Texte intégral
O. Mazerolle : La manifestation Renault à Bruxelles hier : est-ce que, paradoxalement, elle ne montre pas que l’Europe existe ? Ce n’est plus au niveau national que se situent les enjeux sociaux ?
P. de Villiers : Je crois que l’on peut dire que l’Europe de Vilvorde, c’est l’Europe de Maastricht, c’est-à-dire une Europe sans protection et qui a fait le choix d’ouvrir les frontières et de fermer les usines.
O. Mazerolle : D’accord, mais quand on manifeste maintenant contre le plan Schweitzer, c’est pour non-respect des conventions sociales européennes ?
P. de Villiers : Oui, il y a une grande hypocrisie de la part d’un certain nombre de leaders syndicaux et de leaders politiques, à manifester contre ce qu’ils ont créé par leurs décisions ou leur indécision. Regardons ce qui se passe en ce moment dans l’automobile : pourquoi on licencie en Europe ? Pour deux raisons. D’abord, parce qu’il est plus rentable d’aller produire des pièces d’assemblage ou des composants automobiles dans les pays à très bas salaires, c’est-à-dire qu’il est plus rentable pour Renault de s’installer au Brésil qu’en Belgique et, deuxième raison, parce que l’Europe de Bruxelles, comme J. Calvet l’avait prédit dans les années 1990-1991, est devenue une véritable passoire, c’est-à-dire que, par exemple, les ventes d’automobiles coréennes ont bondi de 40 % en 1996 avec des tarifs inférieurs de 20 % aux automobiles Renault. Alors moi, je serais tenté de dire : il vaudrait mieux fermer les frontières que les usines.
O. Mazerolle : Mais quand vous entendez par exemple que Toyota pourrait créer une usine à Lens avec 2 000 emplois, cela vous réjouit ?
P. de Villiers : Quand j’entends cela, je me dis : quel dommage que M. Schweitzer ou M. Calvet ne puissent pas en faire autant au Japon. C’est cela le problème du libre-échange, c’est qu’il est totalement déséquilibré. On a des pays, comme la Corée ou le Japon, qui sont des pays conquérants et qui sont des pays protectionnistes et pendant ce temps-là, que fait la Commission de Bruxelles ? J’ai sous les yeux un texte absolument incroyable sur un instrument financier, un fonds de subvention pour venir au secours des entreprises européennes qui délocalisent leur production dans les pays en développement, en Asie, en Amérique, en Méditerranée, avec un budget annuel de 300 millions de francs qui sert donc à subventionner des entreprises européennes pour qu’elles déménagent leurs usines et leur production dans les pays à très bas salaires.
O. Mazerolle : Est-ce que vous n’avez pas le sentiment tout de même qu’hier, les leaders politiques de gauche ainsi que les syndicalistes français ont dit : la lutte contre le mondialisme, c’est un peu une bataille d’arrière-garde, maintenant il faut plonger dans l’Europe pour l’aider à être plus forte ?
P. de Villiers : Moi, je crois au contraire, comme le disait tout à l’heure M. Cotta, que pendant que les leaders politiques sont en train de construire une Europe mondialiste sans aucune protection pour nos emplois et une Europe monétariste qui, finalement, est tout bénéfice pour les spéculateurs et les banquiers – parce que vous avez vu : 3 000 licenciés à Vilvorde, la Bourse monte…
O. Mazerolle : Oui mais justement, ils veulent plus d’Europe pour mieux la protéger, ils veulent une Europe plus forte.
P. de Villiers : Ils veulent une autre Europe. Les peuples veulent une Europe qui ne se fasse pas contre l’emploi, contre la santé publique, contre la sécurité mais, au contraire, une Europe qui soit une Europe de l’emploi. Et on n’échappera pas à une réflexion sur la nécessité de ce que l’on appelait, avant Maastricht, le marché commun, la préférence européenne. C’est-à-dire que l’Europe ne peut être une Europe sociale que si elle est une véritable communauté de producteurs et de consommateurs, c’est-à-dire que l’on donne la préférence aux produits qui sont des produits européens avant de laisser venir des produits extérieurs. Sinon, on a cette incroyable séparation, cette contradiction entre l’idée d’aller produire dans les pays à très bas salaires et l’idée, ensuite, de consommer là où il y a du pouvoir d’achat. Eh bien ça, cela ne dure qu’un temps.
O. Mazerolle : Vous poursuivez votre alliance du Mouvement pour la France avec C. Pasqua et le CNI notamment. Est-ce que cette alliance va se concrétiser en terme électoraux ?
P. de Villiers : Avec C. Pasqua, nous menons un combat commun qui est la demande de référendum sur la monnaie unique ; et avec le CNI, nous constituons une droite indépendante qui réclamera, aux élections de 1998, une autre politique pour débarrasser la France du socialisme, du chômage et de la corruption. Et cette politique sera fondée sur trois convictions : une conviction nationale parce que l’on ne fera rien de bon sans la souveraineté ; une conviction libérale parce que l’on ne recréera de l’emploi en France qu’en développant et en protégeant la liberté d’entreprendre en France et en Europe ; et une conviction morale parce que, comme le disait M. Hollinger tout à l’heure, les gens en ont marre des affaires, de la corruption, de l’insécurité et qu’il faut diffuser des valeurs qui sont l’honnêteté, la sécurité, l’autorité.
O. Mazerolle : Vous aurez des candidats ?
P. de Villiers : Des candidats, partout bien sûr, aux élections législatives et aux élections régionales et je précise : en dehors de la majorité, parce que cette majorité précisément n’aura débarrassé la France ni du chômage, ni du socialisme, ni de la corruption, ni de Maastricht.
O. Mazerolle : Vous êtes toujours contre la majorité ?
P. de Villiers : Oui, elle est immense parce que, vous le voyez tous les jours, M. Mazerolle, le RPR dit la même chose que l’UDF qui dit presque la même chose que le PS, c’est bien là le problème aujourd’hui.
O. Mazerolle : Mais votre souci, c’est de ramener vers la majorité un électorat qui est allé au FN ou bien, vraiment, vous voulez constituer une force indépendante ?
P. de Villiers : Une force indépendante parce que moi, je ne mets pas le FN au centre de la vie politique, je mets au centre de la vie politique les problèmes de la France : la sécurité, le chômage, l’immigration, la lutte contre la corruption, les valeurs.
O. Mazerolle : Mais quand vous voyez les manifestations se multiplier contre le FN, vous trouvez cela sain, cela vous réjouit ou, au contraire, cela vous ennuie ?
P. de Villiers : Sur le FN, moi, je voudrais dire que je crois à l’égalité des races et à l’égale dignité des hommes, donc je renvoie le FN à ses outrances mais je crois, pour répondre directement à votre question, que répondre à l’outrance par la violence, c’est créer un climat d’intolérance et c’est une très grave responsabilité, de même que de jeter l’opprobre sur les électeurs du FN. Parce que tout à l’heure, lorsque j’écoutais les informations, avant d’être en dialogue avec vous, je pensais à des auditeurs de RTL qui sont des électeurs potentiels du FN, c’est-à-dire le salarié chez Renault inquiet pour son avenir dans le système maastrichtien, le contribuable français qui entend parler de cinq milliards de détournements au Crédit Lyonnais – probablement sans sanction -, le lecteur de la presse qui apprend que les violeurs de la femme flic du RER vont probablement être libérés et puis l’observateur tout simplement, qui constate la connivence maastrichtienne et le front républicain entre le RPR, l’UDF et le PS. Alors, il faut autre chose et cet autre chose, c’est probablement notre alliance, la droite indépendante pour une autre politique, avec le CNI.
O. Mazerolle : En un mot, qu’est-ce que vous attendez du procès de Carpentras ?
P. de Villiers : Il est important que ce procès ait lieu. Il met fin à toutes sortes de manipulations et de rumeurs malignes et il doit être, à mon sens, l’occasion d’une mobilisation contre l’antisémitisme et contre les actes odieux que constituent les profanations de tombes. Rien n’est pire que ce défi à la civilisation qui consiste à violer le souvenir de quelqu’un.