Texte intégral
Télé 7 Jours : Qu’avez-vous ressenti lors de votre élection en 93 ?
Philippe Séguin : J’ai vécu là une scène que j’avais déjà inconsciemment jouée. En qualité de vice-président, j’avais parfois eu l’occasion d’accéder à ce fauteuil. Lorsque l’huissier est venu me chercher pour m’inviter à monter au perchoir, j’ai ressenti une vive émotion. Un moment très fort. Et c’est la gorge serré que j’ai prononcé l’intervention que j’avais pourtant préparée à l’avance.
Télé 7 Jours : Votre médiatisation devenant incontournable, vous êtes-vous soumis à un « relookage » comme certaines personnalités politiques ?
P. Séguin : Je suis allergique à la notion de communication. Comprenez : celle constituée par l’apparence. Il n’y a rien que je déteste plus que de devoir jouer un rôle. J’en suis plutôt resté au « prêt-à-porter ».
Télé 7 Jours : Quelles innovations avez-vous apportées au fonctionnement de l’Assemblée nationale ?
P. Séguin : L’accueil des chefs d’États étrangers, le vote personnel, la session unique, le musée de l’Assemblée et sa chaîne de télévision. J’ai supprimé les séances de nuit (ce qui n’oblige désormais plus le président à élire domicile en l’hôtel de Lassay). Et surtout la création du Parlement des enfants : 577 élèves de CM2 (autant que le nombre de députés), élus par leurs camarades, viennent siéger une fois par an. Nous avons d’ailleurs voté une loi qu’ils ont présentée : celle empêchant de séparer des frères et des sœurs lors de leur placement en familles d’accueil.
Télé 7 Jours : Avez-vous changé quelque chose au faste des réceptions ?
P. Séguin : Le nombre seulement. On peut compter mes dîners officiels sur les doigts d’une seule main.
Télé 7 Jours : Chaban-Delmas avait commandé des vins de Bordeaux pour les caves de l’Assemblée. Et vous ?
P. Séguin : Je ne bois pas de vin. Que de l’eau. Vittel, vous l’auriez deviné. C’est de chez moi. Ou de la Contrex, ce n’est pas bien loin. J’ai eu une polémique célèbre avec M. Giscard d’Estaing le jour de la ratification des accords du GATT. Il s’est tourné vers moi, son verre d’eau à la main et, pour apporter une nuance d’humour dans le débat, il a demandé : « J’espère que c’est de la Volvic ? » « Non, M. le président ! Je crains pour vous que ce ne soit de la Vittel. » Chacun avait déjà défendu ses couleurs.
Télé 7 Jours : On vous dit aimable et spirituel avec les visiteurs, coléreux et autoritaire avec vos collaborateurs. Est-ce vrai ?
P. Séguin : Je suis beaucoup moins aimable et spirituel qu’on ne le prétend.
Télé 7 Jours : Coléreux et autoritaire ?
P. Séguin : Je crois vous avoir répondu.
Télé 7 Jours : Enfant, vous auriez dit : « Je serai Marcel Cerdan ou Napoléon. » Pourquoi ces choix ?
P. Séguin : Cerdan, quand j’étais petit, c’était la gloire. N’ayant pas la télévision, je suis allé trois fois au cinéma voir la rencontre Cerdan-Tony Zale. Quant à Napoléon, c’est mon grand-père qui l’aimait. Il m’a fait tout lire.
Télé 7 Jours : Vous avez écrit une saga des présidents de l’Assemblée nationale. À qui vont vos préférences ?
P. Séguin : Ma référence est le président Chaban-Delmas, et je suis très fier d’en avoir fait un président d’honneur de l’Assemblée. En tant qu’homme, celui pour lequel j’ai le plus d’admiration et qui est le plus méconnu, c’est l’abbé Grégoire. Il ne fut président que quinze jours. Mais, imiter Grégoire, pour moi c’est raté, car pour devenir évêque, c’est trop tard.