Interview de MM. Brice Lalonde, président de Génération écologie, Jack Lang, membre du bureau national du PS, Bruno Mégret, délégué général du Front national, et de Mmes Anne-Marie Idrac, secrétaire générale de Force démocrate et Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière, à TF1 le 8 mars 1998, sur les enjeux des élections régionales.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Elections régionales du 15 mars 1998

Média : Emission Public - Site web TF1 - Le Monde - Télévision - TF1

Texte intégral

Michel Field : Dans un instant, « Public » vous propose le deuxième débat autour des élections régionales dont le scrutin, vous le savez, est dimanche prochain.
Cinq représentants de familles politiques seront sur le plateau. Vous allez les découvrir dans un instant et, évidemment, le débat promet d’être animé. C’est en direct, c’est « Public » et c’est tout de suite.

Bonsoir à toutes, bonsoir à tous. Merci de rejoindre ce deuxième débat que vous propose « Public » dans la perspective des élections régionales qui auront lieu dimanche prochain.
Un débat à cinq qui succède à un débat à six. Toutes les forces politiques ne sont évidemment pas représentées, nous avons tenu compte des équilibres et des équilibres scrupuleux que la chaîne s’efforce de tenir, sous le contrôle d’ailleurs du CSA.
Ce qui fait que Anne-Marie Idrac, bonjour, vous qui êtes la secrétaire générale de Force démocrate, ancien secrétaire d’État aux transports, députée des Yvelines, vous êtes là moins pour votre famille UDF que comme représentante des listes d’union de l’opposition, RPR-UDF. Le RPR qui est absent du plateau, mais qui ne sera pas absent de la soirée puisque Philippe Séguin sera l’invité de Claire Chazal dans le 20 heures.
Jack Lang, il en va de même pour vous – merci d’être là —, vous êtes le représentant à la fois du Parti socialiste dont vous êtes le porte-parole national lors de cette campagne, mais aussi des Verts et du Parti communiste puisque vous représentez la majorité dite plurielle.
Bruno Mégret, vous représentez le Front national. Vous êtes tête de liste dans les Bouches-du-Rhône.
Puis deux candidats dits de petites listes, mais sont-elles si petites ? Ils nous le diront :
Arlette Laguiller pour Lutte ouvrière
Brice Lalonde, avec quelque chose d’un petit peu d’ambigu sur lequel je lui demanderai évidemment de s’expliquer, qui est là pour les listes Génération écologie, mais qui lui-même fait partie d’une liste RPR-UDF en Ille-et-Vilaine. Avec vous, ce n’est jamais très simple, mais vous aurez tout loisir de nous expliquer le pourquoi de la chose.
Cela va être parti dans un moment. Juste une petite page de publicité et on y va.

Michel Field : Retour donc sur le plateau de « Public » pour ce deuxième débat autour des élections régionales.
Anne-Marie Idrac, les sondages, il faut évidemment leur accorder le crédit et le sens critique qu’il convient, mais les sondages semblent indiquer une poussée de la majorité pour ces élections régionales. J’aimerais vous interroger sur ce qui est à votre avis le statut politique de ces élections. Est-ce que ce sont vraiment des élections locales pour des collectivités territoriales ? Est-ce qu’elles sont aussi comme un troisième tour des législatives où le corps électoral confirmerait en quelque sorte son vote en faveur de l’actuelle majorité, et peut-être un peu élue par hasard ou dans le mouvement incertain d’une dissolution étonnante pour beaucoup d’entre nous ?

Anne-Marie Idrac : Michel Field, pour les sondages, on a tous appris depuis quelques années à les prendre avec des pincettes. Cela dit, je crois que, aujourd’hui, l’enjeu est clairement devenu national. On voit bien que ou on donnera au gouvernement une sorte de quitus pour le socialisme et le communisme, et la société que cela représente, ou les déçus du socialisme, du jospinisme et les opposants à ce type de société donneront un avertissement, diront au contraire : « nous prenons date sur le projet de société que vous voulez et qui n’est absolument pas le nôtre ».

Michel Field : Comment comprenez-vous qu’on ait le sentiment que, d’abord, ces élections ne passionnent pas énormément les gens ? Il y a, toujours, un sondage, mais c’est un peu nos instruments de travail dans cette campagne : 39 % des Français se disent « peu intéressés ou pas du tout par ces élections régionales » dans un sondage Ipsos paru dans « Le Point », alors qu’ils n’étaient que 31 en janvier. Plus vous êtes entrés en campagne, plus le nombre de gens peu intéressés augmente.

Anne-Marie Idrac : Une émission comme la vôtre doit y contribuer…

Michel Field : … Je l’espère !

Anne-Marie Idrac : Il y a des sujets régionaux. On voit bien la différence de programmes entre les listes socialiste, communiste, celle qu’on appelle « verte » et les nôtres. On voit bien les différences. Nous, nous faisons des propositions pour moins d’impôts, moins de béton, moins de paperasserie, plus de dynamique de l’emploi, plus de formation. Et puis les autres sont tout à fait différents.
Je crois que la semaine prochaine où il n’y aura plus de sondages – ce sera la démocratie toute nue, si je puis dire – permettra bien de montrer qu’il y a un choix réel à faire. Et il n’y en a pas d’autres que celui-là d’ailleurs entre la société socialiste et la nôtre, le reste sur lequel on essaie de faire des rideaux de fumée éventuellement, ce n’est pas le vrai sujet.

Michel Field : Arlette Laguiller, élections régionales, élection nationale, enjeu directement d’interpellation sur le gouvernement ? C’est un peu ce que je lis dans votre prose électorale où vous dites : « il faut donner un avertissement à un gouvernement qui trahit les travailleurs ».

Arlette Laguiller : Il faut plus que donner un avertissement, il faut dire qu’il y en a assez. Il faut que les chômeurs, les exclus, les travailleurs qui sont menacés tous les jours d’être licenciés, de voir leur emploi supprimer, dire : « ça suffit ». Ça suffit que, dans ce pays, il y ait des grandes entreprises qui font des milliards de bénéfices. Ces bénéfices, depuis vingt ans, sont en hausse constante et chaque projet de licenciement, chaque plan de suppression d’emplois est en fait, finalement, un avenir pour cette entreprise. Elle est sûre qu’elle va faire encore plus de bénéfices et que le cours des actions va monter à la bourse. Eh bien, face à cela, il faut que les travailleurs, les exclus, les chômeurs disent : « non ». Prenons sur les profits pour créer les trois millions d’emplois qui manquent dans ce pays, et tout de suite.
Assez de faire lanterner le monde du travail pendant que les grandes entreprises dilapident des milliards dans la spéculation financière, dans le rachat d’autres entreprises.
C’est un cri de colère, oui ! Il faut que les travailleurs, les chômeurs et les exclus le poussent vraiment dans cette élection en votant pour les listes Lutte ouvrière.

Michel Field : Vous n’êtes pas sensible aux indicateurs qui commencent à être plus positifs, sur le retour de la croissance, sur les mesures annoncées par Lionel Jospin cette semaine ?

Arlette Laguiller : Mais quelle croissance ? Si cette croissance sert à ce que les entreprises fassent encore 2 ou 300 milliards de bénéfices de plus, à quoi ça avance ?… Depuis vingt ans qu’elles en font, il n’y a jamais eu autant de chômage, autant d’emplois supprimés. Alors, on nous ment, quand on nous explique : « plus les entreprises font du profit, plus l’économie va bien, plus elle va créer des emplois ». Eh bien, c’est un mensonge. Et les travailleurs commencent, de plus en plus nombreux, à s’en rendre compte.

Michel Field : Bruno Mégret, pour le Front national, c’est une élection à enjeu national ou vous insistez plutôt sur le pouvoir régional que vous donnerait une éventuelle majorité dans les régions où vous vous présentez ?

Bruno Mégret : C’est bien au-delà du renouvellement des conseils régionaux et des conseils généraux, c’est une élection d’envergure sur le plan politique. Et je crois que le désintérêt des Français à l’égard de cette élection, c’est qu’ils ont constaté que, déjà, avec le RPR et l’UDF, rien n’avait changé, qu’avec le PS et le PC, rien ne change, et il y a une espèce de déshérence. Alors, nous leur disons que cela peut changer avec le Front national qui incarne, en réalité, la véritable alternative au système politique français.

Michel Field : En même temps cette déshérence, elle semble un petit peu vous toucher. Les manifestations que vous avez organisées à Marseille, à Toulon, n’ont pas eu un très grand succès. Vous êtes capable souvent de mobiliser plus et mieux dans ces villes ?

Bruno Mégret : Ce n’est pas nécessairement à ce niveau-là qu’il faut voir les choses, c’est dans les urnes. Ce qui doit bien être compris par les Français c’est que le Front national incarne maintenant, non seulement bien sur un mouvement d’opposition, non seulement un mouvement de propositions, mais qu’il est un mouvement de réalisations. C’est un mouvement de gouvernement. On peut, à la tête des régions, concrètement, commencer à résoudre les problèmes des Français, comme nous le faisons dans les quatre villes dirigées par les municipalités Front national où, par exemple, les impôts baissent systématiquement. Moins de 2 % cette année, en moyenne, dans les villes Front national, plus 4 % en moyenne nationale. C’est peu, mais renouvelé tous les ans, c’est un monde.
L’insécurité diminue dans les villes du Front national : moins 20 % à Vitrolles cette année. Eh bien, cela est possible de le faire demain au niveau des régions. C’est possible de le faire après-demain au niveau du pays. Il faut savoir que le Front national incarne cette alternative et que le RPR-UDF – j’entendais Madame Idrac tout à l’heure oublier sciemment l’alternative Front national –, est coincé entre la gauche et le Front national. Il faudra que, d’une façon ou d’une autre, il se rapproche ou de la gauche ou du Front national.

Michel Field : On reviendra tout à l’heure sur les problèmes d’alliances.
Brice Lalande, j’ai du mal à comprendre exactement ce qu’est la stratégie de votre mouvement. Vous, vous retrouvant sur une liste RPR­UDF et ayant des listes Génération écologie indépendantes et, en même temps, assez proches des troupes de Monsieur Madelin, par exemple. Où en êtes-vous politiquement ? L’intérêt, c’est de le savoir.

Brice Lalonde : Tout d’abord, vous avez posé une question aux autres, pourquoi à moi ?

Michel Field : Répondez d’abord celle-là et, après, à l’autre.

Brice Lalonde : D’accord, je réponds d’abord à celle-là. Eh bien, nous, nous sommes contre le détournement ou le hold-up de l’écologie par un camp politique. Pour nous, l’écologie, c’est pour tous les Français, autant d’ailleurs pour les électeurs ou les militants du Parti socialiste et du Parti communiste que pour ceux de l’UDF et du RPR, pour tous les Français. Et nous sommes heurtés par l’idée que ce serait uniquement le camp du Parti socialiste et du Parti communiste qui s’approprierait le monopole de l’écologie.
D’abord, entre nous soi-dit, franchement le Parti communiste, si vous allez voir les pays communistes, vous ne pouvez pas dire, à moins d’être obtus, que ce sont dans ces pays-là que l’on s’est plus occupé d’écologie. Donc, c’est absurde !
Nous, nous sommes favorables à ce que l’écologie s’adresse à tous les Français, à tous les camps. Et je peux vous dire, par ailleurs, que ce sont des élections très importantes régionalement. Moi, je suis frappé de voir que nous sommes tous d’accord, ici, pour dire que ce sont des élections politiques nationales. En Bretagne, nous sommes capables de nous mettre d’accord, tous les partis politiques confondus, quand il s’agit des intérêts supérieurs de la région. C’est une élection très importante dans le monde d’aujourd’hui parce que l’État français protège de moins en moins les régions, parce que nous sommes dans la mondialisation et dans l’européanisation. Donc il faut absolument que nous ayons des régions fortes, vraisemblablement sans les départements – on ne sait plus quoi en faire des départements –, des régions fortes, les pieds dans le terroir. Et quand on aura les pieds dans le terroir – l’environnement, c’est très important pour avoir les pieds dans le terroir –, alors, on sera plus à l’aise pour la mondialisation.
Donc, ce sont les deux. Des élections régionales… on y croit en Bretagne à la région.

Michel Field : Qu’est-ce qui justifie que vous ayez, ici, des listes indépendantes et, là, des inscriptions dans des listes…

Brice Lalonde : … Nous avons cinquante listes « Génération écologie » indépendantes et nous avons trois accords départementaux avec le RPR et l’UDF. Ce sont des accords départementaux avec les instances locales. Nous n’avons pas d’accord national avec le RPR et l’UDF.
Vous me parlez de Madelin, c’est quand même frappant ! Vous savez, en politique, on dit toujours : « il est copain avec untel et untel », c’est terrible ! Alors, c’est le gros mot. Pourquoi ? Je vais vous expliquer : moi, je ne me chauffe pas à un astre mort. L’astre mort, c’est le socialisme et le communisme. Je suis frappé de voir qu’il n’y en a qu’en France que nous ayons une gauche qui s’appelle encore « communiste et socialiste » alors qu’il n’y a plus un seul pays au monde qui s’appelle « communiste et socialiste ». Quand vous regardez la gauche dans tous les pays du monde, c’est le programme de Madelin qui est appliqué. Il y a une tradition française magnifique qui est le libéralisme, une superbe et noble cause : la séparation des pouvoirs, la liberté. Et, en France, qu’avons-nous ? Nous avons 50 % de la richesse nationale qui sont piqués par une classe dirigeante, qui s’appelle les énarques et qui, ensuite, sont distribués avec des subventions, des exonérations d’impôts. C’est un véritable drame pour le pays. Donc, il faut de la liberté.
Voilà pourquoi, nous, à Génération écologie, nous sommes plutôt d’inspiration libérale. Mais, vous savez, les mots, il faut s’en méfier !

Michel Field : Jack Lang, représentant de l’astre mort, d’après Brice Lalonde ?

Jack Lang : Face à une myriade de listes minoritaires, je suis le représentant, comme vous l’avez indiqué tout à l’heure, non pas de trois formations, mais de cinq formations. Je viens donc tout seul, comme un grand…

Michel Field : … C’est vrai que ma vue n’est pas assez puissante pour avoir vu les Radicaux de gauche, etc., mais vous avez raison de me reprendre.

Jack Lang : Les Radicaux valent bien certains de ceux qui se sont exprimés à l’instant.
Donc, la question est de savoir si cette élection est nationale ou locale ? Elle est évidemment les deux. Nationalement, j’ai, moi-même, fait un tour de France et j’ai bien perçu ce mouvement de fond qui se dessine. Les Français s’apprêtent, calmement et sereinement, à consolider les élections de juin. Ils ont voulu en juin tourner la page et ils amplifieront le mouvement le 15 mars prochain.
Je crois que, par ailleurs, nous sommes aidés – il faut le reconnaître – par une droite qui est divisée, déchirée, qui aujourd’hui est sans capitaine, sans programme et sans perspective. Mais en même temps, l’élection – je crois que c’est un point important – est une élection qui va changer profondément l’organisation locale du pays. Il faut noter que, d’abord, nous sommes décidés à renforcer par une loi les pouvoirs et les moyens des régions. Par ailleurs, si les prévisions que je vous fais, c’est-à-dire notre victoire dimanche prochain se réalise, ce sont de nouvelles générations de femmes – beaucoup de femmes dans nos listes – et d’hommes qui vont prendre les rênes des régions et qui vont apporter une impulsion et un souffle nouveau.
Je dirais que, pour les profondeurs du pays, c’est très important que la politique nationale soit relayée, canton par canton, département par département, région par région. Je veux dire que le train du progrès, que le gouvernement aujourd’hui a mis en marche, ira deux fois plus fort grâce à ces équipes nouvelles qui dirigeront les régions et, je l’espère, de nombreux départements.
Et, par ailleurs, projetons-nous dans quinze jours. Dans quinze jours, quand ces nouveaux présidents seront en place, ces nouvelles équipes seront en place, vous verrez, dans le pays, un mouvement d’initiatives apparaître, une floraison d’expériences qui seront soutenues par les régions, par les départements et par l’État. Et dans beaucoup de domaines – tout à l’heure, peut-être en parlerons-nous –, la politique des quartiers en difficulté, nous sommes en mesure d’assurer, de Paris jusqu’à la base, une politique d’envergure nationale. Le ministère de la ville sera recréé d’ici quelques jours, d’ici quelques semaines. Dans les régions nouvellement dirigées, nous irons de l’avant. Même chose pour l’emploi, même chose pour l’éducation, mais peut-être que, tout à l’heure, ces dossiers seront ouverts.

Michel Field : Donc, vous voyez comme une nouvelle étape dans la maturation de la décentralisation en France, ces élections ?

Jack Lang : Je crois qu’on ne perçoit pas encore à l’heure qu’il est, parce que nous sommes en débat politique, à quel point ce qui va se passer dimanche prochain et l’autre dimanche, ce sera le passage à une autre phase de décentralisation, ce sera un nouveau chapitre que notre pays écrira de l’histoire de la vie locale et de la vie nationale.

Michel Field : Bruno Mégret, vous brûliez d’intervenir.

Bruno Mégret : Je viens d’apprendre que l’on va recréer le ministère de la ville. J’ai l’impression que l’on réinvente l’eau froide parce que rien des problèmes qui se pose à ce niveau-là n’a été réglé par le gouvernement de Monsieur Jospin. L’immigration continue à entrer massivement dans notre pays. La nouvelle loi qui vient d’être votée va encore aggraver les facilités qui sont données aux immigrés pour venir chez nous. Les régularisations – on ne le dit plus – se font actuellement par dizaines de milliers et ceux qui ne sont pas régularisés recommencent à occuper les églises. Et, après les élections régionales, comme par hasard, ce sera le traité d’Amsterdam qui prévoira, lui – alors, là, c’est le comble – de transférer la politique d’immigration du niveau de la souveraineté nationale française au niveau européen. C’est-à-dire que ce sont les technocrates de Bruxelles et les députés européens, notamment, par exemple, les députés Verts allemands, qui vont décider qui a le droit d’entrer ou de résider en France.
C’est un peu comme si, Monsieur Field, on vous disait demain : « jusqu’à présent, c’est vous qui teniez la clé de votre appartement et qui laissiez entrer qui vous vouliez, et qui fermiez la porte à qui ne vous plaisait pas ». Maintenant, c’est terminé, vous remettez la clé au comité des propriétaires et c’est eux qui décideront à votre place. C’est hallucinant ! Il faut que les Français sachent que, sur ce plan-là, la situation continue à s’aggraver massivement et que la seule façon de s’y opposer, c’est de voter Front national.

Michel Field : Anne-Marie Idrac, la droite divisée que mentionnait Jack Lang. Vous avez le sentiment que – comme l’a dit Philippe Séguin – ces élections arrivent trop tôt par rapport au processus de recomposition de l’opposition ?

Anne-Marie Idrac : Écoutez, trop tôt-trop tard, le calendrier est là. On ne va pas le changer dans les huit jours qui viennent. Quant à la division, elle est assez marginale. Ce sont en général – je parle surtout pour l’Île-de-France que je connais le mieux – des aventures individuelles, des frustrations d’ambitions qui ne sont pas très intéressantes, sauf qu’elles contribuent à troubler le débat, à tromper les gens – ce qui n’est pas très propre – et à les détourner du vrai sujet qui est celui que je disais tout à l’heure, à savoir : est-on pour une société dans laquelle l’État proliférant, autoritaire, jacobin – on l’a bien vu pour les 35 heures – engloutit les gens sous toutes sortes de choses, en empêchant les capacités d’initiatives ? Ou, au contraire, est-on pour les valeurs de la famille, du travail, de l’autorité, de la préservation des solidarités entre les générations ? C’est cela l’enjeu.
Donc, autour de ces valeurs, autour de ces racines qui ont également toute une tradition politique, historique, humaniste, la résistance que l’on connaît, il y a une unité, en réalité, de l’opposition nationale, libérale et républicaine.

Michel Field : Plusieurs dirigeants de l’opposition mettent en cause les arrière-pensées qu’aurait le Gouvernement, à savoir de transférer sur les régions, et notamment sur le budget des régions, un certain nombre de mesures, autour des 35 heures, autour des emplois-jeunes, que l’État ne pourrait pas financer. C’est une critique que vous reprenez à votre compte ?

Anne-Marie Idrac : Ce n’est pas une critique, c’est une réalité, c’est une donnée de fait. D’ailleurs, Jack Lang vient pratiquement de le dire lui-même. On s’aperçoit que toutes les promesses qui ont été faites par les uns, par les autres, notamment par Madame Aubry, à coup de milliards ou de dizaines de milliards, le Gouvernement n’a pas les moyens de les payer. Donc, effectivement, c’est très facile de dire : « les Régions qui, dans l’ensemble, ont été correctement gérées, qui ont donc une marge de manœuvre budgétaire ou d’emprunt, on va utiliser cette marge de manœuvre pour payer ce que le Gouvernement ne peut pas payer et pour renforcer – Jack Lang l’a bien dit – dans le territoire, l’approche bureaucratique, administrative, asphyxiante, qui est celle du gouvernement. Donc, là-dessus, il n’y a pas de critique. C’est une donnée de fait.

Michel Field : Jack Lang, une réponse ?

Jack Lang : C’est un procès d’intention qui ne repose sur rien. Soyons concrets. Je prends l’exemple des emplois-jeunes, la politique nationale. Si je parle de ce que je connais dans mon propre département, Loir-et-Cher, la ville de Blois a créé ou fait créer 400 emplois-jeunes. Des communes d’une autre orientation n’ont pas voulu en créer. Ce que nous souhaitons, c’est que la région, les équipes nouvelles qui dirigeront, par exemple, la région où je suis, soient capables d’encourager, non pas en se substituant aux communes ou aux départements, la création d’emplois-jeunes et, en particulier, d’aider ces jeunes en les guidant, en les épaulant par une formation appropriée, de telle sorte qu’ils puissent ensuite, après les cinq années d’emploi, se réinsérer. Ce n’est pas la substitution des régions à l’État, c’est au contraire un accompagnement de la région des politiques conduites par la Nation.

Michel Field : Arlette Laguiller.

Arlette Laguiller : Ce qui est hallucinant, c’est ce que dit Monsieur Mégret…

Bruno Mégret : … Cela me fait plaisir que vous le disiez. Venant de vous, cela me fait plaisir.

Arlette Laguiller : Vous êtes un peu halluciné en ce qui concerne les immigrés qui vous servent de bouc-émissaire. Parce que, ce que vous venez de dire, c’est votre soi-disant radicalisme, c’est-à-dire que vous cherchez à dresser les travailleurs qui ont des difficultés, les pauvres qui ont une carte d’identité en poche, contre plus pauvres qu’eux et plus en précarité qu’eux, que sont les immigrés. C’est cela votre politique ?

Bruno Mégret : Non, pas du tout !

Arlette Laguiller : Mais jamais le Front national, ni dans ses écrits, ni dans vos discours, ne s’attaque au patronat, ne s’attaque au grand patronat…

Bruno Mégret : Si.

Arlette Laguiller : … qui est le responsable du chômage ? Qui est le responsable de la situation aujourd’hui ? Des cinq millions de personnes qui sont au chômage total ou partiel ?

Bruno Mégret : Nous sommes contre l’ultra-libéralisme international.

Michel Field : Vous répondrez après Bruno Mégret.

Arlette Laguiller : Jamais vous ne dites qu’il faut prendre sur les profits du patronat pour créer tout de suite, pas dans dix ans, pas dans vingt ans, les millions d’emplois qui manquent. C’est cela votre politique ? Eh bien, vous ne réglerez pas plus que les autres le chômage.

Michel Field : Bruno Mégret.

Bruno Mégret : Je vais répondre très rapidement : évidemment notre programme n’est pas celui de Madame Arlette Laguiller, mais pour autant nous sommes totalement opposés à l’ultra-libéralisme international, au mondialisme, à cette espèce de concurrence sauvage qui place nos entreprises directement en concurrence avec des entreprises qui n’ont pas du tout les mêmes contraintes que nous et qui créent la délocalisation et le chômage.

Arlette Laguiller : Vous ne voulez pas prendre plus sur les profits internationaux que sur les produits français, ce n’est pas vrai.

Bruno Mégret : Quant aux travailleurs français, nous sommes partisans, en effet, de leur donner la priorité. Nous voulons les traiter d’abord et s’occuper d’abord d’eux. C’est la préférence nationale et c’est une exigence morale. Et je trouve scandaleux que, dans un pays comme le nôtre, les dirigeants nationaux qui sont en place, en pleine période de chômage, n’offrent pas en priorité les emplois disponibles aux gens dont ils ont la charge, c’est-à-dire aux nationaux, aux Français.

Arlette Laguiller : C’est quoi une préférence nationale que vous avez ?
Une préférence sociale que vous avez.

Bruno Mégret : Mais pas du tout.

Arlette Laguiller : Vous êtes pour le capitalisme tel qu’il existe aujourd’hui…

Bruno Mégret : Arlette Laguiller, rebranchez votre disque !

Arlette Laguiller : Oui, vous l’écouterez quand même ! Vous n’êtes pas, Monsieur Mégret, pour, par exemple, imposer lourdement les profits boursiers. Je n’ai pas entendu, je n’ai pas lu que le Front national proteste quand les entreprises françaises ou les banques françaises envoient sur les places financières d’Asie du Sud-Est des milliards.

Bruno Mégret : On est contre le mondialisme, je viens de vous le dire.

Arlette Laguiller : Alors, oui, vous êtes pour la préférence sociale, vous défendez la classe capitaliste. Moi, je défends une autre classe : la population laborieuse, celle qui est exploitée par une minorité de parasites que vous défendez, comme les autres d’ailleurs.

Michel Field : Brice Lalonde.

Brice Lalonde : Écoutez, franchement, je pense que la lutte des classes et la haine des patrons sont dépassées. Enfin, c’est mon avis. Par exemple, nous, Génération écologie, dans le Nord, nous soutenons la candidature de Bruno Bonduel – Bruno Bonduel, le créateur d’entreprise bien connu –, parce qu’il nous semble d’abord que l’écologie et l’économie doivent être alliées, que l’écologie est l’alliée de l’emploi et pas l’ennemie de l’emploi. Et si nous commençons à décourager tous les patrons et tous les créateurs d’entreprises, finalement ils vont aller faire des entreprises ailleurs, il n’y aura plus d’entreprises et il n’y aura plus d’emplois. Par conséquent, cela me paraît étrange !
Je pense que s’il y a une classe dirigeante en France, ce ne sont pas exactement les patrons, malheureusement, ce sont plutôt des bureaucrates qui sont des privilégiés, tous.
Écoutez, franchement, je ne veux pas faire de polémique, mais Madame Aubry, ministre actuelle, n’a-t-elle pas été la collaboratrice la plus proche de Monsieur Gandois, patron des patrons ? Monsieur Huchon, candidat, n’a-t-il pas été dans le comité de direction de Pineau, etc. ? Je suis frappé de voir que l’on mélange tout ici. On a évidemment besoin des entrepreneurs. Les entrepreneurs sont la richesse du pays. Et le drame de ce pays, c’est que nous sommes en train de les décourager, c’est que nous les écrasons d’impôts, c’est que nous les empêchons d’embaucher parce que, dès qu’il y a un risque ou il y a un problème dans l’entreprise, on ne peut plus licencier.
Je pense que l’on fait tout à l’envers et, par conséquent, je crois que si l’on veut vraiment une libération de l’emploi dans ce pays, il faut aussi comprendre les entrepreneurs, les aider, au lieu de les décourager.

Michel Field : On va faire une pause de publicité. Je vais regarder un petit peu où vous en êtes les uns et les autres de vos temps de parole, et on se retrouve dans un instant.

Michel Field : Retour sur le plateau de « Public » et pour lancer la deuxième partie de cette émission, notre consultation internationale sur lnternet. Vous savez, ce n’est pas un sondage. Il n’y a pas du tout les règles de vérification et de rigueur des sondages. C’est une consultation des internautes dans neuf pays, huit pays européens et les États-Unis, et nous avons eu plus de 4 000 réponses à la question : « Selon vous le renforcement du pouvoir politique, au niveau régional, affaiblit-il l’identité nationale ? »
Ont répondu « oui », 31 % internautes consultés. Ont répondu « non », 69 %.
Et quand on regarde pays par pays, on s’aperçoit que la France est le pays où, finalement, la décentralisation et le pouvoir central ne sont pas du tout vécus comme contradictoires.
Et le pays où, au contraire, il y a la plus grande méfiance par rapport à la décentralisation, c’est l’Espagne où 57 % des internautes nous ont répondu que, oui, l’identité nationale était affaiblie par le pouvoir politique au niveau régional.
Jack Lang, une petite réaction à cette consultation ?

Jack Lang : Oui, pour l’Espagne, cela se comprend puisque, vous le savez, il y a des traditions culturelles et locales très fortes : la Catalogne, l’Andalousie, le Pays basque. Donc, c’est vrai que, d’une certaine manière, la démocratie espagnole depuis quelques années s’est construite parfois un peu trop contre l’État national.
Je crois qu’en France, en ce moment, nous essayons de trouver un équilibre entre un pouvoir d’État qui donne les grandes impulsions et puis les pouvoirs renforcés des régions, bientôt par une loi nouvelle, mais aussi des agglomérations et des communes, de telle sorte que, partout à travers le pays, l’initiative des citoyens, des entreprises, des travailleurs soit épaulée, soutenue et encouragée.

Michel Field : Quelle place donnez-vous aux rapports des régions à la construction européenne ?

Jack Lang : Face à des pays comme l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie qui ont réussi à construire des régions fortes, il est très important que nos régions, qui aujourd’hui existent à peine, puissent être de vrais interlocuteurs, je dirais de région à région, et nouer des rapports beaucoup plus directs sur le plan économique, sur le plan culturel, entre telle région d’Allemagne ou telle région d’Italie ou telle région d’Espagne. C’est cela la décentralisation : c’est redonner une liberté d’initiative aux élus régionaux, départementaux ou locaux.

Michel Field : Anne-Marie Idrac, les leaders de l’opposition, Philippe Séguin, Édouard Balladur, concernant les alliances éventuelles après les élections pour, notamment, l’élection des présidents des conseils régionaux, on dit : pas d’alliance, en substance pas d’alliance avec le Front national.
Il y a un certain nombre de voix discordantes : Monsieur Vasseur dans le Nord, Monsieur Mancel qui, eux, semblent plus partisans de regarder les choses de plus près. Et vous-même, Bruno Mégret, vous avez proposé, il n’y a pas très longtemps, l’éventualité d’un troc, région pour région : un soutien RPR-UDF contre un soutien Front national à la droite classique en Île-de-France ?
Anne-Marie Idrac, d’abord, Bruno Mégret, ensuite, comment vous vous rapportez à cette question qui n’est pas visiblement complètement clair dans vos rangs ?

Anne-Marie Idrac : Oui, j’entends bien que, actuellement, l’idée à la mode, le procès d’intention…

Michel Field : … Non, non, ce n’est ni une idée à la mode, ni un procès d’intention, c’est une question.

Anne-Marie Idrac : C’est de ne pas faire d’alliance avec le Front national. Philippe Séguin, François Léotard, François Bayrou, Édouard Balladur, encore ce matin, tout le monde l’a dit : « II n’y aura pas d’alliance avec le Front national ».
Et certaines personnalités, au nord ou au sud de la France, qui auraient des idées différentes, je suis persuadé qu’elles seraient sanctionnées.
Pour ma part, je vais vous dire : je suis la plus jeune en politique sur ce plateau, ces histoires d’arrangements dans les couloirs, d’accords, d’alliances, cela a un petit relent d’années 80 qui ne m’intéresse pas du tout.
L’idée selon laquelle, pour nos leaders, il n’y aura pas d’alliances sur la table ou sous la table, derrière les rideaux, où que l’on voudra, me convient tout à fait. Parce que ce qui m’intéresse, c’est le vrai débat, celui que l’on disait tout à l’heure : faut-il avoir des régions qui soient une sorte de contre-pouvoir et d’équilibre dans la société et dans la vie politique française par rapport au socialisme et au communisme gouvernemental ? Ou faut-il, au contraire, multiplier à l’échelon régional les risques que l’on prend à l’échelle nationale, même si, actuellement, les apparences sont plutôt bonnes pour le gouvernement, c’est vrai !
Je ne pense pas qu’il soit raisonnable pour les régions françaises, y compris dans l’articulation positive qu’il faut avoir avec l’Europe, de multiplier les asphyxies du socialisme au niveau régional. Je crois, au contraire, qu’il faut profiter de ces élections pour se donner de l’espace, pour se donner de l’air et pour équilibrer les choses.

Michel Field : Mais si vous n’avez qu’une majorité que relative et que vous avez besoin, finalement, des élus du Front national pour avoir votre majorité, que ferez-vous ? Vous laisserez passer la présidence à la gauche ?

Anne-Marie Idrac : Je voudrais bien que l’on arrête de se disperser et que l’on occupe cette semaine…

Michel Field : Je vois bien que cette question vous gêne, mais je fais mon boulot !

Anne-Marie Idrac : Ah, non, elle ne me gêne pas du tout, puisque les choses sont très claires et, je vous l’ai dit : elles sont claires pour nos leaders et elles sont claires pour moi personnellement.
Alors, je voudrais bien que l’on arrête de se disperser et que cette semaine sans sondage, on l’occupe à pratiquer la démocratie. Et la démocratie, cela veut dire que l’on ne fait pas d’arrangements, que les gens ont un choix clair, que les citoyens sont responsables, qu’on ne leur propose pas des idées assez farfelues comme celles que vous avez évoquées et qui ne sont pas respectueuses du vote des électeurs des régions et d’une autre région. Les électeurs sont responsables. Le choix, ils l’ont. Ils le prendront.

Michel Field : Alors, le troc, justement, qui n’est pas d’une très grande modernité en termes d’économie ?

Bruno Mégret : Ce qui me frappe en écoutant Madame Idrac, puis en écoutant tous les leaders du RPR et de l’UDF, c’est de voir à quel point ils se comportent comme des petits enfants face à la gauche qui les tance, qui les prend de haut et qui leur dicte leur conduite : « Surtout ne faites pas d’accords avec le Front national, ce n’est pas bien », et ils répondent : « Oui, oui, absolument, rassurez-vous, on ne va pas le faire, on n’osera pas le faire. On ne le fera pas ». Mais j’aurais tendance à leur dire : « Mais, reprenez-vous, soyez un peu plus adultes, soyez un peu plus responsables, quand même ! C’est à vous de décider ce que vous avez à faire ».
Et si j’étais à leur place, je peux me permettre un petit conseil, ce que je dirais à Monsieur Jack Lang qui a participé à ce concert à l’égard du RPR et de l’UDF, je lui dirais : « Monsieur Jack Lang, vous êtes ici, en effet, le représentant d’un gouvernement socialo-communiste, c’est-à-dire qu’à ce titre vous êtes complice du communisme qui lui-même est complice de 100 millions de morts qui ont été commis à travers le monde, au fil des décennies écoulées.
Le fait que nous ayons aujourd’hui en France un Parti communiste français qui ait un pignon sur rue, quand on y réfléchit bien, c’est au fond aussi absurde, aussi hallucinant, aussi scandaleux que s’il existait actuellement un parti nazi français qui avait été frère du Parti nazi allemand et qui avait aujourd’hui des ministres au Gouvernement.
Alors, je trouve cela hallucinant et tout le monde trouve cela normal, y compris les leaders du RPR et de l’UDF.
Alors, je pense que cela mériterait quand même d’être rappelé à ces responsables de la gauche.

Michel Field : Votre intuition, c’est qu’après le scrutin du 15, les listes RPR-UDF seront plus souples avec vous qu’elles ne le disent aujourd’hui ?

Bruno Mégret : Je pense que la politique, c’est l’art des réalités. Le RPR­l’UDF ne peut plus exister par lui-même maintenant. Il est coincé entre le bloc que constitue la gauche socialo-communiste et le bloc que constitue le Front national. Et on le voit bien ! Ou bien ils laisseront les présidences à la gauche ou bien ils passeront des accords avec le Front national. Ou bien ils feront le jeu de la gauche ou bien ils s’entendront avec le Front national. C’est comme cela, et c’est bien normal puisqu’il n’y a plus d’espace politique pour le RPR-l’UDF.
J’ai parlé du traité d’Amsterdam sur l’immigration : seront-ils pour ce traité comme le Gouvernement socialo-communiste ? Seront-ils contre ce traité comme le Front national ? Il n’y a que deux options : le droit du sol, on est pour ou l’on est contre. Mais quand on est, comme vous l’avez été à l’Assemblée nationale, pour, mais sous réserve qu’on envoie un formulaire à la préfecture, c’est dérisoire.

Michel Field : Jack Lang.

Jack Lang : Oui, ce qu’on entend à l’instant est en effet assez hallucinant, et Monsieur Mégret ne manque pas d’air !

Bruno Mégret : Non.

Jack Lang : Non, il ne manque pas d’air…

Bruno Mégret : Non, non…

Jack Lang : … Et l’art de sa politique, c’est tout de même en permanence le mensonge, la calomnie et l’outrance.
En effet, si l’on parle de nazis, oui, le parti du Front national, ce n’est pas moi qui ai prononcé le nom : ses dirigeants ont été invités en Allemagne par des anciens nazis.

Bruno Mégret : C’est faux.

Jack Lang : C’est absolument avéré et confirmé.

Bruno Mégret : C’est faux.

Jack Lang : Et, par ailleurs, vous vous êtes fondé sous l’égide du Mouvement social italien, mouvement fasciste de Mussolini.

Bruno Mégret : C’est faux.

Jack Lang : Il a même retenu son sigle comme élément décoratif de votre mouvement.

Bruno Mégret : C’est totalement faux.

Jack Lang : Et puis vos thèses sont des thèses d’exclusion, de haine, de rejet, de racisme…

Bruno Mégret : C’est la langue de bois.

Michel Field : Bruno Mégret, s’il vous plaît.

Jack Lang : … Qui font le déshonneur de la politique française. Et, heureusement, et je l’espère aux prochaines élections, vous allez, j’espère, être contenus parce que le vrai visage de la France, c’est le visage de la générosité, de l’ouverture, du respect de l’autre et d’un dialogue fondé sur la liberté et sur l’esprit d’égalité.
Je n’accepterai pas non plus que vous disiez ce que vous avez dit sur les communistes dont les militants se sont battus, au péril de leur vie, pendant la guerre, ont été au premier rang parmi les patriotes et les résistants. Cela, je veux le dire avec fermeté et clarté. Et c’est pourquoi je suis fier, personnellement, avec beaucoup d’autres, que nous ayons réussi, pour ces élections comme en juin dernier, à faire cette vaste alliance des Verts, des socialistes, des communistes et des radicaux qui sont, je le crois, à l’image de la France qui bouge, de la France qui veut aller de l’avant.
Et si le gouvernement de Lionel Jospin aujourd’hui réussit, c’est à la fois parce qu’il fait de bonnes réformes, il remet la France en marche. Il a compris aussi les mesures de justice sociale, à commencer par la loi contre l’exclusion sociale, dont Madame Geneviève de Gaulle a salué, voici quelques jours, l’importance. Et en même temps il représente, je crois, toutes les couleurs d’un pays qui a envie à la fois de liberté, de prospérité et de justice sociale.
Et les propos d’excommunication de Monsieur Mégret ne feront pas changer, je le pense, nos concitoyens qui, de façon sereine et tranquille, s’apprêtent, dimanche prochain, à ratifier cette politique pour que nous puissions aller beaucoup plus loin encore dans nos réformes et dans les changements, y compris localement.

Michel Field : Le président Valéry Giscard d’Estaing disait dimanche dernier : « L’opposition gagnera, si elle obtient douze régions, c’est-à-dire onze, les vingt-deux régions divisées par deux + 1 », appliquant très mathématiquement, en effet, ce qu’est une victoire électorale, c’est-à-dire la moitié + 1. Cela voudrait dire qu’une perte de huit régions pourrait être considérée par l’opposition comme une, si ce n’est une semi victoire, en tout cas une semi-défaite ?

Jack Lang : Oh, je ne veux pas me livrer à ces calculs, je les laisse à Monsieur Giscard d’Estaing qui connaît peut-être mieux que moi-même ce genre de choses. Mais je pressens à travers les voyages que j’ai entrepris, je pressens surtout, à travers un simple raisonnement de bon sens, que les Français, neuf mois après avoir voulu tourner la page du conservatisme et de l’immobilisme, voudront continuer à aller de l’avant et ils ne voudront pas casser et briser un mouvement.
Mais un mot quand même sur l’alliance de la droite et du Front national : je suis heureux de ce que dit Madame Idrac. J’espère que ceci sera non seulement confirmé par les grands responsables, mais aussi localement par chacun des leaders. Or, nous avons entendu Monsieur Vasseur, Monsieur Blanc, Monsieur Mancel récemment indiquer qu’ils n’étaient pas hostiles à une alliance avec le Front national. Pour nous, les choses sont claires : si nous avons la majorité relative, dans une région, nous revendiquerons la présidence. Lorsque la droite aura la majorité relative, nous laisserons la présidence. C’est d’une simplicité biblique, républicaine et respectueuse, je crois, des citoyens.

Michel Field : Arlette Laguiller.

Arlette Laguiller : D’abord, je voulais quand même dire à Jack Lang que la loi contre l’exclusion, les 35 heures, ce n’est pas cela qui va régler le problème de l’exclusion. Ce n’est pas cela qui va créer les trois à cinq millions d’emplois qui manquent aujourd’hui dans ce pays. Et le problème est là. Et si vous décevez une nouvelle fois, comme la gauche l’a déjà fait, le monde du travail, le monde des chômeurs, le monde des exclus, vous allez une nouvelle fois démoraliser cette classe ouvrière et faire que de nouveau, peut-être, on reverra la droite au pouvoir et, derrière, menaçant, justement, l’extrême droite.
Alors, je crois que le problème, ce n’est pas la politique des petits pas, ce n’est pas de faire un tout petit peu mieux que ce que ferait la droite. Le problème, c’est ce qui est urgent, ce qui est vital à faire dans ce pays, et l’on en a les moyens. Pourquoi ce gouvernement n’augmente pas l’impôt sur les bénéfices des sociétés, tel qu’il était sous Giscard, dont vous parliez, il y a dix-huit ans encore ?

Jack Lang : C’est fait. Il l’a été.

Arlette Laguiller : Non. Vous l’avez remonté à 41 % ; il était à 50 %.

Jack Lang : Mais il a été augmenté.

Arlette Laguiller : Oui, mais toujours les petits pas.
Pourquoi ce gouvernement n’augmente pas la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu ? Pourquoi ce gouvernement n’impose pas lourdement les profits boursiers ? Toutes ces masses de capitaux qui, peut-être, vont conduire à l’économie à une catastrophe mondiale et qui sont déjà une catastrophe pour les pays d’Asie du Sud-Est et pour la population, aujourd’hui dans ces pays.
Alors, voilà, moi, ce que j’ai à reprocher à cette gauche, parce que, si elle déçoit, eh bien, oui, il y a effectivement des gens dangereux qui sont derrière.
Et puis, si vous me permettez, comme je suis la seule communiste, ici : oui, dans l’échiquier politique, je suis à l’extrême de votre parti, et j’en suis tout à fait fière. Parce que j’appartiens à un courant qui a été sans doute le seul, au nom du communisme, à combattre les crimes staliniens, à combattre les crimes des dirigeants de l’épure dans ce pays. Mais, vous, vous appartenez, c’est vrai, à un courant d’idée, à une idéologie qui, finalement, a fait, oui, oui…

Bruno Mégret : Pas du tout. Créé en 1974, le Front national.

Arlette Laguiller : … des dizaines… excusez-moi, le peuple allemand, il l’a payé de neuf millions de morts, l’hitlérisme. Sans compter, évidemment, les millions de morts partout et les six millions de Juifs…

Bruno Mégret : Je condamne. Je condamne.

Arlette Laguiller : Oui, vous condamnez peut-être, mais vous appartenez à ce courant.

Bruno Mégret : Non, pas du tout.

Arlette Laguiller : Et en ce qui concerne les crimes contre l’humanité, vous devriez demander pardon et à genoux.

Michel Field : Brice Lalonde.

Brice Lalonde : Il paraît que j’avais trop de temps de parole.

Michel Field : Ne partez pas de temps, justement.

Brice Lalonde : Vous savez, je pense qu’il y a deux droites et deux gauches en réalité. Il y a à gauche, des gens qui croient à l’Europe et il y a des gens qui n’y croient pas. Même chose à droite.
Et il arrive maintenant à la droite et au Front national, ce qui arrivait naguère à la gauche et au Parti communiste. Et l’on disait toujours à la gauche : « Vous n’allez pas vous allier avec ces gens-là ? » Et au bout d’un certain temps, avec l’arrivée de François Mitterrand qui a pris les communistes et qui les a intégrés dans la République, notamment quand, ensuite, l’URSS s’est écroulée et que, finalement, on ne pouvait plus dire que les communistes étaient l’allié de l’Union soviétique, ils font partie maintenant, très normalement, de la vie publique.
Est-ce que l’on peut continuer cent sept temps à garder un parti totalement pestiféré ? Mon opinion est qu’un jour il faudra quand même reconnaître que les électeurs, en tous les cas, font partie de la République, mais il faudra dire au Front national que l’on ne peut pas tolérer, en France, des propos racistes. Et, par exemple, j’ai entendu un jour Monsieur Le Pen parler de l’inégalité des races. Tous les livres de classe, tout ce qu’on explique à nos enfants, tout ce que nous savons au plus profond de nous-mêmes, c’est que ce n’est pas vrai. Ce n’est pas vrai, il n’y pas d’inégalité des races. En revanche, il y a des cons partout.

Bruno Mégret : Ça, c’est vrai.

Brice Lalonde : Et tant que le Front national défendra des thèses racistes, forcément il sera à l’écart de la République. À vous de faire le ménage chez vous.

Bruno Mégret : Je voudrais souligner ce soir combien le Front national, contrairement à ce qui est répandu, ici ou là, est un mouvement modéré. J’ai là sous les yeux un texte – je le lis, c’est très court – : « Nous sommes quand même, avant tout, un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine et de religion chrétienne. Que l’on ne se raconte pas d’histoires, les musulmans, vous êtes allés les voir, vous voyez bien que ce ne sont pas des Français. Les Arabes sont les Arabes. Les Français sont les Français ». C’est signé le général de Gaulle.
Alors, nous n’avons jamais dit des choses de ce type, aussi imprudentes, aussi forcées. En clair, le Front national est finalement plus modéré que ne l’était le parti gaulliste du temps du général de Gaulle.

Michel Field : Les espoirs que vous avez caressés à un moment d’obtenir la région PACA, vous en faites votre deuil ou pas encore ?

Bruno Mégret : Ah, non. Pas du tout.

Michel Field : On n’assiste pas, semble-t-il et par rapport aux sondages, à la poussée que vous espériez peut-être de votre parti ?

Bruno Mégret : Oui, mais écoutez les sondages, surtout lorsqu’il s’agit d’élections plus locales, je pense qu’il ne faut pas y attacher trop de crédit. Nous sommes partis, en effet, pour avoir la majorité relative à l’assemblée régionale de Provence, et nous verrons !

Michel Field : Et que se passerait-il à ce moment-là ? Vous passeriez des alliances avec la coalition RPR-UDF ?

Bruno Mégret : Mais nous l’avons dit : nous sommes prêts à des alliances, et si les grands ténors s’y refusent…

Michel Field : Du côté de François Léotard, cela a l’air assez clair qu’il va s’y refuser ?

Bruno Mégret : Oui, bien sûr ! Mais, vous savez, je n’imagine pas un seul instant que, suivant les injonctions de Monsieur Léotard, tous les conseillers régionaux RPR-UDF élus avec des voix RPR-UDF aillent voter pour un président socialiste, ce serait un suicide politique. Ils seraient marqués au fer rouge pour le reste de leur vie politique. Et jamais ils ne feront cela, c’est impensable, ou alors ils disparaîtront.

Michel Field : Anne-Marie Idrac, comment voyez-vous le processus de recomposition de l’opposition à partir du résultat des régionales dans les mois qui vont venir ?

Anne-Marie Idrac : D’abord, là, je voudrais dire que l’on est en train de focaliser la conversation sur des histoires d’accords, sur des histoires d’alliances de partis, de politicaillerie. Je suis désolée, ce qui intéresse les gens, il me semble, c’est : que va-t-on faire de l’avenir de nos enfants ? Que va-t-on faire pour nos familles ? Que va-t-on faire pour l’environnement ? Comment pouvons-nous être fiers d’être Français, et dans les régions françaises en Europe ? Ce sont cela, les sujets. Et les valeurs que nous représentons, l’humanisme, l’esprit de résistance, le souci du travail, de la famille, de l’environnement dans une approche moderne, ce sont des valeurs qui sont plus profondément enracinées, qui ont une histoire, qui débordent largement les approches dans les cases, le parti X ou Y, et c’est cela qui me paraît vraiment intéressant, et c’est là-dessus que les gens se prononcent.
Ils s’y prononcent parce qu’ils voient bien que ce sont des enjeux locaux : doubler le nombre des apprentis ou pas, développer les lycées ou pas, moderniser l’économie ou pas, etc., la sécurité, les impôts et puis parce qu’ils voient bien qu’il y a derrière un choix de société, un choix d’engagement. Il faut quand même arrêter de prendre les choses uniquement par le petit bout de la lorgnette. Je suis désolée.
Cela dit, j’en viens à votre question qui était, justement, de cet aspect des choses et de la recomposition. Pour l’instant, nous terminons cette campagne pour les régionales…

Michel Field : Parce qu’on n’a pas l’impression, à part Philippe Séguin qui fait un forcing terrible en France que les grands leaders de l’opposition et François Léotard qui est très impliqué dans sa campagne, dans le sud, soient tellement montés au créneau par rapport à d’autres élections ? On a l’impression d’un certain retrait, non ?

Anne-Marie Idrac : Oui, j’ai peut-être plus de chance que vous, parce que j’ai vu et Madelin, et Sarkozy, et Bayrou sur le terrain. Je crois que sur ces sujets de recomposition, on verra bien ! Personnellement, j’ai le sentiment qu’il y aura des lignes qui devront bouger. Je ne sais pas lesquelles. Il faut les prendre par le fond des choses. Il faut les prendre par les attentes des gens.

Michel Field : Quand Bruno Mégret dit : il n’y a plus d’espace pour le RPR et l’UDF entre la coalition majoritaire et le Front national ?

Anne-Marie Idrac : Écoutez, les valeurs que nous représentons, les collectivités locales dont nous avons la responsabilité, les chiffres, d’ailleurs, eux-mêmes dans les plus folles espérances de Monsieur Mégret, ce n’est absolument pas cela ! Ce sont au contraire des idées qui me semblent, lorsqu’on les résume sur l’idée de liberté, sur l’idée de générosité et sur l’idée de puissance de la France en Europe, plus contemporaines que jamais. J’en suis absolument persuadée. Et ça n’est pas demain la veille, croyez-moi, même s’il y a un rééquilibrage arithmétique le 15 mars à 20 h 01, que ces idées-là, qui sont modernes, qui correspondent à la fois à une tradition et à un avenir, seront passées par « pertes et profits ».

Michel Field : Arlette Laguiller, il nous reste deux minutes d’émission, vous avez avec Brice Lalande, un léger déficit.

Arlette Laguiller : J’écoute Madame Idrac, et je crois que son programme de nouvelle société était très bien résumé, hélas, par Monsieur Balladur dans « Le Monde » du vendredi 6 mars, et je vais me permettre une citation…

Michel Field : Pas trop longue.

Arlette Laguiller : Non, courte.
« II faut consacrer tous les fruits de la croissance au défaut de la société française caractérisée par trop de chômage – cela commence bien, mais attendez la suite, je lis –, trop de chômage dû à trop de réglementations, trop de charges, trop d’imposition, une durée annuelle du travail trop brève, un âge de la retraite trop précoce, des dépenses sociales trop lourdes ». C’est cela votre modèle de société ? Eh bien, bravo ! Ne vous étonnez pas si vous perdez ces élections. Déjà, vous avez été au pouvoir, alors, on a vu ce que vous faisiez ! Mais, alors, quel programme pour le monde du travail ! Il faut travailler… une durée annuelle du travail trop brève, un âge de la retraite trop précoce, des dépenses sociales trop lourdes.

Michel Field : Brice Lalonde, vous souscrivez non pas à la critique d’Arlette Laguiller, mais au contenu de ce propos ?

Arlette Laguiller : Monsieur Lalonde est pour le libéralisme.

Brice Lalonde : Vous savez, je suis sûr que beaucoup de Français seraient ravis de pouvoir travailler, et je ne vois pas pourquoi défendre le travail serait un mauvais programme. Au contraire, défendons le travail. Mais je voudrais aussi rajouter que : je voudrais que ces élections régionales soient l’occasion d’aimer son pays, de redonner l’amour du pays, l’amour du pays et de la région, l’amour des produits de ce pays ; retrouver le territoire ; retrouver l’organisation de son territoire. C’est très important pour nous. Alors, nos élus défendront évidemment l’environnement, défendront la santé, défendront une agriculture qui permette de créer ces produits-là, d’entretenir la nature, d’avoir de l’eau de bonne qualité. On fera d’abord cela, parce que c’est notre spécialité.
Et pour le reste, nous aiderons les majorités des régions à faire une bonne politique, mais nous choisirons souvent l’union parce que, si vous voulez, à un moment donné entre la droite et la gauche, c’est parfois, mais nos régions ont besoin d’union et de rassemblement dans l’effort pour la région.

Michel Field : Jack Lang, si vous arrivez à faire une conclusion de vingt secondes, je vous la laisse faire.

Jack Lang : Je dirai d’un mot nous réussirons dans les régions, comme nous réussissons aujourd’hui au Gouvernement. Je crois que nous sommes à la veille d’une période assez exaltante, au cours de laquelle de l’impulsion nationale à l’impulsion locale, ce pays va se mettre en mouvement. Et nous réussirons collectivement, et pas seulement les hommes politiques, collectivement, la société, à faire de ce pays, un pays créateur de richesses, donc créateur d’emplois, et je l’espère, personnellement, de plus en plus juste dans la répartition des fruits de la croissance.

Michel Field : Brunot Mégret, à partir de quand, de quel seuil, vous estimeriez avoir subi un revers électoral ? Ou à l’inverse, si vous préférez, les choses positives…

Bruno Mégret : Disons que, oui, en termes positifs, le Front national n’a jamais dépassé 15 %, donc tout résultat qui sera au-dessus de 15 %, sera déjà un grand succès.

Michel Field : Et en dessous ?

Bruno Mégret : Pas nécessairement. Ce que je voudrais dire pour conclure, c’est que les Français ont essayé le RPR et l’UDF, cela n’a rien donné. Ils ont essayé la gauche, cela ne donne rien. Qu’ils essaient le Front national, ils n’ont rien à perdre et tout à gagner, car le Front national, c’est finalement le parti de l’amour de son pays, le patriotisme.

Arlette Laguiller : C’est l’extrême gauche qui va créer la surprise, vous allez voir !

Brice Lalonde : Génération écologie.

Michel Field : Merci à toutes, merci à tous, pour votre discipline pour ce débat.
Dans un instant, vous avez le privilège de retrouver Claire Chazal pour le 20 heures dont l’invité est Philippe Séguin, le président du RPR.
Pas de « Public » la semaine prochaine pour cause de soirée électorale. On se retrouve dans quinze jours.
Bonne soirée à toutes. Bonne soirée à tous.