Texte intégral
Depuis le 1er janvier 1997, les Pays-Bas assument la présidence de l’Union européenne. Ce grand pays agricole a une vision libérale de l’économie et, sur certains points cruciaux, une conception de l’agriculture aux antipodes de la nôtre : une compétitivité maximale par une intensification accrue, une absence totale de politique d’installation en faveur des jeunes. Or, l’Université d’hiver, que nous avons tenue à Bruxelles, nous a montré que le rôle du pays qui préside pour six mois les destinées de l’Union est capital. Il nous faudra donc être vigilants, car de grandes réformes s’annoncent sous la houlette néerlandaise. À commencer par le très complexe dossier des OCM bovine et laitière, point fort du libéralisme agricole hollandais.
L’Université d’hiver du CNJA nous a montré aussi l’incroyable complexité du fonctionnement communautaire, qui démystifie quelque peu l’idéal de la construction européenne. Mais surtout, l’Union européenne se caractérise dans ses institutions bruxelloises par une opacité décisionnelle et une carence d’idées, en particulier sur l’évolution de la Pac. En décryptant le jargon eurobruxellois et en recoupant les discours, une image du futur agricole européen semble se dessiner : le virage amorcé par Jacques Delors et renforcé par Franz Fischler d’une politique du développement rural est bel et bien pris ; l’agriculture européenne va changer ses modalités de soutien en vue du prochain cycle commercial de l’OMC ; les prix agricoles seront sur une tendance à la baisse pour participer aux échanges internationaux. Tout cela ne fait pas toujours plaisir à entendre et plus d’un d’entre nous ont dû en être choqués. Ce sont pourtant là des tendances qui pèseront sur les débats.
Mais ce que l’Université d’hiver nous a surtout appris, c’est que tout restait à faire pour donner corps à la prochaine Pac, et que nous avions le devoir d’apporter des idées à des décideurs de l’agriculture qui en sont demandeurs. Cette Pac sera ce que nous voudrons qu’elle soit. Il faudra faire passer notre message d’une agriculture à la fois compétitive et nombreuse, jeune et valorisant tout le territoire. Ce sont des idées que nous n’avons pas beaucoup entendues dans les sphères bruxelloises, où les deux domaines de l’économie et du développement rural sont totalement scindés. Le risque existe d’une double politique agricole : dérégulation des marchés d’un côté, approche « environnementalo-rurale » de l’autre. Les agriculteurs sont actuellement absents de ces deux projections, alors qu’ils doivent en être le point de convergence.
Le CNJA a une grande chance pour faire passer sa vision « éclairée » de l’agriculture. La France, qui depuis trente ans a été le moteur de la Pac mais aussi un de ses premiers bénéficiaires, est très écoutée. Les choix que nous ferons pour la loi d’orientation agricole sont très attendus en cette année 1997 où est rouvert le chantier de la Pac. Ces choix constituent un fabuleux tremplin de réflexion, sur lequel le CNJA saura rebondir pour aller encore plus loin dans ses propositions.