Interview de M. Nicolas Sarkozy, membre du bureau politique du RPR, dans "Le Figaro Magazine" du 16 novembre 1996 sur le projet économique et social du PS notamment la création d'emploi pour les jeunes et la réduction du temps de travail et la privatisation de Thomson.

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Média : Le Figaro Magazine

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Catherine Nay : Le Parti socialiste vient de se donner un projet économique. Le débat gauche-droite est de retour. Est-ce sain pour la démocratie ?

Nicolas Sarkozy : J'ai toujours considéré que l'absence de débat nourrissait les extrêmes. Il est donc bon, sain et utile, alors que la majorité gouverne, que la gauche s'oppose et s'efforce de proposer. Il était d'ailleurs temps puisque depuis mai 1995, le Parti socialiste s'était plutôt caractérisé par une totale inexistence dans le débat public et une affligeante pauvreté dans ses propositions qui, à ma connaissance, se résumaient au rétablissement de l'autorisation administrative de licenciement.

Catherine Nay : Venons-en aux principales propositions du PS. Sept cent mille emplois pour les jeunes créés dans le public et le privé. N'est-ce pas une proposition alléchante ?

Nicolas Sarkozy : Qui peut encore sérieusement croire que les emplois se créent par décret ? Sept cent mille ! Pourquoi pas huit cent mille ou un million ? Les Français ont malheureusement suffisamment payé pour savoir que les coups de baguette magique de 1981 se sont rapidement transformés en coups de gourdin. Souvenons-nous que de un million et demi de demandeurs d'emploi en 1981, la France est passée à trois millions trois cent mille en 1993 ! La vérité est que les socialistes, en panne d'idées, espèrent à bon compte retrouver une fausse jeunesse en revenant à leurs errements passés. Mais on ne fait pas de la politique en inventant le programme à remonter Je temps.

Catherine Nay : Les trente-cinq heures, payées trente-neuf, avec en vue les trente-deux heures. Est-ce souhaitable ? Réaliste ?

Nicolas Sarkozy : Personne ne me convaincra que la meilleure solution est la répartition de la pénurie ! À l'heure de la mondialisation de la concurrence, peut-on, sans danger pour l'emploi, augmenter concrètement les coûts de production ? De surcroît, l'expérience de 1982 a clairement montré que la diminution imposée et rigide du temps de travail n'a en aucun cas enrayé la montée du chômage, bien au contraire.

Catherine Nay : François Hollande, porte-parole du PS, plaide que Thomson et France Télécom devront revenir dans le giron public, qu'en pensez-vous ?

Nicolas Sarkozy : C'est décidément l'air connu de la nostalgie. Le bilan des entreprises nationalisées en 1981 était-il si édifiant en termes de profit, d'emploi – et j'ajouterai de moralité – que cela justifie aujourd'hui de nouvelles nationalisations ? Alors que dans tous les pays tous les gouvernements – qu'ils soient libéraux, conservateurs ou socio-démocrates – reconnaissent les vertus des privatisations, le Parti socialiste français fait décidément preuve d'une originalité bien dangereuse.

Catherine Nay : Un accroissement des effectifs publics serait-il supportable pour le budget ?

Nicolas Sarkozy : Compte tenu de la situation de la dette publique, l'accroissement du nombre de fonctionnaires signifie très simplement que le Parti socialiste nous propose de vivre à crédit. Cela entraînera inéluctablement de nouveaux impôts, alors que c'est très exactement le contraire que nous proposons d'accomplir.