Déclaration de M. Charles Millon, ministre de la défense, sur l'importance du contrôle de gestion pour la réforme de l'armée et la restructuration de l'industrie de défense, Paris le 14 janvier 1997.

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Circonstance : Journée du contrôle de gestion à Paris le 14 janvier 1997

Texte intégral

Cette journée est exceptionnelle à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle est l’occasion pour moi de réunir l’ensemble des acteurs du ministère dans toutes ses composantes : états-majors, DGA, administration centrale. Je tiens d’ailleurs à remercier vivement, pour leur présence, les responsables au plus haut niveau du ministère, ainsi que les spécialistes « contrôle de gestion » de chacune des grandes entités.

Ensuite parce qu’elle permet de mesurer à sa juste valeur cet instrument essentiel du changement qu’est le contrôle de gestion. Dans la grande réforme qui vient de s’ouvrir, il ne s’agit plus, comme par le passé, d’une simple évolution ou d’adaptations à la marge. C’est une véritable révolution que connaissent les différents secteurs de notre défense, qu’il s’agisse des armées avec la professionnalisation, de notre industrie avec la réforme de la DGA, de l’implication directe des armées dans le nouveau service national. Il s’agit à la fois d’une révolution des méthodes de travail et d’une révolution des mentalités.

Au bouleversement géostratégique s’ajoute en effet la nécessaire maîtrise de la dépense publique, pour imposer le passage vers « une armée plus efficace et moins coûteuse » pour reprendre les termes du président de la République. Lee grand chantier de la défense nouvelle s’engage dans une logique de réduction et de meilleure connaissance des coûts.

Pour atteindre un tel objectif, l’action des contrôleurs de gestion mais aussi la sensibilisation de tous les responsables du ministère au grand principe du contrôle de gestion est une condition indispensable. Je veux parler, bien sûr, d’un bon pilotage des différents aspects de la réforme à travers la définition d’objectifs clairs, l’allocation de moyens proportionnés, l’instauration d’une évaluation fiable des résultats grâce à des bilans d’étape réguliers. L’affluence à cette journée me prouve, et je m’en réjouis, que chacun est désormais conscient des nouveaux impératifs. Car c’est une véritable culture de la responsabilité qu’il s’agit de cultiver à tous les échelons du ministère.

Je me suis, comme vous le savez, personnellement impliqué dans la mise en place d’un tableau de bord de la réforme. Il serait en effet tout à fait inconcevable qu’une transformation d’une telle ampleur soit menée en l’absence de tout instrument d’évaluation et de pilotage. Nous devons pouvoir, à tout moment vérifier l’adéquation de la mise en œuvre par rapport à l’objectif, et réagir de façon fine et adaptée en cas de modification de tel ou tel paramètre. L’enjeu est de trop d’importance pour se permettre une gestion approximative, au jour le jour, de la réforme.

Je ne cherche pour autant à savoir à tout moment, mais à disposer de grands indicateurs qui permettent de suivre tout particulièrement l’avancée de la réforme dans quatre grands domaines :

Premier domaine, le passage à l’armée professionnelle. À cet égard, les premiers résultats de la campagne de recrutement lancée par l’armée de terre sont tout à fait encourageants et démentent les prévisions alarmistes d’un certain nombre d’observateurs. Je rappelle que la loi de programmation 1997/2002 prévoit des objectifs chiffrés précis, année par année, que ce constat ne s’apparente pas, de ma part, à une simple impression.

Deuxième domaine, l’évolution du service national vers le rendez-vous citoyen et le volontariat. Il faut, là encore, réaliser les objectifs de la loi de programmation en assurant, dans la phase de transition qui va jusqu’en 2002, la ressource suffisante en appelés. Il faut, par ailleurs suivre la montée en puissance des centres de rendez-vous citoyen en termes de compétence de l’encadrement, de qualité de l’animation, de l’adaptation des infrastructures. Il faut, enfin, s’assurer que nous atteignons le nombre prévu pour les volontariats-défense.

Troisième domaine, la restructuration de l’industrie de défense et notamment celle de la DCN. J’attire votre attention sur l’intérêt d’un instrument de mesure comme le coût d’intervention de la DGA et le coût de chacun des grands programmes d’armement.

Quatrième domaine, le programme de mesures d’adaptation des armées dans ces dimensions humaines, patrimoniales, organisationnelles, territoriales, financières, sous les angles ministériel et interministériel. Faut-il, pour mesurer le succès d’une restructuration, résonner selon le nombre d’emplois de défense maintenus ou créés, en termes de pourvoir d’achat des communes concernées, ou encore en termes d’évolution des emplois bassin par bassin ? Je sais que certains d’entre vous travaillent activement à définir un certain nombre de critères pertinents.

Outre ces quatre grands domaines de la réforme, le tableau de bord concerne également une question essentielle, l’évaluation permanente des capacités opérationnelles des forces qui doivent toujours disposer des moyens humains et matériels adaptés à l’évolution des crises.

C’est précisément ce travail sur la définition de bases d’évaluation incontestables, faisant l’objet d’un consensus entre les parties prenantes, qui va permettre un approfondissement du dialogue de gestion.


En quoi consiste ce dialogue de gestion ? Bien sûr, en un échange confiant, et en discussions approfondies entre les différents niveaux hiérarchiques du ministère sur la base des indicateurs. En effet, la communication, l’échange d’idées et d’informations, sont désormais des nécessités imposées par le bon sens.

J’examinerai, pour ma part, les indications du tableau de bord avec les membres du comité stratégique mais aussi, en tant que de besoin, directement avec les grands responsables concernés. Les chefs d’état-major, le délégué général pour l’armement et le secrétaire général pour l’administration en useront de la même façon avec leurs subordonnés.

Je sais que vous êtes précisément en train de mettre en place auprès des grands décideurs du ministère, états-majors, direction de service, administration centrale un réseau de contrôleurs de gestion.

Tout ce dialogue doit naturellement aboutir à déterminer des mesures ou des actions. C’est d’ailleurs dès maintenant qu’il convient d’élaborer des solutions pour répondre à un certain nombre d’hypothèses, plutôt que d’attendre le dernier moment et improviser « à chaud ».

Ce dialogue de gestion qui est en train de s’instaurer à tous les niveaux du ministère n’est pas seulement une affaire d’indicateurs, mais requiert également un système d’information fiable et diversifié.

Ainsi est-il indispensable, par exemple, que je puisse mesurer comment la communauté de défense ressent l’avancée de la réforme. C’est pourquoi je me fais rendre compte régulièrement d’évaluations réalisées auprès des différentes armées, et auprès des différentes catégories de personnel.

Dans d’autres domaines, c’est par la comptabilité analytique sur laquelle vous menez un travail extrêmement important que je pourrais me faire une idée solide et étayée, par exemple sur l’efficacité comparée entre des organismes internes ou externes au ministère. Cela prend un intérêt tout particulier pour les tâches de soutien dans la perspective de l’extinction progressive de la ressource en appelés. Il est très avantageux, j’y insiste, de ne pas se laisser prendre par l’urgence, mais d’anticiper, de gérer le plus en amont possible les problèmes éventuels. C’est une telle préparation qui garantit, généralement une gestion du changement qui se déroule dans les meilleures conditions.

L’ensemble des perspectives que je viens de présenter est le fruit d’un travail d’équipe que je salue pour sa qualité, et auquel le contrôleur général Doucet prend une part très active, vous accomplissez un travail aussi difficile qu’indispensable. Je voudrais souligner qu’il concerne tous les agents du ministère, quelle que soit leur place dans la hiérarchie, tant la modernisation de la gestion, et plus généralement la réforme de la défense est l’affaire de chacun.

Aujourd’hui, la communauté de défense a su rompre avec toutes les routines et les habitudes pour faire prévaloir l’intérêt national et préparer les armées, l’industrie militaire et la technologie du siècle prochain. Il était naturel que le ministère de la défense associe, grâce à une démarche tout à fait innovante, réforme de la défense et réforme de l’État : c’est l’objet de la profonde modernisation de la gestion publique que nous sommes en train, ensemble, de mettre en œuvre. Je souhaite que ce travail exceptionnel réalisé par le ministère soit pour les autres administration de l’État une source utile de comparaison et, pourquoi pas, d’inspiration.