Texte intégral
Réforme des armées
Q : Pourquoi cette réforme était-elle nécessaire ?
R: Depuis la chute du mur de Berlin, en 1989, le monde a vécu une véritable révolution : près d'un demi-siècle d'affrontement entre deux blocs antagonistes a pris fin. La menace d’une guerre proche a disparu. Et, avec elle, a disparu la nécessité de maintenir sous les drapeaux chaque classe d'âge, alors que les interventions actuelles ou prévisibles - de type guerre du Golfe ou opérations de maintien de la paix - exigent plutôt des troupes professionnelles disponibles rapidement et très entraînées. J'insiste sur le sens politique de notre volonté d'agir, même hors de nos frontières. Sans être une super-puissance, la France souhaite néanmoins faire respecter ses intérêts et les principes internationaux qu'elle soutient, et ce, même dans les situations de conflit violent, c'est ainsi qu'elle pèse sur la vie mondiale au lieu d'en être seulement le témoin. En février 1996, le président de la République a décidé de professionnaliser les armées, et le gouvernement de Lionel Jospin a déclaré, dès sa prise de fonction, assumer ce choix. De là est née la nécessité de revoir la formule du service national, ce que nous avons fait en le «mettant entre parenthèses » : avec la nouvelle loi, le service sera suspendu, ce qui veut dire qu'il pourra être rétabli si le besoin s'en faisait sentir, Si, demain, de nouvelles menaces devaient apparaître et mettre en péril notre pays, nous conserverions la capacité de remobiliser les jeunes Français pour y faire face.
Réforme du service national
Q : Quels sont les objectifs que vous avez poursuivis ?
R : La possibilité de rétablir l'appel sous les drapeaux est le premier objectif, celui qui exprime notre responsabilité de sûreté en toutes circonstances. Mais cette réforme répond aussi à la volonté de maintenir en permanence un lien de responsabilité réciproque entre la société française et son armée. La défense, soulignons-le, est une valeur fondamentale de la démocratie, au sens d'une défense de la liberté. Elle concerne tous les citoyens, y compris les plus jeunes. Tous les éléments du « parcours citoyen » contribuent à cet objectif...
Dès le collège, les jeunes Français recevront un enseignement sur les questions de défense. Il ne s'agit pas d'endoctrinement ou de propagande, mais de la formation de chacun à ses responsabilités de citoyen, parallèlement au renforcement de l'instruction civique à l'école. Le recensement dès l'âge de 16 ans pour les garçons et les filles permettra de connaître chaque classe d'âge pour garder la capacité de rappel sous les drapeaux. L'appel de préparation à la défense complétera, par le contact direct avec l'armée, la compréhension acquise dans le cadre scolaire. Ensuite, la préparation militaire volontaire et l'accès à la réserve permettront aux jeunes qui le souhaitent d'acquérir une formation militaire de base et de participer à l'action de la défense lors de périodes compatibles avec leur vie étudiante et professionnelle. Nous maintenons ainsi le principe démocratique du citoyen sous les armes.
Q : Comment espérez-vous que ce nouveau service national sera perçu par les jeunes, et en particulier par les jeunes filles ? Par ailleurs, les jeunes nés avant le 10 janvier 1979 ne risquent-ils pas de se sentir lésés ?
Nouveau service national (obligations et volontariat)
R : Ce nouveau service national repose sur des obligations, car nous croyons que le devoir civique est un pilier majeur d'une société démocratique, et aussi sur le volontariat, car la prise de responsabilité est une valeur de l'esprit de défense. Par sa nature même, il ne peut qu'être bien perçu par les jeunes qui aspirent à des responsabilités. Mais j'ai voulu que les contraintes soient bien « calibrées » et ne deviennent pas trop pesantes. C'est pour cela que l'appel de préparation à la défense ne durera qu'une journée, et qu'il sera organisé dans le département de résidence. C'est pour cette raison aussi que les préparations militaires reposeront sur une démarche individuelle et se réaliseront dans un cadre régional, assurant un lien entre les jeunes concernés et des unités militaires où ils auront une place réellement utile. Le volontariat, quant à lui, donnera aux jeunes intéressés une expérience et une formation professionnelle dans des emplois utiles aux armées et offrant un statut social correct. Cette réforme sera donc, selon moi, bien acceptée car elle offre à tous les jeunes motivés des opportunités variées de connaître une expérience nouvelle sans pour autant faire le choix du métier militaire.
Jeunes nés avant le 1er janvier 1979 (appelés par nécessité avant la complète réforme des armées)
Pour ce qui concerne les jeunes nés avant le 19 janvier 1979, ils savent que notre société démocratique repose sur des principes ; parmi eux, le principe d'égalité est exprimé avec force dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Et nous savons tous, dans la vie de la société française, à quel point les jeunes sont exigeants dans ce sens. La plupart des jeunes nés avant le 1 janvier 1979 ont déjà effectué leur service avant l'adoption de la nouvelle loi : ils ne bénéficiaient pas d'un report d'incorporation ou ils l'avaient résilié précocement. Il serait aujourd'hui injuste de ne pas appeler au service national les jeunes nés avant cette date et qui ne l'ont pas encore effectué. Par ailleurs, nos armées, dans toutes leurs missions - de Vigipirate à la préparation des actions extérieures en passant par les nombreuses activités de service public - comptent sur les 170 000 appelés parmi leurs moyens humains. Il faudra encore quatre ans pour que la relève par des volontaires et des professionnels soit complète. Essayer d'accélérer ce passage de relais, dans un système aussi complexe, risque de nous paralyser. Nous ne pouvons l'envisager.
Appel de préparation à la défense (APD)
Q : A quoi va servir la journée d'appel de préparation à la défense ?
R : Cette journée interviendra juste avant l'âge de la majorité. Elle a pour premier objet de vérifier l'efficacité du recensement actualisé, support du rétablissement éventuel de l'appel sous les drapeaux. Cette journée permettra surtout à chacun de bénéficier d'une information concrète sur les questions de défense, de rencontrer des militaires pour dialoguer ct avoir une vision pratique des activités et des métiers de défense dans le prolongement de l'enseignement reçu à l'école. En concentrant les formations de cette journée sur le côté humain, nous voulons amener les jeunes à mieux connaître les militaires, leurs motivations, leur savoir-faire. C'est important pour leur prise de conscience de la place de la défense dans les responsabilités internationales de la France. Au cours de cette journée, une évaluation des acquis scolaires fondamentaux sera effectuée, ce qui permettra, en liaison avec l'Éducation nationale, de donner une orientation particulière aux jeunes en difficulté.
Q : Que diriez-vous à des jeunes pour les inciter à s'investir dans le volontariat ou à effectuer une préparation militaire ?
R : Comme je vous l'ai indiqué, j'ai le sentiment que la prise de responsabilité est une aspiration chez beaucoup de jeunes. C'est ma première réponse. Mais, qu'il s'agisse de la préparation militaire ou du volontariat, ils répondent tous deux, à des moments différents et pour des durées différentes, à une opportunité offerte à tous, garçons et filles, de connaître une expérience de la vie militaire, au service de la collectivité, sans avoir à en faire leur métier. Par ailleurs, pour ceux qui hésiteraient à s'engager dans l'armée, ce sera un moyen d'effectuer un choix mieux éclairé, et donc en toute connaissance de cause. Mais surtout - permettez-moi d'y revenir dans le contexte qui est celui que connaissent les jeunes aujourd'hui, celui de la difficile recherche d'un premier emploi -, ceux des jeunes qui choisiront, dans le nouveau système, d'effectuer une préparation militaire ou un volontariat manifesteront de cette manière leur aptitude à la prise de responsabilité : une telle expérience professionnelle avant l'entrée dans la vie active pèsera lourd, j'en suis certain, dans un curriculum vitae.