est une bonne idée, comme le propose M. Bayrou, votre ancien allié ?
Claude Goasguen : M. Bayrou propose des choses qui sont intelligentes quelquefois, pas toujours. Mais là, en l'occurrence, la décision ne lui appartient pas. C'est au Premier ministre, Lionel Jospin, qu'il faut poser la question. Pour vous répondre et ne pas fuir le débat, moi, je serais favorable à tout ce qui permet l'unité. Je pense qu'il faut d'abord gagner les élections législatives, les gagner sans ambiguïté pour se permettre peut-être de gagner les élections présidentielles. Ce ne sera pas si facile. En toute hypothèse, nous attendons les décisions du Premier ministre dans ce domaine et ses propositions, et nous verrons.