Texte intégral
Le Figaro : N'est-il pas dangereux de renvoyer dos à dos, comme l'a récemment fait François Léotard, le PS et le FN ?
André Rossinot : François Léotard a eu un mot de trop. Il faut faire attention à ne pas jouer avec l'histoire qui, d'ailleurs, ne se répète pas. On ne peut considérer de la même manière le PS et le FN. Le PS est un adversaire politique, respectueux des principes républicains. Dans notre compétition avec les socialistes nous ne sommes, et nous ne serons en 1998, d'aucune complaisance. Les responsables du FN, sont, eux, des ennemis politiques Leur logique est celle de Vichy : ils sont xénophobes, antiparlementaristes et intolérants. Eux, contrairement aux socialistes, remettent en cause les fondements mêmes de la République.
Le Figaro : En plaçant sur le même plan les socialistes et l'extrême droite, François Léotard n'a-t-il pas repris une vieille ficelle, utilisée naguère par François Mitterrand ?
André Rossinot : Je ne le crois pas. François Léotard a donné suffisamment de preuve de son hostilité à l'égard du FN pour qu'on ne donne pas à ses propos un sens trop grand.
Le Figaro : Ne percevez-vous pas la tentation d'une partie de la droite parlementaire de jouer avec le FN, afin de se présenter comme le seul et unique rempart face à l'extrême droite ?
André Rossinot : Non. Ce n'est d'ailleurs pas son intérêt. Il faut poursuivre notre combat contre le projet politique des socialistes, et apprendre parallèlement, à nous battre, avec des arguments spécifiques, contre le FN. La difficulté est que nous avons à combattre différemment nos ennemis et nos adversaires, en évitant tout amalgame.
Le Figaro : Front républicain, désistement républicain... que préconisez-vous face au FN ?
André Rossinot : Il faut que nous ayons une stratégie électorale claire et que celle-ci soit rapidement arrêtée, pour éviter la pagaille au soir du premier tour des législatives. Nous devons adopter une règle de conduite et nous y tenir. On ne pourra pas affronter le PS dans 300 circonscriptions et pratiquer un Front républicain dans 200 autres. Ce serait à ne plus rien y comprendre. Je condamne cette démarche de Front républicain.
Le Figaro : Mais, concrètement, que proposez-vous ?
André Rossinot : Dans la plupart des circonscriptions, il n'y aura pas lieu de se poser de questions. Ce sera un affrontement classique : majorité-gauche. Se pose en revanche le problème des triangulaires. Quand le FN arrivera en deuxième position, le candidat de la majorité comme celui de la gauche, quelle que soit leur position – première ou troisième – devront se maintenir. Ainsi il n'y aura pas de confusion et chacun votera pour les siens. Quant au nombre de circonscriptions où le FN arrivera en tête d'une triangulaire, il sera fort réduit, de l'ordre d'une vingtaine si la majorité est unie, si la gauche l'est aussi. Dans ces cas précis, peu nombreux, le risque de voir élire un candidat FN sera réel, puisqu'il fera au moins 40 % au 1er tour. Dans ces circonscriptions, je ne suis pas partisan d'un Front républicain. Ce sursaut ne sera possible qu'à une seule condition : que celui auquel il doit bénéficier soit crédible. Et la force de ce sursaut républicain sera d'autant plus grande que cette règle ne s'appliquera que dans un nombre réduit de circonscriptions.
Le Figaro : Voulez-vous parler de désistement en faveur du candidat républicain le mieux placé pour battre le FN ?
André Rossinot : Oui, cela reviendra à un désistement. À Dreux, la majorité en a bénéficié. À Gardanne, c'est la gauche. Dans les deux cas, le candidat qui a fait échec au FN était un candidat crédible.
Le Figaro : Ce désistement doit-il s'accompagner d'appel à voter en faveur du candidat républicain le mieux placé pour battre le FN ?
André Rossinot : La majorité ne pourra appeler à voter pour un candidat de gauche que si celui-ci est irréprochable. Ce n'était pas le cas à Vitrolles.
Le Figaro : Dans bon nombre de régions, ni l'UDF et le RPR d'un côté, ni le PS et le PC de l'autre, n'auront de majorité. Afin que le FN ne se place pas en position d'arbitre, prônez-vous également un sursaut républicain pour l'élection des présidents de région ?
André Rossinot : Mais j'espère que nous réformerons le mode de scrutin régional ! La proportionnelle intégrale conduit à des régions ingouvernables. Il faut donc qu'une prime majoritaire, inspirée du mode de scrutin municipal, permette de dégager des majorités stables. Et il faut aussi découpler les régionales des législatives. Sinon, là où le FN aura réalisé un score important aux régionales, il pourra influer négativement sur le second tour des législatives.
Le Figaro : Vous craignez, localement, quelques dérapages ?
André Rossinot : Je crains surtout que le FN profite des régionales pour créer une dynamique au second tour des législatives, dans toutes les circonscriptions où il pourra se maintenir. C’est pourquoi, je le répète, il est indispensable de découpler régionales et législatives.