Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des PME du commerce et de l'artisanat, dans "Le Point" du 28 septembre 1996, sur les relations dans la majorité notamment son opposition à la proposition de Charles Millon de fusionner l'UDF et le RPR.

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Média : Le Point

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Le Point : Charles Millon vient de relancer l’idée d’un parti unique de la droite. Qu’en pensez-vous ?

Jean-Pierre Raffarin : La fusion de l’UDF et du RPR serait une erreur fatale. La majorité présidentielle comme le président de la République ont besoin de pluralisme et non d’unanimisme. La méthode du « je ne veux voir qu’une tête » ne m’a jamais paru être la bonne en politique. La majorité comprend deux familles bien distinctes, qui ont leur tradition et leur originalité. Pourquoi faire semblant de ne pas le reconnaître ?

Le Point : N’avez-vous pas le sentiment que le ministre de la Défense agit en service commandé ?

Jean-Pierre Raffarin : Chacun sait que Charles Millon est un esprit libre et indépendant. Il est souvent solitaire dans son audace.

Le Point : Mais l’unité de la majorité n’est-elle pas une « ardente obligation » à la veille des législatives de 1998 ?

Jean-Pierre Raffarin : Qui parle de briser cette unité ? En 1998, les candidats de la majorité porteront évidemment une étiquette commune. Avez-vous entendu, au sein de l’UDF, une seule voix se prononcer contre l’union ? En même temps, il est évident que, sur des grands sujets comme l’Europe, la décentralisation ou l’immigration, l’UDF doit enrichir, par ses différences avec le RPR, le projet de l’ensemble de la majorité.

Un parti unique de la droite conduirait de toute évidence aux divisions et aux dispersions. Seule l’organisation bipolaire de la majorité permet de répondre aux aspirations de son électorat.

Le Point : En récusant la proposition de Charles Millon, ne cherchez-vous pas à défendre les intérêts de votre propre boutique ?

Jean-Pierre Raffarin : Pour le ministre du Commerce, le mot « boutique » n’est pas péjoratif ! Plus sérieusement, le PPDF, qui rassemble, de manière organisée, à l’intérieur de l’UDF, ceux qui ont soutenu Jacques Chirac au premier tour de la présidentielle, souhaite le renforcement de l’identité de l’UDF. Fidèles à Giscard, loyaux avec Chirac, nous militons, avec Hervé de Charette, sans états d’âme, pour un véritable partenariat avec le RPR.

Sur ce message, le PPDF multiplie les adhésions. François Léotard est sur le point de réussir son pari de réorganiser la confédération. Il lui faut maintenant faire émerger les messages spécifiques de l’UDF sur les thèmes qui préoccupent les Français. Les parlementaires libéraux et centristes, réunis à Deauville, ont montré leur impatience. Dans ce domaine, nous ne pouvons plus prendre de retard.