Texte intégral
L'heure de vérité
L'élection des présidents de conseils régionaux a vu un certain nombre de responsables nationaux de la droite, qui déclaraient il n’y a pas si longtemps, pour la plupart, qu’il n’était pas question de faire alliance avec le parti de Le Pen, accepter d’être élus à une présidence régionale grâce aux voix des conseillers du Front National.
Même si, électoralement, le Front National n’a pratiquement pas progressé lors de ces élections régionales, cela veut dire qu’il fait de plus en plus sentir son poids sur le RPR et l’UDF. Cela n’a rien de réjouissant. Mais pour crier à la trahison de la part des Millon et autres Soisson pour dire qu’il faut que la « droite républicaine » se ressaisisse, il faut être bien naïf… ou vouloir tromper les travailleurs.
Ce que démontrent en effet ces élections aux présidences des régions, c’est qu’entre cette « droite républicaine » et l’extrême droite, il n’y a pas de frontière bien nette et que dans le personnel politique de la droite les mêmes hommes peuvent se présenter tour à tour comme des libéraux ou des partisans de la manière forte, pour peu que les intérêts des classes possédantes, ou tout simplement de leur carrière, soient en jeu.
Un certain nombre de dirigeants nationaux de la droite condamnent aujourd’hui ces tractations avec le Front National. Mais ce n’est pas par principe c’est parce qu’ils reprochent à ceux qui ont pactisé avec les émules de Le Pen de ne pas voir plus loin que le dossier de leur fauteuil présidentiel et de prendre le risque de rejeter une partie de leur électorat vers le Parti Socialiste. Mais que l’influence électorale du FN croisse encore, ou que l’électorat du RPR et de l’UDF se montre plus favorable à des accords avec l’extrême droite, et l’on verra les Chirac et Séguin chanter demain le même air que Million et Soisson aujourd’hui.
Dans les années 1960, cette même droite républicaine dont on nous parle aujourd’hui, avec des hommes comme Bidault ou Soustelle, a fourni une bonne partie de ses dirigeants à l’OAS. Et le procès Papon est là pour nous rappeler qu’en 1940, l’immense majorité des députés et des sénateurs « républicains » votèrent les pleins pouvoirs à Pétain, et que les hauts fonctionnaires qui avaient commencé leur carrière sous la Troisième République la continuèrent imperturbablement, en exécutant sans états d’âmes la politique du régime le plus réactionnaire que la France ait connu.
Il n'y eut d’ailleurs pas que la droite pour installer Pétain au pouvoir. La grande majorité des élus du « Front Populaire » de 1936 prêtèrent aussi leur concours à l’opération. C’est que les grands mots dont se drapent les politiciens professionnels comptent bien peu dans leurs choix politiques. Jean-Pierre Soisson ne fut-il pas un ministre d’ouverture du gouvernement Rocard, avant de se faire élire président de la région de Bourgogne grâce à l’appui du Front National ?
Pour lutter contre la droite raciste et xénophobe qu’incarne le Front National, il ne faut pas compter sur la bonne volonté des politiciens républicains. Il faut s’en prendre à la racine du mal, au chômage, à la progression de la misère, qui pousse une partie de la population dans les bras des démagogues d’extrême droite. Il faut prendre sur les immenses profits de la classe capitaliste pour financer les mesures nécessaires.
Cela ne pourra se faire que si nous, les travailleurs, ne nous contentons pas de remettre notre sort entre les mains des hommes politiques de la bourgeoisie, qu’ils se disent de « gauche » ou « républicains », et dont le métier consiste justement à nous tromper.
Cela ne pourra se faire que si nous faisons entendre notre volonté, que si nous montrons notre force. Le fait que près de 5 % des électeurs, là où l’extrême gauche a présenté des candidats (essentiellement Lutte Ouvrière), se soient prononcés pour un tel programme lors des récentes élections régionales, prouve que se renforce au sein de la population laborieuse le courant de ceux qui n’acceptent plus la situation présente. Ce n’est en tout cas que comme cela, par les luttes dans les entreprises ou dans la rue, que l’on pourra du même coup faire reculer le chômage et Le Pen.
Les pompes à finances
Roland Dumas, cinquième personnage de l’Etat, placé là par Mitterrand, a-t-il ou non reçu quelques millions de francs de la part d’Elf ou de Thomson ? Ce n’est pas nous qui pouvons le dire, tellement ces choses-là sont opaques.
D’ailleurs, en prenant le poste ministériel qui lui aurait permis de recevoir ces pourboires, peut-être n’a-t-il fait qu’enfiler les chaussons de ses prédécesseurs, tellement les grands affairistes ont l’air de trouver normale la circulation, vers la Suisse ou des prête-noms, de valises pleines de billets.
De toute façon, achetés ou pas, on s’aperçoit que ces gens-là ont de quoi dépenser 11 000 F pour se mettre aux pieds des chaussures cousues main. Mais on voit surtout qu’il y a eu, et cela paraît prouvé, la bagatelle de 59 millions de francs de pots-de-vin, versés à une dame qui aurait servi d’intermédiaire, car très proche de Roland Dumas. Décidément ces gens-là vivent dans un autre monde que la moyenne de la population.
Et il ne s’agit là que d’intermédiaires ou de vendeurs d’influence, qu’ils soient dame de compagnie ou ministre. Si les grandes entreprises peuvent se permettre de distribuer de telles sommes rien qu’en bakchichs, on imagine leurs bénéfices et quels sont les flots d’argent qui circulent dans ces milieux-là.
De l’argent que ces grands industriels auraient gagné par leur travail ? A d’autres ! De l’argent qu’ils ont gagné sur le dos de dizaines de milliers d’ouvriers, d’employés, de techniciens. Comme le disait une marionnette des Guignols : « On peut piquer de l’argent même aux plus pauvres. On pique un tout petit peu à chacun et comme les pauvres sont nombreux… »
Pendant ce temps-là, le Gouvernement, pour équilibrer son budget, rogne sur les budgets sociaux ou réduit les effectifs dans les services publics indispensables pour la population. Dans les entreprises privées, ce sont des charrettes de licenciements collectifs qui réduisent les effectifs pour augmenter les bénéfices et on pèse sur tous les salaires, grâce au chômage, en embauchant à des salaires de plus en plus bas. Tout cela pour que certains puissent mettre 11 000 F pour marcher dans leur boue.
Alors, il faut résolument puiser dans la poche de tous ces gens-là. Il faut prendre sur cet argent qui est le nôtre et qui circule sans qu’on sache ni où ni comment mais qu’on voit sortir de tous les trous, dès qu’un juge s’en mêle avant d’être écarté.
Oui, il faut imposer plus lourdement les profits des grandes entreprises et les profits boursiers. Il faut supprimer immédiatement toutes les aides fiscales, toutes les subventions, tous les dégrèvements de charges sociales des entreprises, pour que l’Etat cesse de faire des économies sur le dos des plus pauvres et crée des emplois utiles à la population – et qui ne soient pas bidon -, avec l’argent qu’il aurait ainsi récupéré.
Il faut que le contrôle de la population puisse s’exercer sur tout cela et sur ceux qui couvrent tous les détournements, les pourboires, les scandales. Il faut faire la lumière sur tout le système économique en supprimant le secret commercial et le secret bancaire.
Il faut en effet que tous les salariés, les employés de commerce, les employés de banque puissent dire ce qu’ils voient et ce qu’ils savent sur leurs entreprises et leurs patrons. Aujourd’hui, s’ils le faisaient, ils seraient inculpés et condamnés en beaucoup moins de temps qu’il n’en faut pour commencer le début d’une enquête sur ceux qui détournent des milliards.
Face à la catastrophe qu’est le chômage, pour créer les trois millions d’emplois qui manquent dramatiquement, ne comptons pas sur les larbins du capital.
Les assemblées régionales ne jouent pas le rôle le plus important dans le pays mais même si l’on n’y dirige rien, ce sont des endroits où on peut voir et rendre publique, à la base, une partie de ce bourbier malodorant.
C’est pourquoi, nous appelons à voter dimanche prochain pour les listes que Lutte Ouvrière présente dans ces élections régionales.