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Jeudi dernier, à Bruxelles, sommet du PPE. Cinq ou six fois par an, c'est le moment privilégié d'une rencontre entre ceux qui ont la responsabilité de notre famille politique à l'échelle européenne. La majorité d'entre eux gouverne leur pays. C'est le cas d'Helmut Kohl pour l'Allemagne, de José-Maria Aznar pour l'Espagne, de Romano Prodi pour l'Italie, que la France connaît bien, mais aussi Jean-Luc Dehaene pour la Belgique, de Jean-Claude Junker pour le Luxembourg, de John Bruton pour l'Irlande.
Autour de la table, nous préparions les grandes échéances politiques des semaines qui viennent, et, en particulier, les sommets de Dublin et d'Amsterdam, puisque l'Irlande achève son mandat à la tête de l'Union et que les Pays-Bas vont commencer le leur. Tout le monde voit bien ce qui est en jeu : la capacité de l'Union à se gouverner, et son aptitude à tenir les rendez-vous qu'elle s'est donnés à elle-même. La phase où nous sommes entrés, celle de la mise à jour du traité, notamment sur le plan institutionnel, est périlleuse. La défense des seuls avantages acquis par les pays membres peut mettre en péril l'équilibre de l'ensemble et la préparation de l'avenir.
Au-delà des décisions qu'il conviendra de prendre, j'essayais de mesurer quel est le grand défi que le siècle qui vient propose à notre famille politique. Il me semble que le plus important de ce défi, c'est celui de notre identité. Si les citoyens européens devaient dire ce qu'ils pensent de cette photo de famille, leur première réaction serait sans doute de surprise : comment Kohl et Aznar qui dirigent la « droite » de leur pays, Prodi qui dirige la « gauche » italienne, et les autres qui sont au centre, appartiennent à la même famille ? Et si on leur demandait de caractériser cette famille, ils auraient le plus grand mal. Peut-être les plus informés concluraient-ils qu'il s'agit de la grande alliance antisocialiste, à l'échelle de l'Union et bientôt du continent... Or il n'y a pas d'avenir pour un mouvement politique qui n'est pas identifié comme porteur d'une espérance.
C'est pourquoi il est capital que la famille du PPE sache traduire pour le siècle qui vient la double aspiration qui est la sienne et doit fixer son identité. Nous sommes les défenseurs d'un double idéal : l'idéal d'une société généreuse et chaleureuse, qui résiste au matérialiste, pour donner un contenu concret à l'aspiration humaniste. L'être humain n'est pas seulement un consommateur et un producteur. Il donne et il demande de la reconnaissance, de la tendresse, de l'intelligence, de la culture, de la chaleur humaine, de la sécurité.
C'est cette société que nous construisons. À notre manière, nous sommes des porteurs d'une utopie créatrice. Et pour porter ce projet, il faut un second idéal. Nous avons conclu que nos vieilles nations étaient trop faibles si elles demeuraient séparées et antagonistes. C'est pourquoi nous sommes les créateurs et les défenseurs de l'Europe unie, respectueuse des différences, mais forte, respectée et conquérante. C'est sur l'affirmation de ce double idéal que nous voulons ouvrir le siècle.