Interview de M. André Rossinot, président du Parti radical, à RMC le 12 mars 1997, sur les relations RPR UDF notamment pour le calendrier des élections régionales en 1998 et l'attitude "républicaine" de la majorité face au Front national.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

P. Lapousterle : Est-ce que l’intervention du Président de la République qui s’adressait aux jeunes avant-hier, a répondu, à votre avis, à leurs attentes ?

A. Rossinot : On peut discuter sur la forme sur la longueur, sur les conditions du dialogue. Mais je crois que s’adresser aux jeunes, c’est vraiment fondamental, c’est l’investissement humain le plus porteur. Derrière les jeunes, il y a les maîtres à l’école, il y a les enseignants, il y a les parents. Ce qui m’a plu dans cette partie, c’est la référence aux valeurs de l’école de la république et puis une chose tout à fait intéressante dont on ne mesure pas encore les effets, c’est l’école, l’informatique et la connexion des jeunes. Il faut être branché, ce n’est pas simplement une mode, c’est l’avenir. Quand B. Clinton dit ans sa campagne aux États-Unis : tous les mômes de huit ans doivent savoir lire et compter à douze ans, M. Chirac n’a pas dit autre chose. On ne rit pas parce qu’on dit cela aux États-Unis, on dit : ils sont en avance sur nous donc cet aspect-là des choses me paraît très positif.

P. Lapousterle : Il y avait un problème, c’est que quand même le drame des jeunes c’est tout de même qu’un jeune actif sur quatre est au chômage, est-ce qu’il y avait dans l’intervention du Président, à votre avis, de quoi répondre à cette angoisse-là qui est urgente ?

A. Rossinot : Le problème, il l’a bien posé, les pistes sont ouvertes, elles le sont d’ailleurs depuis longtemps, parce que la réponse à l’emploi aujourd’hui, c’est une série de mesures d’adaptation à une société. Mais comme les clignotants au niveau économique vont un petit peu mieux, je crois que là, on trouve des voies progressivement et on ne résout pas les problèmes de l’emploi dans une émission de ce type. On mobilise, on sensibilise. De ce point de vue, il y avait de très bons arguments.

P. Lapousterle : Hier, à l’Assemblée nationale, on a parlé du débat sur la parité hommes-femmes, est-ce qu’à votre avis, le Premier ministre est allé assez loin dans sa proposition, c’est-à-dire une réforme constitutionnelle provisoire ?

A. Rossinot : Je me suis longtemps interrogé : fallait-il faire quelque chose, faut-il faire quelque chose ? Je crois que la position d’A. Juppé, je la partage depuis plusieurs mois puisque j’ai signé la proposition de loi de N. Ameline. C’est simple, on dit "il faut faire" depuis tellement de temps, on ne l’a pas fait. Ce qui veut dire que la volonté ne suffit pas. Alors la méthode des quotas – appelons-la comme cela – avec modification de la Constitution, c’est comme quand un malade ne veut pas se soigner, il y a un moment où on le met sur le billard et puis on opère. Je crois que là, c’est exactement la même chose. Pour dix ans, il faut s’astreindre volontairement, c’est l’intérêt supérieur du pays et de la société de le faire. Je crois que les carences antérieures appellent ce type de solution.

P. Lapousterle : Alors votre formation, l’UDF est la deuxième de la majorité, lorsque vous vous êtes présenté il y a un an devant les électeurs de l’UDF pour la présidence de l’UDF, vous aviez dit qu’il fallait des réformes de structures, urgentes à l’UDF, et vous vouliez une UDF aussi fortement identifiée. Est-ce que, sur ces deux points, la présidence de F. Léotard vous satisfait ? Est-ce qu’il a fait ce qu’il fallait ?

A. Rossinot : Le contrat est, pour une part, rempli F. Léotard préside, travaille. L’UDF travaille, se réforme. Nous allons avoir un fichier commun, un grand parti politique transparent avec des adhérents qui payent par chèques, et cela dans la démocratie aujourd’hui, c’est urgent et nécessaire. C’est une réponse aux doutes ou aux critiques des formations. Nous aurons un prochain président de l’UDF, comme je l’avais souhaité à Lyon, élu par tous les militants de l’UDF. Dans chaque département de France, au mois de juin, il y aura un président départemental élu par tous les militants. Et il faut encore compléter une dimension de la réforme, c’est-à-dire que la prochaine fois, en 2002, l’UDF aura un candidat aux élections présidentielles.

P. Lapousterle : Vous en êtes sûr ?

A. Rossinot : Je l’espère en tout cas. J’espère que ce candidat sera désigné de façon démocratique par tous les adhérents et sympathisants de l’UDF. Si l’UDF n’a pas son candidat, elle aura une manière de soutenir quelqu’un. Cela, c’est impératif. À partir de ce moment-là, – ce doit être terminé pour l’été –, l’UDF aura gagné son processus de réforme.

P. Lapousterle : Les relations avec le RPR, le parti majoritaire, n’ont pas l’air d’aller au mieux, on voit notamment un conflit assez rude pour les élections régionales, sur la date de ces élections et sur le mode de scrutin de ces élections.

A. Rossinot : C’est un conflit respectable parce que c’est un vrai débat de fond. A l’UDF, nous sommes aussi profondément pour la décentralisation, c’est-à-dire le rôle des régions, des départements et des communes. A partir du moment où, comme le préconise A. Juppé, il y aurait le même jour législatives et régionales, on mélange deux débats. Un débat national très important et prioritaire – les législatives – et, à ce moment-là, le débat territorial disparaît. Nous préconisons qu’en juin, les élections régionales et les élections cantonales se déroulent le même jour, c’est très important, les régions, ce sont les grands travaux, ce sont les chantiers d’autoroutes, de TGV, les lycées, la formation professionnelle. Cela, c’est un débat qui concerne l’identité de chaque région. A partir du moment où cela est noyé dans un débat national, cela perd de sa substance. C’est un conflit sur le fond. Nous allons nous battre au Parlement et puisque A. Juppé a ouvert le débat et a renvoyé devant le Parlement, il y aura des amendements de la part de l’UDF pour faire revenir le Gouvernement sur la position par rapport au projet.

P. Lapousterle : Si le conflit en arrivait au point où le RPR et le Gouvernement maintenant leur projet en l’état, est-ce que vous voteriez contre ce projet ?

A. Rossinot : Nous aurons des amendements, on verra bien.

P. Lapousterle : S’ils étaient refusés ?

A. Rossinot : A partir du moment où on est battu démocratiquement au sein du Parlement… Mais ce qui me paraît important et que nous avons obtenu, c’est qu’il y ait un vrai débat devant le Parlement sur ce jet.

P. Lapousterle : Alors, l’UDF, votre formation, s’est quand même terriblement divisée aux yeux de l’opinion public au moment des élections municipales de Vitrolles ?

A. Rossinot : Tout le monde a été mauvais. Le Parti socialiste, l’UDF et le RPR parce que nous n’avions pas un bon candidat et que le score n’était pas suffisant. La tactique du deuxième tout a connu des oscillations. Mais qui, aujourd’hui, à la meilleure tactique pour le deuxième tour contre le Front national ? Ce qui veut dire qu’il faut se battre avec une vigueur sans faille contre le Front national et il faut partout les meilleurs candidats. J.-M. Le Pen est à Strasbourg pour son congrès au moment de Pâques, l’UDF et le RPR se manifesteront quelques jours avant, en Alsace ; le Parti radical, lui, sera au Parlement à Strasbourg sur le thème : "Patriotes, donc Européens", je ne souhaite pas que nous laissions le champ de l’Europe à J.-M. Le Pen parce que l’Europe est la chance des nations et les nations sont quelque part l’âme de l’Europe. Il faut aujourd’hui, pied à pied, proposer le drapeau, le bleu blanc route, la nation, la patrie, l’Europe. Ce sont aussi l’âme et la fierté des républicains et des radicaux en tout cas.

P. Lapousterle : Pour les élections prochaines de 1998, il y aura quand même apparemment 200 circonscriptions où le Front national sera en mesure de se maintenir au deuxième tour avec parfois des chances d’empêcher le candidat de la majorité de passer, que faire ?

A. Rossinot : Il faudra, au cas par cas, avoir une attitude républicaine. Le vrai débat, c’est bien sur l’attitude républicaine au deuxième tour mais le vrai débat pour la majorité aujourd’hui, c’est apprendre à se battre sur deux fronts, c’est-à-dire s’opposer violemment sur les principes et les idées au Front national, et puis une situation de compétition très vive avec le Parti socialiste.

P. Lapousterle : On peut gagner avec deux fronts ?

A. Rossinot : On peut gagner avec deux fronts parce que c’est là le cœur de cible. C’est le bon sens entre l’extrême-droite que l’on récuse et le Parti socialiste qui n’a rien à proposer.