Texte intégral
Q. – Vous donnez des ordres clairs : pas d’alliances, pas de discussions. Mais on sent tout de même que des élus sont…
R. – Si c'est celui qu'on vient de voir (J. Blanc, Ndlr) dont vous me parlez, moi, je n'y peux rien. Il n'appartient pas à ma formation.
Q. – Au RPR, il y a quand même des gens qui sont tentés...
R. – Nous nous attachons en ce moment à prévenir ces risques, et je pense qu'on aura réglé la plupart des problèmes d'ici vendredi.
Q. – C'est quand même l'offensive la plus sérieuse que vous ayez eue de la part du Front national : le soutien sans participation. Est-ce quelque chose qui vous inquiète ?
R. – C'est quelque chose qui m'intéresse beaucoup sur le plan politique. Si le Front national nous tient ce discours – ça ne vous coûtera rien, ça peut vous rapporter gros –, s'il change radicalement de position après nous avoir fait battre systématiquement, c'est qu'il est lui-même dans une impasse politique. Vous avez bien vu quels étaient ses résultats ! Il n'a pas progressé ; pour la première fois, sur un mode de scrutin qui lui est extraordinairement favorable, il ne progresse pas. Il est dans une impasse. Il en a conscience. Il a conscience que ses électeurs sont de plus en plus nombreux à s'en rendre compte. Alors, il cherche une échappatoire et il cherche à nous entraîner dans un engrenage d'alliances. Cette alliance, elle est impossible pour trois raisons : elle serait une impasse morale : nous ne pouvons pas cautionner, fût-ce indirectement, les dérapages verbaux et ces mots terribles qui nous rappellent l'antisémitisme, le racisme et la xénophobie ; une impasse politique : nous n'avons rien de commun en termes de propositions avec le Front national – d'ailleurs, s'ils avaient eu quelque chose en commun, ils ne seraient pas constitués contre nous ; une impasse électorale : au Front national, il n'y a pas que des électeurs qui viennent de chez nous : il y a aussi des électeurs qui viennent de la gauche. Si demain, par je ne sais quelle aberration, nous faisions un accord avec le Front national, ces électeurs retourneraient à gauche, de la même façon que nous perdrions une grande partie de nos électeurs qui n'accepteraient pas cet accord. Donc, vous voyez qu'en fait de marché de dupes, ce serait complet ! Non : nous avons pris une position ; je l'assume totalement ; les engagements pris devant nos électeurs seront tenus.
Q. – Vous ne considérez pas qu'en prenant cette décision ferme, vous condamnez d’une certaine façon la droite républicaine à être minoritaire ?
R. – Les régions sont une chose, les présidences de région sont une chose, la façon dont les régions vont être gouvernées pendant six ans une autre, et la politique nationale encore autre chose. Pour ce qui concerne les présidents, pardonnez-moi, je ne sais pas comment les socialistes font leur compte. Vous me direz, quand on voit leur budget, on pouvait déjà se poser la question. Nous, nous sommes en position de revendiquer sans contestation possible la présidence dans onze régions à ce jour, et peut-être dimanche dans une douzième avec la Corse. Ce qui veut dire que nous pouvons être majoritaires en régions face aux socialistes. Ça ne veut pas dire que nous abandonnons je ne sais quoi je ne sais qui. Deuxièmement, il ne s'agit pas simplement de décrocher une présidence, il s'agit ensuite, pendant six ans de gouverner la région. Et si vous n'avez même pas de majorité relative, si vous êtes le prisonnier de quelqu'un d'autre comment voulez-vous le faire ? Et puis il y a le problème national. Nous ne reviendrons pas aux responsabilités, l'opposition ne remportera pas des succès par une alliance avec les dirigeants du Front national, mais en convainquant les électeurs du Front national et tous les autres de se rallier à ses propres valeurs et de faire une adhésion positive. Ce ne sont pas par des rafistolages d'états-majors, mais par un dialogue avec les Français que nous progresserons.
Q. – Si un élu vient vous voir et vous dit : c'est le sort de la région qui est en jeu si je fais une alliance limitée avec le Front national, qu'est-ce que vous lui répondez ?
R. – Mais ! Ni alliance avec le Front national, ni alliance avec la gauche.
Q. – Mais sur une partie de… ?
R. – Mais enfin, écoutez ! Et regardez par exemple la région Île-de-France ou la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, tous les Français, ou la plupart, considèrent que ces régions ont été perdues par l'opposition. Tout le monde l'a dit, répété, l'a constaté. Si demain, par je ne sais quelle manœuvre nous réussissions une sorte de hold-up, malgré tout en nous alliant avec je ne sais qui, tous les Français diraient que nous avons triché. Nous ne sommes pas des tricheurs.
Q. – C’est tout de même, dans cette affaire, l'avenir de la droite qui est en jeu. B. Mégret l'a dit, ici même, hier soir : la droite peut éclater sur une telle affaire ?
R. – Mais elle n'éclatera pas. Nous prendrons toute décision utile sur ceux qui s'écarteront de la ligne définie. Mais si cette ligne a été définie c'est précisément pour garantir l'avenir de l'opposition, pour ne pas sacrifier son intérêt à long terme aux intérêts de quelques-uns, à très court terme.
Q. – Cette position-là, c'est celle qu'a toujours eue J. Chirac avant qu'il ne soit président, depuis qu'il l’est. En avez-vous parlé avec lui ?
R. – Je n'ai pas l'habitude de répéter la teneur de mes entretiens avec le Président de la République. Ce soir je ne dérogerai pas à la règle. Mais vous me verriez beaucoup moins serein s'il y avait un quelconque problème sur ce point avec lui.