Déclarations de Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à l'enseignement scolaire, sur le prix Louis Germain et sur le rôle des femmes au cours de la Résistance et la Déportation, Paris les 4 et 10 décembre 1997.

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Circonstance : Remise du Prix Louis Germain et du Prix du Concours de la Résistance et de la Déportation à Paris les 4 et 10 décembre 1998.

Texte intégral

4 décembre 1997

DISCOURS POUR LA REMISE DU PRIX LOUIS GERMAIN 1997

Mesdames et messieurs, chers enfants, je suis très heureuse d’être parmi vous pour remettre le prix Louis Germain 1997 et pour féliciter chacune et chacun des lauréats. Certains n’ont pas pu être là parce qu’ils habitent loin : les deux lauréats de Cayenne n’ont pas pu venir mais je pense à eux, nous pensons tous à eux et nos félicitations leur sont, bien évidemment, également destinées.

Je voudrais d’abord remercier tous ceux qui se sont mobilisés pour que ce concours connaisse le plus large retentissement. Déjà, ce matin, la presse en parle beaucoup, parce que, à mon avis, cette remise des prix est tout à fait symbolique. Je remercie donc les anciens élèves qui, par milliers, ont envoyé des lettres pour exprimer avec sincérité leur reconnaissance à l’un de leurs anciens professeurs, les membres du jury académique, du jury national, qui ont eu la charge bien délicate de sélectionner les meilleurs textes, les Éditions Nathan enfin qui ont réuni les plus belles lettres dans un livre qui vous sera donné. J’attache beaucoup d’importance à ce prix, d’abord parce qu’il permet de susciter le désir et le plaisir d’écrire et ensuite parce qu’il permet d’exprimer ce qu’aucun manuel de pédagogie ne pourra décrire, toute la part d’affection, de passion, de flamme, à l’œuvre dans la transmission et dans la réception du savoir. Mais surtout parce qu’il prend naturellement place dans le très vaste travail que j’ai entrepris pour rétablir à l’école le climat de confiance nécessaire à son efficacité. Vivre ensemble, c’est acquérir et respecter un certain nombre de valeurs communes et toutes ces lettres sont pleines de ces valeurs communes que je voudrais voir davantage diffusées dans l’ensemble des écoles de France : on est ainsi au cœur de la raison d’être de l’éducation puisqu’il s’agit de s’élever soi-même, en élevant les autres. Louis Germain écrivait à Albert Camus, son ancien élève, cette phrase : « Je crois durant toute ma carrière avoir respecté ce qu’il y a de plus sacré dans l’enfant, le droit de chercher sa vérité. » Il exprimait là, à mon sens, les exigences idéales de tout enseignant : préparer l’enfant à acquérir son autonomie d’adulte, et donc reconnaître au maître une autorité, c’est-à-dire que le maître ou la maîtresse, l’enseignant, est en partie l’auteur de ce que nous sommes tous devenus. Nous adultes, et des adultes de ce que deviendront les enfants. Autrement dit : les enseignants sont également initiateurs de notre liberté. Et se découvrir, par la médiation d’un adulte, attentif aux différences disponibles à tous et en même temps capables de progresser, telle est l’expérience heureuse que devrait être l’école pour chaque élève. L’école joue pleinement ce rôle d’initiation au plaisir d’être ensemble et d’apprendre, lorsqu’elle est un lieu d’expression, de respect mutuel, mais elle doit encore beaucoup évoluer dans ce domaine pour que l’enfant y trouve un climat nécessaire au dialogue et à l’écoute. Toutes ces lettres en témoignent : cette expérience est possible et encore bien vivante dans nos écoles. Je m’en réjouis. C’est pourquoi je relie également la remise de ce prix aux « Initiatives citoyennes » qui viennent de se dérouler, parce que je crois que le respect et l’admiration à Pégard des enseignants – qui apparaissent à travers tous ces témoignages – font partie de l’apprentissage d’une forme de citoyenneté. Elles procurent un réel bonheur à la lecture. « Le professeur est un magicien », écrit Gaëlle, « magicien car il a la vocation de changer l’enfant en adulte, de convertir l’ignorance en savoir, de conjurer l’ennui, toujours possible, de l’étude en joie de découvrir. » Frédéric écrit « Je vous donne toute ma reconnaissance pour m’avoir appris à mieux aimer le français et à connaître le latin. » Mieux aimer : cette simple expression résume la vocation essentielle du professeur ; donner du goût pour pouvoir inculquer un savoir. C’est d’ailleurs la vraie signification de l’expression homo-sapiens ; elle rend clairement compte de la nécessaire alliance entre le plaisir et le savoir. Le verbe latin « sapere » signifie aussi bien connaître que goûter ; on n’apprend rien, en effet, sans trouver au savoir quelque saveur. Et toutes ces lettres sont également savoureuses.

J’en ai sélectionné une par hasard, je l’ai tirée au sort, pour ne pas faire de jaloux. Elle est signée de Tony et s’adresse à Odile, institutrice :

« Chère Madame, je viens de recevoir mon bulletin scolaire du deuxième trimestre. Figurez-vous que mes notes en français ne cessent de monter et qu’il m’est impossible de ne pas me souvenir que c’est à vous que je dois cette progression. Quand les hasards de la vie m’ont fait intégrer votre classe, il n’y avait aucune matière que je trouvais plus détestable que le français. Tous ces mots qui ont parfois des sons identiques mais qui ne s’écrivent pas pareil, ces homonymes, ces conjugaisons barbares, avec des verbes qui prennent des « e », des « t » des « d », je ne savais jamais pourquoi, et surtout ces atroces règles de grammaire où un « COD » se promène dans tous les azimuts avant de trouver son ami « avoir ». Bref, tout cela me paraissait appartenir à une autre planète. Et puis, Madame, vous m’avez ouvert de nouveaux horizons. Un jour, enfin, vous m’avez donné un 20, bien mérité en dictée. Je me souviendrai toute ma vie de ce jour-là. Je suis rentré en pleurant de joie chez moi, ma dictée à la main, comme si je venais de gagner une coupe dans un championnat. Je vais essayer de vous faire sourire un peu pour vous rendre tous les sourires d’encouragement que vous m’avez prodigué. En effet je n’avais rapporté que cette dictée et oublié mon cartable et toutes mes autres affaires. Quelque temps après les mêmes hasards de la vie nous ont séparés, mais je me souviens vous avoir dit à la dernière heure de votre dernier cours : Madame, je ne vous dis pas adieu, mais merci.

Je me dois de ne plus rien ajouter à ce mot, si ce n’est cette lettre, avec mes respectueuses amitiés. Tony »

Je suis donc particulièrement fière et émue de remettre ce prix Louis Germain, à vous, les lauréats de cette année, car toutes ces lettres témoignent de la vivacité de l’admiration des élèves à l’égard des femmes et des hommes qui enseignent ; la gratitude trouve ici merveilleusement à s’exprimer dès lors que le bonheur d’enseigner suscite le bonheur d’apprendre. Ces témoignages justifient à eux seuls les efforts de tous ceux qui travaillent, enseignants et non enseignants, pour que l’école de tous reste une chance pour tous. Et c’est la raison pour laquelle je m’associe aux élèves à qui je remets ce prix pour adresser à tous les éducateurs mes plus vifs remerciements, en tant que ministre de l’Enseignement scolaire et pour leur dire que rien n’est plus importants pour l’avenir de tous ces enfants dont nous avons la charge, que la transmission de la flamme, de l’enthousiasme et du bonheur de savoir.

Merci de votre attention.

Le prix national Louis Germain 1997, pour les élèves de la catégorie 6 à 8 ans est remis par Madame la ministre à Tatiana Labeaupin pour la lettre écrite à son institutrice, Madame Bouleau, de l’école Blaise-Pascal de Nevers.

Le prix national Louis Germain 1997, pour la catégorie des élèves de 9 à 12 ans a été décerné à Frédéric Lebreux, pour la lettre écrite à Madame Sansen, du collège La Maurigny de Saint-Omer.

Dans la catégorie des élèves de 13 à 15 ans, le prix Louis Germain 1997 a été décerné à Tony Lantin, dont la lettre vient d’être lue par Madame la ministre. Tony Lantin est élève dans l’Académie de la Guyane, il n’a malheureusement pas pu être parmi nous aujourd’hui mais je crois que son message a été lu, par vous Madame, et bien sûr son prix et les cadeaux lui seront remis. Tony Lantin a été primé pour la lettre qu’il a écrite à son institutrice, Madame Decamp, de l’école Saint-Joseph, de Cayenne.

Dans la catégorie des 16 à 21 ans, lycéens, le prix 1997 est décerné à Gaëlle Fonlupt, pour la lettre adressée à mademoiselle Castel, son professeur au cours de l’année 1995-1996, qui n’a pas pu être parmi nous aujourd’hui, professeur au lycée Briseux de Quimper.

Et pour la catégorie adulte, le prix Louis Germain 1997 est remis par Madame la ministre à Monsieur Guy Roux-Vilain pour la lettre qu’il a adressée à son professeur qui fut en 1945 et jusqu’en 1947 son professeur en sixième et en cinquième du lycée de Tourcoing.

En ce moment, je suis à la fois étonné et heureux, j’allais dire ravi autant qu’un enfant peut l’être. Ravi comme cet élève de cinquième qui gravissait les marches de l’estrade pour recevoir le prix de français et de latin le jour de la distribution solennelle des prix, au lycée d’État de Tourcoing en 1947. Si les circonstances sont bien différentes, l’émotion est la même et c’est du bonheur vrai pour moi, ici et maintenant, de revivre un souvenir de petit lycéen. J’aimerais dire à mes jeunes compagnes combien l’enfant que je fus, reste aujourd’hui encore, mon plus intime confident et mon meilleur ami. Voilà pourquoi, cinquante ans après, je suis heureux, ému, d’avoir pu exprimer avec mes mots les plus beaux, la reconnaissance toujours vive à l’égard de mon professeur de Lettres, Monsieur François Jaquesson qui, sans le savoir bien, sans qu’il en eût la certitude, me révélait pourtant, et pour toute la vie, le plaisir de l’esprit, me découvrait les chemins de la connaissance, mais plus encore de la confiance.

Madame le ministre, je vous remercie du temps que vous m’accordez, de vos paroles, de ma joie, du prix que vous m’offrez et permettez que je n’oublie pas votre prédécesseur Monsieur François Bayrou, qui eut l’idée de créer le concours Louis Germain. Je vous remercie aussi d’avoir convié Christine, ma femme, à cette cérémonie, et je terminerai en disant combien je me sens timide et un peu confus de me trouver aujourd’hui sur le même banc d’école, dans la même classe, auprès de si jeunes camarades. Auprès de vous j’ai l’impression d’être, aujourd’hui du moins, un vieil élève, tout encombré de son corps et gêné de son âge, particulièrement lent dans le travail d’étude, qui aurait doublé, triplé, quadruplé ces classes, en somme celui que l’on garde par sympathie, pour ne pas lui faire de peine, et dont les professeurs disent avec bienveillance : il apprend peu et lentement, mais il apprend bien. Mais qui sait au fond si je n’ai pas cessé, au long de ma vie de professeur, puis de proviseur, qui sait au fond si je n’ai pas voulu revivre encore et encore mes belles années d’école, mes belles années de lycée, qui sait ?

Je vous remercie de votre, si courtoise, attention.

Monsieur Arnaud Langlois-Murin, directeur général des Éditions Nathan, va remettre aussi des prix aux élèves, les Éditions Nathan s’étant associées avec le ministère pour permettre la publication et la diffusion des plus belles lettres primées à la fois par les jurys académiques et par le jury national.

Arnaud Langlois-Murin : Je vais juste dire un petit mot pour dire combien nous sommes heureux de nous associer à cette initiative. Nous ne sommes pas pour l’ordinaire éditeurs de lettres d’amour, ça n’est pas notre genre, nous sommes plutôt éditeurs d’objets d’apprentissage, mais quand il s’agit de lettres d’une telle qualité, écrites avec tant de passion et de reconnaissance et exprimant la reconnaissance que portent les élèves actuels ou les anciens élèves au corps enseignant, nous sommes naturellement partenaires associés et tout à fait heureux de l’être. Et en plus, pour la part de ceux qui ont écrit les lettres, quelle meilleure motivation d’écrire alors que c’est aujourd’hui justement, et tous les professeurs le savent bien, un des graves problèmes, le problème de la motivation, que de pouvoir exprimer sa reconnaissance, son affection et son amour à ses maîtres, donc à travers ça, ce petit livre que nous avons édité, qui est un recueil des plus belles lettres, restera pour nous un de nos plus beaux livres 1997.


10 décembre 1997

Prix concours de la résistance et de la déportation

Monsieur le ministre, Monsieur le président, Monsieur le gouverneur, mesdames et messieurs, je vous remercie d’être là, je salue également les lauréats qui vont être récompensés et les nombreuses personnalités représentant des associations de résistants et de déportés présents dans la salle. Je salue aussi les professeurs qui ont su affermir la motivation des élèves, guider et nourrir leur réflexion. Je remercie également les chefs d’établissements, pour avoir permis l’organisation de ce concours qui contribue fortement à maintenir vivantes parmi nous les valeurs de la résistance, et j’adresse, bien sûr, toute ma gratitude aux présidents et aux adhérents des fédérations et des associations de résistants et de déportés pour leur inlassable combat au service de la dignité des femmes et des hommes, au service du devoir de mémoire et donc je les remercie pour leur contribution à la formation des jeunes dans nos écoles. Le thème choisi cette année me va directement au cœur, puisqu’il s’agit des « femmes dans la résistance ». Et j’ai envie de dire que le sujet même est une façon de reconnaître que les femmes sont trop souvent oubliées, que leurs luttes et leurs actions, peut-être en raison de leur modestie, ne sont pas retenues par l’histoire. On se fait souvent la réflexion qu’il y a dans tous les villages de France des monuments aux morts pour nos soldats et qu’il n’y a nulle trace de monuments pour toutes ces femmes qui sont mortes dans l’anonymat : femmes mortes de chagrin ou par manque de soins, femmes mortes de faim dans les différents conflits, femmes qui meurent de se sacrifier, tout simplement. Pour ces femmes-là, il n’y a pas de trace, peut-être un jour y en aura-t-il une, peut-être qu’un jour y aura-t-il un monument, peut-être qu’un jour, grâce à ces concours, à cette prise de conscience du rôle des femmes dans ces conflits et dans la lutte pour la liberté, y aura-t-il une reconnaissance visible du rôle qu’elles ont joué. Il y a une tombe du Soldat inconnu. Qu’est devenue la femme inconnue du Soldat inconnu ? Ce serait aussi une question à se poser. Et donc ces femmes, en rentrant dans la résistance pour défendre la liberté, l’ont fait, ne l’oublions pas, avant même de se voir reconnaître par cette même société des droits égaux à ceux des hommes : elles n’avaient pas le droit de vote. Mais, au fond, c’est peut-être tout simplement parce que les femmes résistent, quel que soit l’endroit où elles se trouvent, et que partout, au-delà de leur engagement dans les mouvements de résistance en tant que tels, même celles qui ne se sont pas engagées formellement dans ces mouvements où leurs consœurs l’ont fait avec tant de courage, ont résisté à leur niveau ; et l’on connaît l’importance de la « résistance psychologique » pour tenir tête à l’occupant : continuer à élever ses enfants, à les nourrir malgré l’oppression et la peur constituent une forme de résistance modeste, au jour le jour, qu’il faut savoir reconnaître aux femmes. Nos jeunes lauréats l’ont bien compris ; ils se sont rendu compte que les femmes ont conquis leur autonomie en combattant la barbarie au nom de la vraie vie. Les femmes savent, en effet, pour avoir été privées trop longtemps de leurs droits, que la vie ne vaut rien sans liberté et sans dignité, ces valeurs supérieures à la vie, à la vie qu’elles donnent. Et les femmes qui ont choisi de résister se sont d’abord engagées, au péril de leur vie, pour des raisons universelles, au nom de l’humanité. Sous l’occupation nazie, il n’y avait plus d’innocence possible, et choisir de ne pas choisir, c’était encore faire un choix. L’urgence de la situation a poussé ces femmes à prendre leurs responsabilités. Être condamné à être libre, telle était la situation paradoxale de ces femmes qui en choisissant leur camp décidaient aussi de promouvoir une certaine idée des hommes. Et si ce concours est, à nos yeux, aussi important dans l’enseignement scolaire, c’est parce que les jeunes ont à mon sens besoin de modèles pour grandir et la connaissance de l’histoire permet notamment à chacun et à chacune de sentir ce qu’il doit à l’humanité, ce qu’il a d’humain en lui-même. En parcourant vos copies, j’ai pu sentir combien l’admiration que les jeunes d’aujourd’hui éprouvent pour leurs aînés est un sentiment qui élève et qui fortifie combien l’admiration est une vraie puissance d’éducation, qui tire vers le haut, incarne une forme de générosité. C’est cette capacité à s’enthousiasmer qui nous fait agir, penser, réfléchir et progresser. À cet égard, si l’histoire est une discipline essentielle à l’école, c’est plus encore par la conscience qu’elle promeut que pour le savoir qu’elle prodigue. Conscience d’une solidarité à travers les âges – et vous tous dans cette salle en êtes la preuve –, conscience de l’appartenance à l’humanité en marche qui s’accomplit grâce aux efforts consentis, grâce au courage déployé par les hommes et par les femmes. Et c’est parce que le témoignage vivant d’un homme et d’une femme est sans doute plus efficace encore qu’un discours abstrait, qu’il me paraît essentiel de généraliser à tous les établissements de France des rencontres entre les jeunes élèves et les résistants, les combattants, les internés, les déportés. Ils ont un devoir de témoignage, nous avons besoin de leur parole. Et c’est pourquoi je propose de réserver, d’ici à la fin de cette année scolaire, une demi-journée consacrée à des débats sur le thème de la résistance, de la déportation, de la solidarité entre les générations. Cette préoccupation fait, à mes yeux, partie intégrante de ce que j’ai annoncé récemment en Conseil des ministres, à savoir l’établissement partout, à tous les échelons de la vie, de la maternelle à la terminale, d’une instruction civique, d’une éducation à la citoyenneté et à la morale des comportements. Tous les témoignages de ceux qui ont encore envie de transmettre aux jeunes la connaissance de ce qu’ils ont vécu, de ce qu’ils ont souffert fait partie intégrante de cette éducation à la citoyenneté et, je compte donc sur les générations de résistants, de combattants, d’internés, de déportés, pour donner encore tout ce qu’ils veulent donner aux différentes générations d’élèves qui n’ont pas encore eu la chance d’avoir un contact avec leurs témoignages vivants. Je veux intégrer ces témoignages vivants à un enseignement concret, de l’instruction civique, de l’histoire. C’est sur ce devoir de mémoire que je veux insister. Être jeune aujourd’hui, c’est résister à l’oubli, résister au recouvrement de la mémoire, et je m’adresse à vous lauréats de ce concours qui n’êtes pas dans l’urgence historique du choix. Lutter contre le recouvrement de la mémoire face au risque persistant de dérives négationnistes ou révisionnistes, c’est se soumettre au devoir de ne pas oublier, c’est entendre ce cri qui n’en finit pas, de ceux qui, dans la nuit noire du camp, dans les froids matins du maquis, dans les rangs de l’armée des ombres, se sont découverts exilés au sein du monde des hommes, cherchant pourtant à faire refluer la foule anonyme et indifférente. Parce que le résistant est celui et celle auquel vous devez aujourd’hui votre liberté, parce qu’il a su dans la souffrance toujours, dans la solitude du cachot souvent, dans les affres de l’abandon parfois, croire au progrès de l’humanité, refuser la chosification de l’homme et la banalisation du crime, Parce qu’il nous regarde encore, par-delà les années, avec son visage tuméfié et ses lèvres scellées malgré les tortures, nous lui devons cet hommage. C’est un hommage en premier lieu aux femmes résistantes, mais aussi à tous les résistants, qui est ici aujourd’hui rendu et, à travers eux, à la citoyenneté. Et c’est ce mot, je crois qui nous unit aujourd’hui et qui porte l’éducation à tous les âges, je le redis, car, même tout petit, chacun peut apprendre beaucoup et notamment découvrir ceux à qui on doit la simple liberté d’aller à l’école. Et donc cet hommage, loin d’être englouti dans le fracas de l’histoire, reste éternel dans son acte de résistance, pour une France libre, pour des Français et des Françaises heureux et surtout pour une école consciente de ses devoirs et de sa mission. Aussi je vous remercie tous pour la contribution essentielle que vous apportez aujourd’hui à cette mission de l’école.