Texte intégral
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de saluer cet après-midi la septième promotion d’auditeurs de l’Institut des hautes études de la sécurité intérieure alors que ses travaux s’achèvent et qu’il est temps d’en tirer un bilan.
Je commencerai par me féliciter du succès d’affluence grandissant des sessions de l’IHESI. Avec 96 auditeurs cette année, contre 89 l’an passé, cet organisme prouve sa capacité à attirer un public toujours plus large, toujours plus attentif et toujours plus intéressé au vaste domaine d’études que constitue aujourd’hui la sécurité intérieure.
Comment ne pas remarquer la variété des auditeurs, qui ne sont pas simplement issus de la haute administration mais qui proviennent pour une part significative, du secteur privé, du monde associatif ou encore des professions libérales ?
Cette variété fait la richesse de votre promotion. Elle permet la confrontation des idées et des expériences. Elle suscite un langage commun, un discours cohérent, un esprit critique qui donne à vos analyses leur intérêt et leur portée.
Mais cette variété a une autre signification. Si des personnes venues d’horizons forts différents éprouvent le besoin de se retrouver pour réfléchir aux perspectives de la politique de sécurité, c’est le signe que celle-ci n’est plus exclusivement régalienne. Qu’elle n’est plus l’apanage d’un État reconnu comme une autorité tutélaire et omniprésente.
La sécurité est l’affaire de tous. Elle intéresse chacun, dans ses activités professionnelles comme dans sa vie quotidienne. Et nul n’est à l’abri de telle ou telle manifestation d’insécurité ou de tel ou tel acte de délinquance.
Il ne s’agit pas, vous le comprenez bien, de sombrer dans le catastrophisme ou de dépeindre une société éclatée, en proie à de grandes peurs qu’elle serait incapable de surmonter.
Il s’agit simplement de reconnaître que la diversification des formes de l’insécurité, la multiplication des risques qui menacent ici et là la paix publique, ainsi que la transformation profonde de la délinquance nécessite une prise de conscience collective et une réponse politique appropriée. L’IHESI se situe à mi-chemin de ces deux termes. Elle contribue à la prise de conscience du citoyen. Elle prépare la réponse du politique.
Oui, l’État n’est plus seul dans la lutte contre l’insécurité. Et le défi qui lui est posé aujourd’hui est de parvenir à contrôler, à harmoniser, à fédérer l’ensemble de ceux qui interviennent en la matière. Cette évolution est le résultat de plusieurs phénomènes :
Une aspiration de nos compatriotes à une sécurité totale qui va de pair avec l’accroissement du confort matériel et l’essor du consumérisme.
Une multiplication des manifestations d’insécurité liées au délitement des structures d’encadrement traditionnel et à la montée de la précarité économique et sociale.
Un affaiblissement de la frontière entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, qui conduit à prendre le citoyen, l’habitant, l’individu comme otage d’un conflit entre États ou comme cible d’une contestation radicale de l’état de droit et de la société établie.
Un fossé démographique et économique qui se creuse entre les pays industrialisés du Nord et les pays en voie de développement du Sud, alors même que l’uniformisation des modes de vie opérée par le biais des médias et de la propagation des images renforce l’attrait de l’occident. Sont ainsi générés des flux migratoires importants et persistants qui, on le voit, peuvent conduire des populations déracinées, et sans ressources aux formes les plus diverses de marginalisation.
Alors, dans ces conditions, comment assurer la sécurité de nos compatriotes et la tranquillité de notre pays ?
Comment maintenir l’équilibre entre la juste répression des délits et la garantie des droits individuels ?
Comment assurer l’autorité de l’État sans rejeter les concours des collectivités locales ou des sociétés privées ?
Comment enfin, faire valoir une politique nationale, fondée sur le respect d’un certain nombre de valeurs et de principes qui fondent notre appartenance à une même communauté et la nécessaire dimension européenne et internationale de la lutte contre la criminalité organisée, le terrorisme ou la délinquance financière.
Vous comprenez que tous ceux qui ont en charge la conception et la mise en œuvre des politiques et des stratégies de sécurité doivent en permanence s’efforcer de concilier des impératifs, heureusement il est vrai, pas toujours inconciliables.
Avec une ligne de force : ne pas se résigner, au gré des renoncements et des compromis, à la mort lente de l’État républicain. Lui donner au contraire toutes ses chances en le dotant des moyens nécessaires pour assurer les missions que nos concitoyens attendent de lui.
Car en dernier ressort, dans une démocratie ancienne comme la nôtre, c’est vers l’État que l’on se tourne, c’est le gouvernement que l’on juge, c’est la Police nationale que l’on incrimine lorsque l’insécurité progresse.
Voilà pourquoi la politique que le Premier ministre m’a demandé de conduire est sans ambiguïté :
– réformer la Police nationale, en la rendant plus visible et plus proche de nos concitoyens ;
– redéployer les effectifs, aménager les cycles de travail pour mieux appréhender la délinquance organisée et agir plus efficacement dans les quartiers difficiles ;
– faire preuve de fermeté face à l’immigration irrégulière et passer outre les protestations de quelques personnalités qui ne représentent qu’elles-mêmes ;
– jouer le jeu de la construction européenne, sans naïveté et sans illusions, en défendant ainsi nos intérêts et en prônant nos conceptions, qu’il s’agisse de la lutte contre le trafic de drogue ou des contrôles aux frontières ;
– moderniser notre administration afin de l’adapter à l’évolution du concept de sécurité intérieure : transformation de la Sécurité civile et rapprochement avec le haut fonctionnaire de Défense, mise en place de la DICCILEC et de l’OCRIEST…, meilleure répartition des tâches entre police et gendarmerie.
J’ai besoin de vous pour mener cette politique, et pour l’éclairer. Car l’IHESI détient un rôle de vigie aussi bien pour signaler l’émergence de menaces nouvelles que pour mettre en exergue de lentes et profondes évolutions. Je voudrais vous en donner quelques exemples.
Comment va évoluer la relation entre crise urbaine, repli identitaire de certains quartiers et incitation au terrorisme intégriste ?
Quels effets vont exercer sur la sécurité intérieure les tendances constatées en matière de précarité sociale ? Va-t-on devoir de plus en plus canaliser des populations en errance et avec quels moyens ?
Jusqu’où aller pour lutter contre la délinquance précoce des jeunes, et quelle politique mettre en place pour pallier les défaillances du contrôle parental ?
Quelles améliorations apporter à nos dispositifs de prévention et de sanctions pour protéger les enfants victimes de violences au sein de leur propre famille ou à l’extérieur ?
Quelle utilisation faire des moyens de communication fournis par l’essor des technologies de l’information pour améliorer la sécurité intérieure ?
Il y a là pour l’IHESI matière à analyse et à la réflexion.
Dans un institut comme le vôtre, il y a place pour la sérénité. On est loin des simplismes, des polémiques faciles, des antagonismes trompeurs qui polluent trop souvent la réflexion sur la sécurité.
Pour ma part, je ferai tout pour préserver ce lieu de débat qui apporte au gouvernement, quel qu’il soit, une aide précieuse à la décision.
Je souhaite que l’IHESI continue de travailler à l’édification d’un concept de sécurité intérieure, dont nous voyons chaque jour la pertinence.
Dans cet esprit, j’ai demandé à son directeur, à qui j’adresse ma reconnaissance pour son action, d’organiser une réflexion sur le thème du volontariat au service de la sécurité intérieure. À l’heure où l’armée est engagée dans une vaste réforme de son fonctionnement, il me paraît indispensable que le ministère de l’Intérieur apporte sa pierre à la réussite de la mutation de la conscription.
Assurer la sécurité pour affermir la République avais-je dit l’année dernière à la 6e promotion.
Consolider l’État pour organiser la sécurité intérieure au bénéfice de tous nos concitoyens, tel est le message que j’ai voulu aujourd’hui vous livrer.
Je suis convaincu que vous aurez à cœur de travailler en ce sens, en étudiant et en analysant les données nouvelles qui jouent sur notre environnement mais qui ne sauraient nous conduire à la passivité ou à l’affolement.
Ayons confiance dans la capacité de la France et de l’État républicain à surmonter les obstacles qui, une fois encore, sont dressés sur sa route, pour garantir la cohésion nationale, la paix publique, et la sécurité individuelle, gages du progrès collectif.
Je vous remercie.