Interviews de M. François Fillon, porte-parole du RPR et nouveau président du Conseil régional des Pays-de-la-Loire, à Europe 1 le 16 mars 1998, RMC le 17, France 2 le 22 et "Libération" le 27, sur le bilan pour la droite des élections régionales et cantonales, l'impact de la dissolution, des candidatures uniques RPR UDF et du refus des accords avec le Front national.

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Circonstance : Elections régionales le 15 mars 1998. Elections cantonales les 15 et 22 mars 1998

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Texte intégral

Europe 1 – lundi 16 mars 1998

Europe 1 : Je crois que pour vous, dans la Sarthe, ça va bien et pour la région Pays de la Loire tout va bien.

François Fillon : Non seulement ça va bien, mais nous avons amélioré nos scores de 1992. Nous avons une majorité absolue plus importante que celle de 1992.

Europe 1 : Et que pensez-vous de ce que va faire François Léotard pour la région PACA ?

François Fillon : Je crois qu’il faut, dans cette région comme dans toutes les autres régions, faire l’inventaire de la situation. On nous avait annoncé une déroute. Peut-être que nous-mêmes, nous nous étions laissés un peu intoxiquer par l’ensemble des sondages et des commentaires dont certains ne nous donnaient plus que deux régions alors que nous allons peut-être en garder près de la moitié. Et il faut, dans chaque région, regarder qui a été élu. Il y a des élus du RPR et de l’UDF. Il y a des élus divers droite. Il y a des chasseurs.

Europe 1 : Est-ce que François Léotard a raison ?

François Fillon : Je crois qu’il a raison si, d’une part, il y a un danger de voir des divisions au sein de la droite RPR-UDF, ou s’il a le sentiment qu’il y a dans les « divers droite » ou dans les « divers gauche » des élus qui pourraient soutenir son projet.

Europe 1 : Jusqu’à présent, Édouard Balladur pour l’Île-de-France a été clair : s’il n’a pas la majorité relative, il se retire. Il ne l’a pas, il dit qu’il n’ira pas. Mais est-ce qu’en Île-de-France, Édouard Balladur doit ou pourrait invoquer les mêmes arguments ?

François Fillon : Je crois qu’Édouard Balladur ne le fera pas, compte tenu des engagements qu’il avait pris et peut-être aussi de son caractère et de sa stature. Mais en Île-de-France comme ailleurs, nous sommes en train de faire des comptes précis. Vous savez, il y aura sans doute encore des surprises.

Europe 1 : Est-ce que vous nous dites ce matin qu’il y aura un autre candidat de droite en Île-de-France ?

François Fillon : Je ne peux pas le dire à l’heure qu’il est, parce que nous sommes en train de faire les comptes. Et nous n’irons que s’il n’y a pas de risque de manipulation et de manœuvre.

Europe 1 : Édouard Balladur et Philippe Séguin se sont retrouvés hier sur un point sans s’être concertés : « Cet échec, a dit Édouard Balladur, a les mêmes causes que la défaite de 1997 » et « nous soldons les comptes de la dissolution », disait Philippe Séguin. Est-ce que c’est une façon de mettre en cause celui qui avait décidé la dissolution, c’est-à-dire Jacques Chirac ?

François Fillon : Non, c’est une façon de mettre en cause tous ceux dont nous faisons partie, dont font partie Philippe Séguin et Édouard Balladur qui ont assumé les responsabilités de la campagne de 1997. Car si c’est le président de la République qui a décidé de dissoudre, il n’y a pas eu beaucoup de monde pour l’en dissuader à l’époque. Donc c’est une responsabilité collective. Mais c’est vrai que le résultat d’hier soir est très sensiblement identique au résultat des législatives. Ce qui, neuf mois après, honnêtement, n’est pas très normal.

Europe 1 : Pour Édouard Balladur, l’opposition tout entière a une responsabilité collective et lui propose une organisation qui ne rassemble pas un parti unique, mais un vrai rassemblement. Et Philippe Séguin lui répond : pas de recomposition, la reconstitution et le RPR d’abord. Comment allez-vous faire pour avancer ?

François Fillon : Je crois qu’en fait, les points de vue sont moins éloignés qu’il n’y paraît. Philippe Séguin pense comme Édouard Balladur qu’il faut que l’opposition se rassemble, qu’il y ait, par exemple, un intergroupe qui fonctionne réellement entre les formations, entre les groupes de l’Assemblée nationale.

Europe 1 : Des petites choses.

François Fillon : Non pas de petites choses. Nous pensons qu’il faut d’abord commencer par la rénovation de nos formations politiques et, la rénovation, c’est d’abord le débat d’idées. Le mécano politique, l’addition des hommes et des états-majors ne convaincra personne.

Europe 1 : Donc la vertu première va être la patience ?

François Fillon : C’est la patience et le débat.

Europe 1 : À propos du FN qui devient une menace grandissante pour la droite et peut-être pour d’autres, est-ce que vous êtes d’accord avec la formule de Sarkozy à Bordeaux : s’accorder avec le FN, c’est le déshonneur, l’indignité et la défaite en plus ?

François Fillon : Absolument. Et d’ailleurs on le voit, on l’a vu encore hier soir. Le FN n’a pas de mots assez durs pour la droite RPR-UDF, défend des solutions qui ne sont mises en œuvre nulle part dans le monde, qui n’ont aucun sens au plan économique notamment et par ailleurs prône un racisme et une exclusion que nous ne pouvons pas accepter, qui nous déshonoreraient si nous l’acceptions.

Europe 1 : Les leaders du RPR et de l’UDF ont promis que ceux qui collaboreraient d’une manière ou d’une autre avec le FN seraient exclus. Est-ce que vous tiendrez ?

François Fillon : Absolument. Non seulement nous tiendrons, mais vous avez pu constater dans tous les sondages qui ont été faits, que c’est aussi le souhait d’une grande majorité des électeurs de l’opposition.

Europe 1 : Le président de la République va à nouveau disposer dans presque trois mois du droit de dissolution. Ce climat et ces résultats n’assurent-ils pas à la cohabitation une plus longue vie ?

François Fillon : Il est incontestable que, pour le moment, je crois que la dissolution n’est pas à l’ordre du jour parce qu’il nous faut du temps pour organiser la rénovation et le débat sur les idées et sur les valeurs que j’évoquais à l’instant.


RMC – mardi 17 mars 1998

RMC : Monsieur Le Pen a donc proposé de vous aider hier soir – d’aider les élus locaux de votre camp – en se mettant d’accord sur un programme qu’il a appelé « minimum » : baisse des impôts, priorité à la sécurité et puis défense de l’identité française. Quelle est votre réponse ce matin à cette proposition ?

François Fillon : Monsieur Le Pen, depuis trente ans, n’a qu’un objectif : c’est de prendre la place de la droite républicaine, et de la faire tomber.

RMC : Il a progressé…

François Fillon : Nous n’accepterons jamais la main qu’il nous tend, pour la bonne raison que nous ne partageons rien avec lui – aucune valeur, aucun objectif politique –, et donc il n’y a aucune ambiguïté sur ce sujet. Et je ne comprends pas d’ailleurs – puisque nous le répétons inlassablement, et que nous n’avons jamais fait d’accord avec le Front national –, pourquoi cette question est aussi présente dans tous les esprits ?!

RMC : Non, mais parce qu’hier il vous a posé la question à vous-même. À votre avis, d’ailleurs, pourquoi Monsieur Le Pen a-t-il fait cette proposition hier ?

François Fillon : Je crois qu’il est de toute façon dans une impasse. Il ne progresse pas réellement, enfin. Il fait un point de plus, il fait moins qu’aux élections présidentielles. On voit bien que le Front national ne sera jamais un parti de gouvernement. Et Monsieur Le Pen est dans une impasse politique. Il nous place aussi, par son score relativement élevé, dans une situation difficile ; et je crois qu’il cherche à en sortir, mais ce n’est pas avec nous qu’il en sortira.

RMC : Êtes-vous certain – parce que l’appel au-delà de vos appareils, au-delà de vous, s’adresse directement aux élus locaux – qu’aucune personne de votre parti n’acceptera cette proposition, en se passant de votre avis ?

François Fillon : Non, j’en suis tout à fait certain, nous y veillons. Et d’ailleurs, je crois que la tentation n’existe quasiment pas. Et elle n’existe surtout pas chez nos électeurs qui ont clairement indiqué tout au long de cette campagne, qu’ils ne souhaitaient pas voir le RPR et l’UDF gouverner les régions avec le Front national.

RMC : Êtes-vous inquiet ? Parce que vous dites que Monsieur Le Pen n’a aucune perspective, si j’ai bien compris – par parenthèse il a fait plus qu’aux présidentielles dans ce score –, n’êtes-vous pas inquiet du fait que certains de vos électeurs, encore une fois, une fois de plus, sont allés rejoindre les rangs du Front national ? Car c’est quand même ce qui s’est passé dans ces élections.

François Fillon : Il est sûr que nous, nous n’avons pas terminé, loin de là, notre effort de rénovation. Nous avons été battus aux élections législatives. Nous en avons tiré les conséquences, et nous avons engagé un effort de rénovation qui nous a conduits à lancer un débat d’idées. Ce débat d’idées – la clarification de nos valeurs, puis la mise en œuvre d’un projet politique, d’une stratégie d’union avec l’UDF – sont des objectifs qui vont nous prendre du temps. Et il n’est pas anormal que, neuf mois après la défaite des législatives, cette stratégie ne soit pas encore complètement perceptible par l’opinion.

RMC : Quelle est votre position sur un autre point : sur les présidentiables de régions, candidats à la présidence, qui affirment ne refuser les voix de personne, y compris celles du Front national ? C’est une proposition que vous acceptez, que vous considérez comme convenable ?

François Fillon : Non, nous ne l’acceptons pas. Nous avons dit clairement que, pour gouverner une région, il fallait une majorité ; et une majorité qui soit réunie par des convictions communes, par un projet commun. Lorsque cette majorité n’existe pas, nous avons dit que, soit nous n’aurons pas de candidat, soit que nous aurons un candidat qui sera là pour refuser clairement les voix de tous ceux qui ne partagent pas nos valeurs.

RMC : Et donc vous ne participerez d’aucune de ces majorités possibles ?

François Fillon : Aucunement.

RMC : Suite du scrutin : « Nous soldons les comptes de la dissolution », a dit le président du RPR, Monsieur Séguin. C’est pas très gentil pour le président de la République par parenthèse ?

François Fillon : Non, c’est pas le président de la République qui est en cause.

RMC : On a compris que c’était la faute de la dissolution…

François Fillon : Nous sommes tous en cause. Personne ou quasiment personne n’est allé dire au président de la République que la dissolution n’était pas une bonne idée. Nous sommes tous solidaires de cette décision. Quand Philippe Séguin dit : « Nous soldons les comptes de la dissolution », il veut dire que la perturbation qui a été imposée au calendrier politique par la dissolution, termine aujourd’hui ses effets. Mais cette élection régionale – neuf mois après l’élection législative –, ne pouvait pas avoir un résultat franchement différent de celui du mois de juin.

RMC : Est-ce que pour le futur, pour les semaines et les mois à venir, la rénovation que vous appelez de vos vœux – dont vous dites « qu’elle a commencé, qu’elle doit se poursuivre » – doit se faire autour du président de la République ?

François Fillon : Le président de la République est évidemment notre inspirateur. D’abord à nous, le mouvement gaulliste, mais il l’est aussi, je crois, pour toute l’opposition. Mais pour le moment, le débat d’idées que nous avons lancé, le débat sur les valeurs, qui a été au cœur de la campagne que Philippe Séguin a faite dans chaque département pendant cette campagne régionale, est un débat qui nous revient, que nous devons porter sur la place publique. Nous devons aller à la rencontre des Français, évoquer ces perspectives avec eux. Et le président de la République restera notre inspirateur et celui qui doit conduire, à terme, les batailles.

RMC : Pour le débat d’idées, quelle est l’idée principale, ou les deux idées, qui fera la différence ? C’est-à-dire qui arrêteront l’hémorragie qui fait que des électeurs vous quittent ?

François Fillon : Il y a deux choses. Il y a d’abord, la redéfinition des valeurs qui sont communes à l’ensemble des forces politiques de la droite républicaine : les valeurs de nation, de famille, de liberté, de solidarité. Elles ont besoin d’être redéfinies et cet exercice que nous avons commencé à faire, montre que, sous les mêmes mots, on place des réalités différentes et bien souvent, sur les mêmes valeurs, la gauche et la droite ont une vision radicalement différente des choses. C’est le cas sur la solidarité, par exemple. Et puis, le deuxième exercice qu’il nous faut faire, c’est celui qui va consister à démontrer aux Français que nous sommes crédibles lorsque nous affirmons ces valeurs ou que nous mettons en œuvre ce projet. Pour l’instant, ils ne voient pas clairement quelles sont les valeurs qui nous rassemblent, parce que nous avons essentiellement mis en avant notre capacité à gérer. Et deuxièmement, ils ont le sentiment, si nous évoquons ces valeurs, que de toute façon, nous ne les mettrons pas en œuvre. Donc il nous faut aussi démontrer notre crédibilité.

RMC : Cela fait beaucoup !

François Fillon : C’est un travail qui va nous prendre du temps ; nous l’avons toujours dit. Mais il ne sert à rien de le nier, et de construire des édifices artificiels et fragiles, tant que cet effort n’a pas été fait.

RMC : À tort ou à raison, les Français pensent que maintenant, au jour d’aujourd’hui, étant donné les évolutions sur l’Europe, etc. que l’ensemble des partis de l’opposition actuelle n’ont plus que des différences infinitésimales entre eux, et qu’il est complètement stupide de conserver tous ces appareils concurrents. Voulez-vous leur donner raison, ou est-ce que vous considérez qu’il faut conserver des appareils qui, finalement, sont concurrents ?

François Fillon : Notre objectif c’est de leur donner raison, mais en démontrant que, c’est autour des idées et des valeurs que le rassemblement peut se faire ; et pas autour des stratégies ou des hommes. Et donc, nous allons bien voir dans les mois qui viennent, si, sur la définition de la politique économique, sur la définition des valeurs qui nous rassemblent, le RPR et l’UDF peuvent cheminer ensemble. C’est ma conviction. Mais encore faut-il que cette démonstration soit faite.

RMC : Et vous pensez que tout le monde, depuis ces élections régionales, cela a changé quelque chose dans cette perspective-là ? Que les gens sont plus prêts qu’ils l’étaient à franchir le pas, de se mettre ensemble ?

François Fillon : Je crois qu’en tout cas, ces élections régionales ont démontré que la tactique ne permettrait pas de faire l’économie de l’effort de rénovation.


France 2 – dimanche 22 mars 1998

Béatrice Schönberg : Le RPR, ce soir, semble croire qu’il tient la situation. C’est ce que vous pourriez dire ? Vous tenez, malgré tout, la situation un peu comme un commandant tient le dernier sur son navire ?

François Fillon : Nous, nous avons choisi une voie qui est une voie droite, et la démonstration est faite – en entendant Monsieur Mégret – qu’il n’y a rien à gagner à frayer avec le Front national. Ce que Monsieur Mégret a proposé ce soir, finalement, c’est de laisser quelques miettes au RPR et à l’UDF, pour faire l’appoint d’une grande force de droite dont le Front national serait le centre. Je crois que tous ceux ont été tentés par des accords – qu’on comprend d’ailleurs, compte tenu du fait que la gauche n’est pas majoritaire dans beaucoup de régions – doivent comprendre ce soir qu’il y a rien à attendre du Front national, que la voie qui consiste à travailler de près ou de loin avec eux est mortelle pour la droite républicaine et libérale.

Béatrice Schönberg : Vous venez d’écouter Alain Madelin, vous, totalement d’accord avec ce qu’il vient de dire ?

François Fillon : J’irais plus loin qu’Alain Madelin. Nous, nous disons que la stratégie que nous avons adoptée, qui n’est pas nouvelle, qui est celle du président de la République, qui est celle sur laquelle nous avons fait campagne à l’occasion de ces élections régionales, cette stratégie doit être appliquée complètement, et donc il faut que ceux qui sont en rupture avec les engagements qu’ils ont pris en payent les conséquences.

Béatrice Schönberg : Selon notre sondage France 2 – « Libération », un certain pourcentage d’électeurs du RPR ne sont pas hostiles aux accords avec le Front national. Vous n’allez pas tous les exclure, je suppose ?

François Fillon : Attendez, entre les électeurs et puis ceux qui font des accords, il y a d’abord une sacrée différence ! Mais surtout, nous avons entrepris une rénovation après les élections de juin. Nous voyons d’ailleurs qu’elles commencent à porter ses fruits, parce que la gauche se tasse plutôt à ces élections au premier tour, et au deuxième tour des cantonales. Il faut qu’on continue notre travail d’explication. Mais nous ne varierons pas. Le général de Gaulle avait dit : « nous avons choisi la voie la plus dure, la voix la plus habile : la voie droite. »

Arlette Chabot : Demain, il y a une élection en Île-de-France. On dit qu’Édouard Balladur ne sera pas candidat. Vous nous confirmez ?

François Fillon : Absolument Édouard Balladur a toujours dit qu’il ne serait pas candidat et c’est un homme de parole.

Arlette Chabot : Alors, qui sera candidat pour l’UDF et le RPR, demain ?

François Fillon : Eh bien, le groupe RPR-UDF le décidera demain matin, avant la séance.

Arlette Chabot : Est-ce que vous pensez que vous êtes à l’abri d’une opération Front national, demain, en Île-de-France ?

François Fillon : Je l’espère, et en tous cas, nous allons tout faire pour que les choses se déroulent clairement, d’autant que maintenant Monsieur Le Pen a jeté le masque et a annoncé le prix à payer pour ces accords que nous avons dénoncés.

Arlette Chabot : À votre avis, ça devrait éclairer aussi ceux… parce qu’on s’interrogeait aussi sur la Haute-Normandie qui avait envie de passer des accords avec le Front national ?

François Fillon : Je crois que ça devrait éclairer tous ceux qui ne se rendaient pas encore compte du danger qu’ils font courir aux idées républicaines et aux idées de liberté.


Libération, 27 mars 1998

Libération : Philippe Séguin a déclaré mercredi : « Nous entendons refuser toute stratégie du plus petit commun dénominateur. » Le RPR n’est-il plus favorable aux candidatures uniques RPR-UDF ?

François Fillon : Du moins, c’est la fin de leur systématisation. Ces élections ont révélé chez les Français l’attente d’un discours clair. Dans le cadre d’une candidature unique de la droite, cette clarté est parfois moins évidente. Les résultats des dernières élections montrent que là où il y a eu des primaires à droite, nous avons ratissé plus large et le FN, du même coup, a reculé. En marquant fortement notre identité politique, nous pouvons donc élargir notre audience.

Libération : Pour reprendre l’expression de Philippe Séguin, les responsables RPR et UDF ne doivent pas « s’adonner au petit jeu du mécano » ?

François Fillon : Chacun, maintenant, doit développer son discours tout en ayant une volonté d’ouverture. Ensuite, nous pourrons additionner nos forces. Pas avant.

Libération : C’est le premier enseignement de la crise que traverse l’opposition ?

François Fillon : Ce n’est pas le seul. Le premier, c’est de faire campagne, d’aller sur le terrain. Philippe Séguin a montré l’exemple, contrairement à d’autres qui ont attendu le dimanche soir pour sortir de leur silence. On nous avait annoncé une déroute… nous avons fait presque jeu égal avec la gauche aux régionales. Aux cantonales, nous avons perdu très peu de conseillers généraux. Ensuite, il faut défendre une ligne claire et s’y tenir. C’est ce que nous avons fait lors des élections des présidents des conseils régionaux. Les digues n’ont pas cédé. Maintenant, c’est bien autour du RPR que peut se regrouper l’opposition. La reconquête du terrain, le respect de nos engagements et la clarté politique décideront de notre retour en force auprès des Français.

Libération : Ce refus d’accepter les voix du FN et sa conséquence, la perte de plusieurs régions, a provoqué dans vos rangs des turbulences.

François Fillon : La crise a été d’une intensité exceptionnelle, un moment de vérité où les hommes se révèlent et les valeurs s’affirment. Mais je suis convaincu que tous ceux qui étaient favorables à des accords avec le FN se sont rendu compte que la position de Séguin était la bonne, tant sur le plan moral que sur le plan politique. Ils ont pu mesurer l’impact négatif des alliances avec le FN sur le second tour des cantonales. Et ils ne peuvent que constater les difficultés dans lesquelles nagent ceux qui ont cédé à la tentation d’une arithmétique immorale.

Libération : Y aura-t-il d’importants bouleversements au RPR ?

François Fillon : Dans la suite logique des assises du RPR, nous allons procéder au renouvellement de tous les cadres du mouvement. Des élections vont avoir lieu à tous les niveaux dans les prochains mois. Cette démocratisation est réclamée par les militants et elle se fera sentir.

Libération : Allez-vous procéder au renouvellement des secrétaires départementaux nommés par la direction ?

François Fillon : Depuis son élection à la tête du RPR, Philippe Séguin n’a procédé à aucun changement. Il est donc normal qu’il procède aujourd’hui à des nominations.

Libération : Approuvez-vous la décision de François Bayrou de lancer un grand parti du centre droit ?

François Fillon : Il tire les conséquences de l’éclatement de l’UDF et prend ses responsabilités.

Libération : Comment pourra se faire le rapprochement avec les autres formations de l’opposition ?

François Fillon : Philippe Séguin a lancé un appel clair aux dirigeants de l’UDF pour engager un dialogue. Mais les rapprochements doivent se faire sous des formes nouvelles. Au RPR, nous nous sommes d’abord penchés sur notre réconciliation interne. Puis nous avons jeté les bases de la rénovation intellectuelle et structurelle du mouvement. Maintenant, il s’agit de nous préoccuper de son ouverture, autour des valeurs que nous défendons.

Libération : Vous réclamez donc des accords à la base ?

François Fillon : C’est un peu ça.

Libération : Les élections européennes seront la prochaine échéance électorale. Le RPR a-t-il l’intention de partir sous ses propres couleurs ?

François Fillon : Rien n’est décidé, mais aucune hypothèse n’est désormais à écarter.

Libération : Les sondages montrent que les sympathisants de droite sont favorables à une formation unique. Pourquoi la refusez-vous ?

François Fillon :  Les électeurs y sont favorables, faute de mieux. Cette formation unique, dans l’état actuel des choses, est une réponse artificielle qui masque un problème de fond : celui de la crédibilité de l’opposition. Le problème n’est pas celui des structures partisanes, mais des idées.

Libération : Pourquoi l’électorat RPR est-il plus complaisant à l’égard des alliances avec le FN que ceux de l’UDF ?

François Fillon : Notre électorat est partagé sur le sujet. Mais je suis convaincu qu’il comprend majoritairement la position ferme de Philippe Séguin. Notre électorat est attaché aux valeurs de la nation et de l’autorité de l’État. Ces valeurs ont été exploitées et dévoyées par le FN, ce qui explique les hésitations d’une partie des électeurs.