Texte intégral
Le Parisien : Pourquoi vous intéressez-vous au petit déjeuner ?
Hervé Gaymard : Parce que, à mon sens, un ministère de la Santé ne doit pas se limiter au curatif, mais s’occuper aussi des comportements individuels qui, s’ils ne peuvent heureusement pas être réglementés, relèvent souvent de la prévention des risques. La mauvaise nutrition en est un, facteur de surpoids, de problèmes du type anorexie-boulimie… Les chiffres dont on dispose sur le petit déjeuner des Français ne sont pas brillants. Je pense que nous bénéficions d’une protection maternelle infantile qui suit bien l’enfant jusqu’à quatre, cinq ans. Mais de neuf-dix ans jusqu’à la sortie de l’adolescence, on est… en zone grise. Or, ce sont des années déterminantes pour les comportements adultes. C’est pourquoi, avec le Comité français d’éducation pour la santé, nous lancerons début 1997 en direction des jeunes une campagne nationale d’information sur la nécessité de bien s’alimenter lors du petit déjeuner.
Le Parisien : Ces bons conseils, souvent les gens les escamotent faute de temps, faute d’argent…
Hervé Gaymard : Oui, l’élu savoyard que je suis le constate régulièrement ! Prenez un gamin qui habite Val-Thorens, qui fait en car 40 km de route neigeuse le matin pour aller au lycée : il se lève à 6 heures et n’a aucune envie d’un petit-déj ! Alors, il avale éventuellement un bout de pain dans le car, à 10 heures un mauvais café et une cigarette parce que « ça fait mâle » ; à midi, une barre de Mars et un Coca. Ça se passe souvent comme ça. C’est pourquoi, je veux susciter des actions dans les classes, et mobiliser le personnel scolaire, les pédiatres, les généralistes, les acteurs de terrain. Et augmenter les « conseillères en économie familiale », assistantes sociales formées pour apprendre aux familles à mieux gérer un budget modeste.
Le Parisien : Chez les Gaymard, avec sept enfants, comment se passe le petit déjeuner ?
Hervé Gaymard : Quand je suis en famille (la moitié de la semaine), je me lève vers 5 h 30, et je travaille jusqu’à 7 heures dans la cuisine. À 7 heures, je vais acheter le pain. En général, mon fils de cinq ans me rejoint. Vers 7 h 20, je vais réveiller mes cinq filles, de deux, cinq, sept, huit et neuf ans. Le petit dernier se joint à nous et on se met à table pour une demi-heure autour de pain, de chocolat et de miel de Savoie. Pour moi, c’est un des rares moments de retrouvailles familiales.