Texte intégral
L'année 1997 a été celle du mouvement, de la mise en œuvre du vaste projet de réforme de la Défense et les premiers résultats sont satisfaisants. Ces transformations en cours apportent des changements, des remises en cause, des incertitudes que nous surmonterons ensemble aussi bien dans les unités que dans les services du ministère.
Militaires (disponibilité, sens du service public…)
Mais la défense, c’est avant tout la défense de la vie d’une nation, et de chacun de ses ressortissants. C’est donc, avant toute approche administrative, politique, budgétaire, ou internationale, une question qui renvoie à la vie et à la mort d’hommes et de femmes. Ce sont vers eux que vont d’abord mes pensées ; à ceux qui ont donné leur vie pour leur mission, à ceux qui sont marqués dans leur être pour avoir accompli leur noble tâche, à ceux enfin qui, Français ou étrangers, doivent d’être encore parmi nous à l’action quotidienne et discrète de nos soldats, en Afrique ou en Bosnie, au Cambodge ou en France, en mer ou dans les airs.
Je retiens de mes visites auprès des forces la consécration évidente de la grande qualité, la disponibilité, le sens du service de tous ceux que j’ai eu le plaisir de rencontrer. Je voudrais exprimer toute ma reconnaissance aux militaires et aux civils qui ont contribué à l’exécution des missions de défense et de sécurité, et apporté leur soutien aux populations en France et à l’extérieur. Mes interlocuteurs étrangers m’ont témoigné à maintes reprises leur reconnaissance et leur admiration pour l’aide souvent vitale que nos forces ont apportée pour le dénouement de crises dans lesquelles des ressortissants français et étrangers étaient en danger.
Service national (loi du 28 octobre 1997)
La réforme de la défense, c’est d’abord la suspension du service national. La loi du 28 octobre 1997 organise en effet la fin d’une période de près d’un siècle de notre histoire et ouvre une autre ère, un autre siècle. Je souhaite remercier tous ceux et tout particulièrement au sein du Secrétariat général pour l’administration et de la DFP, qui ont travaillé à l’élaboration de ce projet tourné vers l’avenir. La nouvelle loi prévoit la création d’un « parcours citoyen » que chaque jeune devra suivre avant d’accéder à l’âge adulte. C’est dans ce cadre que sera institué l’appel de préparation à la défense dès le mois d’octobre 1998, soit dans neuf mois. Le succès de l’appel de préparation à la défense repose entièrement sur le ministère de la défense, c’est une mission des armées. Je sais ce que ce terme de mission représente pour chacun de vous. Dans sa mise en œuvre la DCSN, et à sa tête le Général Fassier, aura un rôle primordial à jouer, je vous demande à tous, tout particulièrement à chaque état-major, de veiller à ce qu’elle dispose des moyens nécessaires en quantité et en qualité.
Finul (contingent français)
Je mesure l’engagement de tous, civils et militaires, dans les contraintes du service public, à chaque fois que je rends visite à une unité comme lors du 24 décembre, auprès des appelés et des gendarmes mobilisés pour l’opération Vigipirate, et auprès des responsables du Centre opérationnel interarmées qui veillent, 24 heures sur 24, sur la sécurité de notre pays. De même auprès des militaires de la Force intérimaire des Nations unies au Liban qui, depuis 1978 sans interruption, assurent une participation de la France à la paix au Liban et dans la région, et que j’ai rencontrés le 1er janvier à Nakoura.
Militaires (sacrifice…)
Au-delà de la contrainte du temps où, de l’éloignement familial, c’est à l’engagement moral et physique que je veux rendre aussi hommage. J’ai été très ému en écoutant les pensionnaires de l’Institution nationale des Invalides, meurtris dans leur chair pour avoir sacrifié leur jeunesse et leur santé dans le combat au service de la France : il y avait là des combattants de toutes les générations, du grand blessé du front d’Orient en 1919 au tout jeune commando de marine victime d’un saut en parachute, en passant par le combattant de Berry au Bac et par des résistantes et des résistants, rescapés des camps de concentration.
Et au moment où, à travers un grand procès, c’est la France non seulement de la collaboration, mais de la résignation que l’on juge, le témoignage vivant de ceux qui ont choisi le refus est une lumière pour notre démocratie Car c’est le refus, le devoir de désobéissance inscrit dans le préambule de la Constitution, incarné par des figures comme celle du maréchal Leclerc, dont nous venons de célébrer le cinquantenaire de la disparition, qui donne tout son sens au principe d’engagement personnel. Or nous devons « refonder » cet engagement, en temps plus ordinaires, en temps de paix et de crises, dans ces temps où l’individualisme quotidien privilégie des objectifs autres (emploi, sida, sécurité quotidienne…). Cette action doit se déployer vers nos concitoyens, trop « extérieurs » à nos préoccupations de défense, mais aussi à partir de notre propre mobilisation interne et de la conviction qui s’en dégagera.
Réforme des armées
C’est donc ensemble que nous devons mener à bien l’ambitieuse réforme de la professionnalisation, et c’est ensemble que nous devons la réussir. Je compte sur l’engagement de chacun d’entre vous. Au-delà et à travers la réforme du service national, c’est l’ensemble de notre appareil de défense qui connaît une totale mutation. Les restructurations, annoncées en 1996 pour les années 1997 à 1999, et concernant principalement les forces, se poursuivent dans les conditions et au rythme prévus. Elles rencontreront, je le sais, certaines difficultés mais globalement elles sont bien engagées. La deuxième phase des restructurations doit maintenant entrer dans une étape décisive de préparation, parallèlement à la revue de programme. D’ailleurs, je l’annoncerai à la fin du premier semestre 1998, elle sera le départ d’une nouvelle organisation territoriale des armées, d’une réorganisation de leurs services de soutien et de l’adaptation des services de la DGA, dont je mesure dès aujourd’hui les effets et difficultés (poids des personnels civils, bassins d’emploi…).
Industrie de défense (restructuration)
La restructuration de notre appareil de défense doit nécessairement s’accompagner de réorganisations industrielles, qui permettent de consolider la pérennité et les potentiels humains et technologiques de nos entreprises. La conduite du processus de restructuration industrielle est, par conséquent l’une de nos priorités. En 1997, nous aurons conforté la constitution autour de Thomson-CSF d’un grand pôle d’électronique professionnelle et de défense. S’agissant du secteur aéronautique, nous avons œuvré afin de relancer la dynamique des restructurations et permettre ainsi la constitution d’un ensemble aéronautique européen intégré, civil et militaire. Beaucoup reste cependant à faire, et 1998 devrait être de ce point de vue une année très importante : nouvelle étape de renforcement de Thomson-CSF par une alliance avec un partenaire européen, travaux en vue de la transformation d’Airbus, et bien d’autres dossiers encore…
Ce mouvement de restructuration doit naturellement se poursuivre chez GIAT, SNPE mais surtout s’étendre au secteur des arsenaux et je pense en particulier à l’évolution indispensable de la DCN qui devrait être le chantier de moyen terme à ouvrir en 1998, avec raison et détermination, sans provocation, dans la durée. J’ai la satisfaction de pouvoir dire qu’à notre demande, en 1997, le Gouvernement a pris en compte les conséquences économiques et sociales les plus sérieuses induites par ces évolutions dans des régions particulièrement dépendantes de l’activité de défense comme Brest ou Cherbourg, mais aussi Tulle ou la Loire.
Ainsi, grâce aux actions conduites tant à l’intérieur du ministère que sur le territoire national, cette mutation qui dépasse largement les cercles militaires mais qui, comme la défense elle-même, intéresse la nation toute entière, s’opère globalement de façon satisfaisante. Nous devrons dans les mois à venir unir nos efforts pour qu’elle se déroule dans les conditions les meilleures. Ensemble, faisons de 1998 une année où la défense trouvera sa nouvelle place au sein de la société française mais aussi internationale. Cette année verra se préciser en effet les nouvelles étapes de notre présence en Bosnie, ou les modalités différentes de notre présence militaire en Afrique, ou, dans l’Europe de l’Est. Plus que jamais, notre défense constitue un élément, et pas uniquement un instrument, de notre politique extérieure. 1998, sera une année où nous saurons améliorer encore prise de conscience, concertation et dialogue entre nous, avec les élus, les partenaires sociaux. C’est à nous tous, dans la cohésion et l’esprit d’initiative, qu’il revient de préparer la défense aux besoins nouveaux et de l’expliquer aux Français.
Je vous assure de ma pleine confiance dans le succès de nos missions. Je forme enfin des vœux chaleureux pour vous-même et pour ceux qui vous sont chers, et l’ensemble de ceux dont vous avez la charge.
Bonne et heureuse année 1998 !