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La Tribune : Pourquoi prônez-vous une nouvelle stratégie pour la coopération internationale dans la défense ?
Charles Millon : Le budget de la Défense vit actuellement une cure d’amaigrissement. Il n’est plus possible pour les industriels français de ne vivre qu’avec les commandes nationales. Il est donc indispensable d’emporter des marchés à l’export. Mais ils doivent s’inscrire dans notre politique de coopération militaire et d’accords pour la stabilité dans le monde. D’où l’intensification de mes contacts internationaux. Il faut que nous passions à une nouvelle phase en ne pratiquant pas la politique des marchands mais celle des partenaires.
La Tribune : Où en est votre projet de plan stratégique pour l’export ?
Charles Millon : Il est bouclé et va faire l’objet d’une déclaration au plus haut sommet de l’État, d’une communication auprès des commissions parlementaires de la Défense et d’un rapport public. Ce plan va exposer nos choix des pays et des régions du monde avec lesquels nous souhaitons travailler. Il mettra aussi en avant les mesures pour favoriser les synergies entre équipements civils et militaires à l’exportation. Il présentera aussi tous les moyens financiers et de procédure que nous voulons instaurer. Il faudra bien sûr mobiliser toutes les énergies, notamment politiques. En matière industrielle, DCI, Défense Conseil International, présidé par Bruno Durieux, aura un rôle important. Tout comme ses sociétés de soutien, Navco ou Airco. Les offices, l’OGA ou l’Ofema – qui a repris la Sofma –, devront également intervenir, tout comme la Délégation générale pour l’armement, et en particulier la Direction des relations internationales que dirige l’ingénieur général Roger. Il faudra mettre en place des joint-ventures, comme Thomson-CSF le fait avec succès avec la société malaysienne Sapura, dans les pays avec lesquels nous voulons travailler.
La Tribune : Des firmes françaises fragiles comme Giat Industries ou la Direction des constructions navales sont-elles bien armées pour l’exportation ?
Charles Millon : Giat dispose de bons produits avec le blindé VAB, le char Leclerc, les munitions, les tourelles… Il en va de même pour la DCN. Je me rendrai d’ailleurs bientôt au Chili pour y finaliser la vente de ses sous-marins. C’est l’un de mes soucis : trouver des marchés pour Giat et la DCN afin d’aider à leur redressement. Elles devront aussi conclure des alliances internationales de toutes sortes, par produits et par marchés.
La Tribune : Quelle est votre position pour les privatisations d’Aérospatiale-Dassault et de Thomson-CSF ?
Charles Millon : Pour Thomson-CSF, nous n’avons pas d’a priori. Le cahier des charges précise ce que nous voulons faire pour la restructuration de l’électronique de défense. Pour ce qui est de la fusion entre Aérospatiale et Dassault Aviation, elle est en cours. La privatisation du nouvel ensemble, à laquelle le gouvernement s’est engagé, ne paraît pas impossible pour 1997 mais restera à l’appréciation du gouvernement. Il s’agit d’un secteur industriel stratégique, ce qui exige des procédures spécifiques, on le vit bien pour Thomson.