Articles de M. François Léotard, président de l'UDF et Valéry Giscard d'Estaing, membre du bureau politique de l'UDF, respectivement dans "Le Figaro" du 29 janvier et "Le Figaro magazine" du 1er février 1997, sur Louis Pauwels.

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Circonstance : Décès de M. Louis Pauwels, écrivain, directeur du Figaro Magazine le 28 janvier 1997

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Texte intégral

Le Figaro - 29 janvier 1997

François Léotard : « La passion de la liberté »

Il y a quelque chose qui ne peut pas nous quitter lorsque nous apprenons que Louis Pauwels s’éloigne à jamais du monde.

C’est son regard. Son regard physique, si l’on peut ainsi définir des yeux où la lumière de l’intelligence se mêlait à l’inquiétude, à l’infatigable inquiétude de mieux connaître et de mieux comprendre.

Son regard spirituel, si l’on peut ainsi évoquer une façon de lire les signes qui se cachent atour de nous et ne se dévoilent qu’à travers un dialogue patient de l’homme vers tout ce qui le dépasse et l’interroge.

La mort aura eu raison du premier regard. Il s’y attendait. Elle n’aura pas raison du second qui s’est transmis, de page en page, à tant de lecteurs et tant d’amis.

Louis Pauwels n’est plus. Il reste sa liberté, probablement sa seule passion ;

 

Le Figaro - 1er février 1997

Il donnait de la chair au verbe par Henri Amouroux de l’Institut

Louis, cher Louis, vous étiez un journaliste de combat, de culture et d’amour pour « notre beau métier difficile », et ce sera le titre de votre éditorial du 22 octobre 1988, à l’occasion du somptueux dixième anniversaire du Figaro Magazine ; un journaliste grand accoucheur d’idées par le Verbe : un journaliste comme on n’en fait plus beaucoup en un temps de « novlangue », de strict alignement sur la pensée unique et de conformisme capon ; un journaliste adossé à une œuvre littéraire et romanesque considérable qui, pour vos éditoriaux, était comme une inépuisable malle du trésor.

Un journaliste qui, dans une vie antérieure, avait écrit le Matin des magiciens, Saint Quelqu’un, l’Amour monstre, dix livres encore, dont un seul aurait fait la gloire de qui vous aboyait aux chausses.

Un journaliste avant, vingt-cinq années durant, vécu dans une famille d’ouvriers à la pauvreté fière, famille dont le souvenir, au faîte des honneurs, dans la houle faussement flatteuse des futiles et séduisants cocktails parisiens, où l’on croit qu’il faut « être vu » pour exister enfin, vous aide à reprendre pied.

Un journaliste qui, pour faire triompher, au bénéfice d’hommes politiques, souvent gâchant comme à plaisir le triomphe, des idées ouvertement et fortement libérales - où est le crime ? -, n’envoyait pas les autres au casse-pipe mais dégainait hebdomadairement son épée d’éditorialiste, ses formules cinglantes - qu’est-ce donc qu’un éditorialiste sans formules ? - et certaines, soigneusement détachées de leur contexte, choquaient les pudeurs (« sida mental » n’est-ce pas ?) de ceux qui, bientôt pourtant, applaudiraient ou absoudraient « Nique ta mère ».

Un journaliste qui, chaque semaine, était porté non sur l’aigre et fragile vaguelette de l’intellocratie, mais par la foule de millions de lecteurs, ces lecteurs pour lesquels, capitaine des navires Le Figaro Magazine et Madame Figaro, vous exigiez avec une volonté maniaque, un perfectionnisme parfois irritant, et, derrière le refuge de notre pipe, d’inquiétants silences désapprobateurs, que soit réalisé un magazine - et non un « produit » - « beau et même éclatant, un objet d’art malgré sa nature périssable » en l’honneur de Françaises et de Français, auxquels vous désirez offrir toutes les richesses des musée, toutes les beautés de la terre, tous les progrès des techniques ; Françaises et Français que vous aviez l’ambition - magicien du samedi dont l’action se prolongeait - de rendre heureux (ah, le bleu Fig Mag !) non seulement passivement mais en les faisant participer (nous nous souvenons de la lutte pour l’école libre) à ces combats pour des valeurs qui étaient les vôtres et qui se révélaient - alors que l’on vous traitait d’élitiste - magnifiquement populaires !

Je souhaite, Louis que ce soit sur ces images du temps heureux où le journalisme était votre joie, votre blessure, votre passion, que vous ayez fermé vos yeux déjà atteints.

 

Puisse sa passion lui survivre ! Par Valéry Giscard d’Estaing, ancien Président de la République

Louis Pauwels était avant tout un écrivain. Ma première rencontre avec lui date du jour où il est venu présenter à Clermont-Ferrand, dans une salle de cinéma, son livre célèbre Le Matin des magiciens ? Nous sommes restés ensemble à la fin de la soirée, et j’ai été impressionné par l’étendue de la sa culture littéraire et par sa recherche, presque obsessionnelle, de l’expansion juste.

Ses qualités je les ai retrouvées dans l’impulsion extraordinaire qu’il a donnée au Figaro Magazine. C’était au sens précis du terme une création personnelle. Bien qu’il ne signât que les éditoriaux, sa personnalité et sa culture imprégnaient l’ensemble des pages du journal, qu’il s’agisse des superbes images choisies avec raffinement, ou des textes eux-mêmes.

Au travers de cette nouvelle publication. Louis Pauwels cherchait à exprimer sa conception de la culture française, une culture puisée à nos sources classiques, celles de l’Antiquité, de la Renaissance et du siècle des Lumière, mais aussi une culture mêlée à la vie contemporaine dont il souhaitait qu’elle respectât davantage ce que la France nous a légué, et ce que nous laissons aujourd’hui, par insouciance ou indifférence, se disperser ou de délabrer.

Louis Pauwels était un homme de passion et un écrivain. Au travers de nos rencontres récentes, j’ai reconnu et partagé sa passion. Puisse-t-elle, à son tour, lui survivre !