Texte intégral
Le Parisien : Les Français n'ont pas le moral !…
Eric Raoult : Que la reine Elisabeth – à qui j'emprunte l'expression – me le pardonne, mais nous venons tous de vivre une sorte d'annus horribilis à la française ! Sans doute, au gouvernement, avons-nous eu une présentation trop contrainte et trop contrite des efforts à accomplir, même si nos compatriotes en admettaient et en admettent toujours, au fond d'eux-mêmes, la nécessité.
Conséquence : une année purgatoire, où tout effectivement donnait sans cesse l'impression de se désagréger… Tout allait mal, tout finissait mal… Résultat : nous sommes descendus si bas au fond de la piscine, tout près du carrelage, que nous ne pouvons désormais que remonter.
Après tout ce que nous avons vécu – cette sorte de « crise de foie » nationale –, demain sera forcément meilleur. Nous allons, vous verrez, assurer le rebond de Juppé ! Car Juppé, c'est le meilleur. Ce type est brillantissime. Et, surtout, il a eu le courage de réformer la France. Maintenant qu'il est plus simple et plus proche, il sera pour tous une révélation.
Et, plus encore, s'il n'oublie pas l'adage : « Si tu veux qu'on t'aime, montre, toi, que tu les aimes ! »... Il vient de le montrer dans son livre « Entre nous ». Les Français ont appris à mieux connaitre Chirac : ils vont apprendre à mieux apprécier Juppé.
Le Parisien : Quels sont vos sentiments à l’égard de François Mitterrand, un an après sa mort ?
Eric Raoult : Le respect pour l'histoire passée… Je n'ai jamais été un Tonton-maniaque : pour autant, je ne suis pas un maniaque de l’anti-Tonton. Mitterrand a été le prédécesseur de Chirac. Comme tout successeur, le chef de l'État lui a montré du respect. D'autant que même Mitterrand avait appris à respecter, peu à peu, certes avec difficulté, le général de Gaulle. Notre respect, nous le portons à l'homme qui a souffert et qui a douté, L'identité française est un tout. Elle est faite du général de Gaulle mais aussi de Blum.
Mitterrand fut un peu Janus : l’homme du Programme commun et l'ancien jeune homme de Vichy. C'est sa part de l'identité française !... Mitterrand a combattu Chirac, c'est vrai. Mais il a fini par être surpris par ce gaulliste qui peinait, souffrait et se battait face aux vents contraires du début de la campagne présidentielle. Oui, je crois qu'il l'a respecté. C'est plutôt sain une alternance dans une démocratie…
Le Parisien : Les Français n'aiment pas l'Europe…
Eric Raoult : Je suis européen, mais j'étais hostile à Maastricht. Le référendum est passé, mais la construction européenne continue. Ce qu'il faut, c'est que l'Europe ne soit plus celle des euro milliardaires ni des eurocrates, mais celle des gens qui travaillent dans une PME ou partent en vacances.
L'Europe de la vie quotidienne, c'est l'efficacité de l'échange, et la perspective de la compétitivité et de l'efficacité. L'Europe, ce ne peut être un simple billet de banque, mais cela compte quand un billet de banque correspond, au-delà des théories, à des gains concrets pour chaque citoyen !
Le Parisien : Quel regard portez-vous sur Philippe Séguin ?
Eric Raoult : Il a raison de parler. Même s'il n'a pas, lui, aujourd'hui, la responsabilité d'agir. Il regarde devant lui, au loin. C'est une vigie... Séguin n'est pas le muet du débat : c'est plutôt une bonne chose. Avec Chirac et Juppé il y a, entre les trois hommes, de facto une répartition des tâches. Et j'en suis heureux !
Le Parisien : Juppé à Matignon jusqu'en 1998, c'est acquis ?
Eric Raoult : En 1996, certains ont passé leur temps à tirer sur Juppé. Je souhaite qu'en 1997 les Français se mettent à l'aider. Il faut que notre pays rayonne et que le climat change : pour tous, l'année passée a été celle de l'effort. L'année qui commence doit être, en revanche, l'année du mieux-vivre pour les gens !