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Le Figaro : Alors, vous êtes désormais un ami d’Alain Madelin ? Après avoir été un ministre de Michel Rocard, ça fait désordre, non ?
Brice Lalonde : La société française est très injuste avec Alain Madelin. Il n’est pas l’agité d’extrême droite que l’on présente un peu vite. C’est un des rares hommes politiques qui ne soit pas un énarque et qui défende véritablement une cause. Cette cause, le libéralisme, me paraît transcender les clivages politiques classiques. Si un certain nombre d’élus représentant des courants hétérodoxes peuvent aider Alain Madelin à constituer une force libérale en France, ils feront du bon travail. La tâche historique de Michel Rocard me semblait justement de construire une force libérale de centre gauche – à la Tony Blair –. Il devait prendre ses distances avec le Parti socialiste, rompre. Il ne l’a pas fait. Et puis, il a été descendu par ses propres copains qui se sont plu à dire et répéter qu’ils n’étaient pas des libéraux. Je fais partie de ceux qui ont été « harkizés » par la gauche française, et qui voient revenir la logorrhée anticapitaliste et le mollétisme avec effroi.
Le Figaro : C’est le plaidoyer d’un cocu ?
Brice Lalonde : Oui. Rocard n’a pas fait son big-bang, il nous a exposés et il a perdu.
Le Figaro : On croyait pourtant que, pour un écologiste, le libéralisme portait la pollution, comme les nuages portent l’orage ?
Brice Lalonde : Bien au contraire. L’écologie est d’abord une morale dont chacun doit être le porteur, dans son entreprise ou dans sa société. Les grandes entreprises sont désormais très actives dans la protection de l’environnement. Il y a vingt ans, l’écologie était l’affaire de minoritaires marginaux. Aujourd’hui, elle est un atout dans la compétition mondiale. Il y a de plus en plus de fonds de pension pilotés par des écolos. Le retour de l’actionnaire dans l’économie moderne est formidable quand l’actionnaire est vertueux.
Le Figaro : Mieux vaut le marché libre que la protection de l’État ?
Brice Lalonde : Si l’État est imprégné de culture écologique, c’est parfait. Mais ce n’est pas le cas de l’État français qui, au ministère de la pêche par exemple, se bat pour armer le dernier bateau qui prendra le dernier poisson, ou dirige le Cogema. Pour les écologiques aujourd’hui, le triptyque efficace, c’est plutôt le marché, les associations et la justice qui fait respecter les lois et les décisions européennes.
Le Figaro : Comment jugez-vous la manière dont l’actuel ministre de l’environnement Dominique Voynet utilise l’appareil d’État ?
Brice Lalonde : Elle a obtenu des victoires symboliques, très politiques, comme l’arrêt de Superphénix. Je crains qu’elle ne le paye très cher. Qu’on laisse fonctionner par exemple, la centrale beaucoup plus dangereuse de Phénix. Que l’arbre Superphénix cache ainsi la forêt du plutonium. Mais je ne crois pas que Dominique Voynet s’intéresse beaucoup aux problèmes écologiques. Son objectif est d’abord politique : réussir la bouture de l’écologie avec la gauche.
Le Figaro : Vous lui faites le même procès « en pureté écologique » qu’un Antoine Waechter vous faisait naguère ?
Brice Lalonde : Je veux seulement dire que son objectif est d’abord politique, et que le jugement que l’on portera sur elle sera d’abord politique. C’est pourquoi je serai fort étonné que le parti Verts accepte de laisser la seule présidence de région qu’il détienne (NDLR : le Nord – Pas-de-Calais, avec Marie-Christine Blandin) sur l’autel de l’alliance avec les socialistes. Ou alors, cela voudrait dire qu’ils gobent tout.
Le Figaro : Pour les prochaines élections régionales, vos candidats se présenteront sur des listes communes avec Démocratie libérale d’Alain Madelin ?
Brice Lalonde : À droite, il n’y a que Démocratie libérale qui s’intéresse à l’écologie. Mais ils sont tenus par leurs alliances à l’intérieur de l’UDF, et avec le RPR. Or, l’opposition s’intéresse davantage à la fraction droitière de son électorat. Nous présenterons donc des candidats partout où nous pourrons. En Bretagne, en Île-de-France, dans le Nord, ou en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Et pourquoi pas devenir partenaires de l’opposition, en Bretagne ou en Midi-Pyrénées.