Texte intégral
Q. Y a-t-il encore aujourd’hui, après les assises du RPR de ce week-end, une différence entre le RPR et l’UDF ?
François Hollande : Il n’y en a plus. La droite est reprise par le démon libéral qui l’avait tourmentée durant des années sans la dévorer complètement. Aujourd’hui, c’est cette ligne du tout libéral qui l’a emporté. C’était attendu de la part de l’UDF. C’est plus surprenant au RPR. Il y a donc une convergence intellectuelle qui s’articule autour d’un seul chef, puisque l’opposition s’est donnée à celui qui l’avait fait perdre : Jacques Chirac.
Q. Jacques Chirac, selon vous vient d’« avaler » Philippe Séguin, et vous avez souligné son « appétit ». N’est-ce pas, paradoxalement, un hommage à un président que vous disiez pourtant déstabilisé et sans avenir ?
François Hollande : Il est vrai que l’on assisté ce week-end à un événement fort cocasse : le RPR a renoncé à toute refondation, et a procédé à la « restauration » de Jacques Chirac. On avait l’impression qu’il ne manquait pas grand-chose pour qu’Alain Juppé revienne à un tour sur le devant de la scène !… Bref, la droite n’a toujours rien compris aux raisons de sa défaite : elle conforte les leaders dont elle souhaitait pourtant se débarrasser.
Quant à Jacques Chirac, il est aujourd’hui, indéniablement le chef de l’opposition. Il s’est installé dans ce rôle avec constance, et a réussi à en écarter les autres. Il se prépare à être candidat à sa propre succession. C’est d’ailleurs aujourd’hui sa seule préoccupation.
Q. Michel Rocard s’en prend aux années Mitterrand. Sur RMC, Jean-Christophe Cambadélis, un proche de Lionel Jospin, l’a accusé de « régler ses comptes ». Pourtant, Jospin lui-même avait, le premier, pris ses distances avec certaines dérives du mitterrandisme…
François Hollande : Il est vrai que Lionel Jospin a parlé d’un « droite d’inventaire ». Ce droit est toujours d’actualité. Il porte sur l’ensemble de notre responsabilité collective pendant les années Mitterrand. Le problème, c’est que Michel Rocard a toujours eu des relations conflictuelles avec François Mitterrand.
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« Ce Chirac se prépare à être candidat à sa propre succession. C’est sa seule préoccupation. »
Or, personnaliser les choses n’est jamais une bonne façon de procéder. Depuis quarante ans, la Ve République a produit une dérive monarchique qui a éloigné le peuple de ses représentants et donné une place excessive aux entourages. Nous souhaitons modifier profondément nos institutions. C’est pourquoi nous feront passer, notamment, des textes sur la réforme de la justice et le non-cumul des mandats.
Q. Bref, Michel Rocard aurait surtout péché par maladresse…
François Hollande : L’essentiel, aujourd’hui, c’est de chercher à réformer un système défectueux et à donner aux Français confiance dans la politique.
Q. Dans la perspective des régionales, les négociations semblent souvent délicates avec vos partenaires de la « majorité plurielle »…
François Hollande : Si vous faites allusion aux déclarations de Dominique Voynet concernant le Nord Pas-de-Calais, région qui devrait, selon elle, revenir à Marie-Christine Blandin, les choses sont très claires. Nous avons fixé dès le départ une règle, que tous nos partenaires connaissent : on ne se partage pas les régions avant de les avoir conquises. Marie-Christine Blandin a souhaité, au nom des Verts, avoir sa propre liste, à côté de celle conduite par Michel Delebarre. Les électeurs nous départageront.
Q. En Île-de-France, n’est-il pas surprenant que le chef de file « officiel » de la gauche, Dominique Strauss-Kahn, ne puisse pas dire aux électeurs si, en cas de victoire, il est prêt ou non à abandonner Bercy pour la présidence de la région ?
François Hollande : Dominique Strauss-Kahn conduira notre campagne. Pour le reste, il a bien l’intention de dire aux électeurs, sans attendre, ce qu’il fera au lendemain du 15 mars. Chacun se déterminera donc en connaissance de cause.
Q. En accédant à Matignon, Lionel Jospin a affiché sa volonté de « modestie ». Or vos propres alliés mettent parfois en cause l’« arrogance » des socialistes…
François Hollande : Je suis conscient que le temps de l’hégémonie du PS est révolu. Nous avons choisi la stratégie de la gauche plurielle, dont toutes les composantes sont représentées au gouvernement. Sans nous, les Verts n’auraient pas de députés. Et nous respectons, aujourd’hui, le droit à l’abstention sur certains textes importants en même temps que la liberté de parole de chacun : où est notre « arrogance » ? Je suis très conscient de nos devoirs, même si je rappelle aussi nos droits.