Texte intégral
Messieurs les Premiers ministres,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Comité national,
Mesdames,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très honoré d’accueillir ce soir, au Quai d’Orsay, tant de personnalités françaises et étrangères rassemblées à l’occasion de l’hommage solennel que la nation rend aujourd’hui à André Malraux, à l’initiative du président de la République.
Il m’est particulièrement agréable de saluer la présence de Mmes Florence et Madeleine Malraux. Soyez assurées, Mesdames, de notre profond respect en ces circonstances émouvantes pour nous tous.
Le président de la République et Maurice Schumann ont dit, tout à l’heure en termes inégalables, ce que la France, la nation, la République doivent à André Malraux.
Je ne veux ajouter que quelques mots pour évoquer la stature diplomatique et le rayonnement culturel international de celui qui nous réunit aujourd’hui.
Cette stature, ce rayonnement ne sont pas le fruit du hasard. Malraux n’est pas seulement un homme d’exception. Son action, sont œuvre sont à l’image même de celle de la France hors de ses frontières. Il incarne ce qu’a de puissamment original la diplomatie de la France, où l’action politique des gouvernements qui se succèdent est inséparable du message universel que porte au monde le peuple français. C’est cela la voix de la France : l’indépendance des nations, la liberté des peuples, la reconnaissance et l’amour de toutes les cultures et de toutes les civilisations, et j’ajouterai, le refus obstiné de toutes tentatives hégémoniques.
C’est ainsi qu’André Malraux, envoyé du général de Gaulle sur les grands chemins de l’histoire de l’Humanité, a été, comme personne, la voix de la France.
Accompagnant les mouvements de son temps, de l’Espagne révoltée au Cambodge au bord de son propre abîme, du Bangladesh éblouissant dans sa misère aux maquis ardents de la résistance. Il est le messager de la France nouvelle incarnée par le général de Gaulle : Témoigner de notre volonté acharnée, lutter contre la logique des blocs. C’est ce que signifient ses rencontres avec Mao Tsé Toung, Nehru, Kennedy et tant d’autres. La liberté et l’indépendance pour tous. L’une et l’autre se forgent dans les combats, dans les révolutions, dans les grandes aventures des nations. Elles s’incarnent dans les Hommes, que le destin transfigure, comme il n’y en a plus aujourd’hui, menant les soldats de l’an II ou les paysans de Chine. Elles se fondent sur la vraie, la seule richesse des nations : les valeurs qu’elles portent, leur capacité à résister ! Révolte et culture : la vraie souveraineté des peuples est dans leur culture.
En consultant les archives du Quai d’Orsay, nous avons retrouvé des documents de valeur exceptionnelle. J’ai choisi, en particulier, ceux qui relatent sa rencontre, en 1965, avec Mao Tsé Toung. Il nous est possible aujourd’hui de les publier et nous aurons le plaisir de vous offrir ce petit ouvrage réalisé pour l’occasion, à l’issue du dîner. Il montre un Malraux diplomate au sens que je viens d’exprimer, c’est-à-dire celui qui est porteur d’une politique, qui s’inscrit dans une histoire longue, qui s’illustre par le verbe, et qui tend une oreille attentive et amicale à l’autre. Il montre aussi, au sens propre, que l’Histoire s’écrit et que, « si le monde s’est mis à ressembler à ses livres » comme disait avec humour, ses livres ressemblent au monde.
Les citations de Malraux abondent concernant sa longue méditation sur le dialogue entre l’art et la mort. Mais, toutes s’inscrivent dans l’Histoire, celle que les peuples font, et dont il fut un acteur ardent.
En somme, l’action ministérielle de Malraux à l’étranger doit être définie comme celle d’un missionnaire, pour qui les liens spirituels et culturels l’emportent sur les accords qui président aux relations internationales.
En Inde, à Tokyo, à Athènes, à Buenos Aires, à Dakar, Malraux répéta sont message aux Brésiliens du 25 août 1959 : « ce que vous propose aujourd’hui la France, c’est que pour nous tous la culture soit la résurrection de la noblesse du monde ».
Avant de partir en Orient, s’adressant aux ambassadeurs d’Iran, d’Inde et du Japon, il déclare : « la France a la mission de proposer à l’Humanité les moyens et les méthodes d’une action intellectuelle et spirituelle ».
Je crois à l’actualité de ce message.
Voilà pourquoi, depuis deux ans, le ministre des Affaires Étrangères, d’abord à l’initiative d’Alain Juppé, puis sous mon impulsion, a préparé activement cet anniversaire.
Une exposition est présentée en ce moment dans plus de cinq cents villes du monde. Des campagnes d’affichage, qui ont touché l’espace urbain de dizaines de villes de France, ont étendu « l’automne Malraux » à Bruxelles, Athènes, Mexico, Dacca et bien d’autres capitales grâce à nos services culturels. Des colloques, des expositions de livres – des projections de films et d’émissions de télévision ont lieu en ce moment un peu partout dans les universités étrangères, les instituts et les alliances françaises. Un centre André Malraux, né d’une initiative de la société civile que nous aidons, a été inauguré récemment à Sarajevo par Philippe Douste-Blazy, en présence du Premier ministre Pierre Messmer.
Mexico en 1997, Tokyo dans le cadre de l’Année de la France au Japon en 1998, Madrid et Barcelone en 1999, Dakar en 2000 rendront des hommages particuliers à l’homme qui sut porter un regard neuf sur ‘art des cinq continents.
Capable de mener l’Humanité à un rêve digne de l’Homme, le dialogue des cultures apparaît à Malraux comme « le plus puissant protecteur du monde libre contre les démons de ses rêves ».
A la fin d’un siècle qui a connu la ferveur et le deuil des révolutions, et dont il fut, pour une part, la légende, c’est que nous lègue sa mémoire, celle d’un homme ouvert à l’essentiel du monde et qui fut aussi l’émissaire et la voix de notre pays.