Interview de M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, dans "Le Journal du dimanche" le 9 février 1997, sur les conséquences économiques de la nouvelle parité du dollar ("le dollar est au bon niveau"), sur le rôle du G7 et sur l'opinion des concurrents de l'Europe sur la création de l'euro.

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Circonstance : Réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales des Sept pays les plus industrialisés (G7) à Berlin (Allemagne) le 8 février 1997

Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

Le Journal du Dimanche : Mais au sein du G7, trouvez-vous le dollar au bon niveau ?

Jean Arthuis : Oui, je considère que c'est un bon équilibre. Les Japonais, certes, craignent que le yen ne devienne trop faible, mais les monnaies européennes sont restées stables les unes par rapport aux autres face à cette remontée du dollar et c'est très encourageant pour l'avenir de l’Europe.

Le Journal du Dimanche : Giscard, qui demandait un dollar plus fort, a été entendu ?

Jean Arthuis : Pouvions-nous comme il le suggérait d'évaluer le franc par rapport au mark ? Depuis avril 1995 les membres du G7 n'ont cessé de dénoncer la faiblesse du dollar. J'ai constamment rappelé la nécessité de sa réévaluation. Nous y sommes enfin parvenus sans mettre en péril l'équilibre des monnaies européennes. N'oublions pas que les marchés considèrent la santé économique de chaque pays. Il faut consolider cette situation pour créer des emplois.

Le Journal du Dimanche : Comment ? Envisagez-vous parfois un retour à une parité fixe ?

Jean Arthuis : Elle est chimérique à l'échelle mondiale. Mais l'important est la volonté des responsables politiques d'équilibrer leurs finances publiques et de maîtriser l'inflation. Les taux d'intérêts qu'on a réussi à abaisser à un niveau sans précédent sont un gage supplémentaire de stabilité.

Le Journal du Dimanche : Que pensent les « 7 » de l'euro ?

Jean Arthuis : Qu'il devient une réalité ! Au G7 de Lyon, en juin dernier, le responsable du Trésor américain, Bob Robin, a demandé : « Et comment ça se passe avec l'euro ? ». Il a été stupéfait que les quatre Européens (Allemand, Anglais, Italien et Français) répondent d'une même voix. Il a compris que l'euro était irréversible. Il y a deux mois, un grand investisseur japonais m'a dit : « Je suis jaloux de l'euro. » Jaloux parce qu'il va compter dans le monde, qu'il sera une monnaie de référence.

Le Journal du Dimanche : Parlez-vous parfois d’élargir le G7 à de nouvelles puissances émergentes ?

Jean Arthuis : Le G7 n'est pas un gouvernement économique mondial, c'est un conseil des sages, informel. D'autres instances de dialogue ou de décision existent (le FMI, la Banque mondiale).

Nous nous interrogeons sur la stabilité des systèmes, sur les risques provenant, par exemple, ici ou là, d'une spéculation incontrôlée ou d'un crash financier. Notre travail est de prévenir les sinistres, d'imposer aux marchés des règles de prudence. Nous devons veiller à l'équilibre de l'économie mondiale et sommes soucieux de favoriser la croissance partout dans le monde, et pas seulement la nôtre car notre réussite dépend aussi de celle des autres.