Texte intégral
La Voix du Nord : Monsieur le ministre, une partie des enseignants de collèges et lycées s’est mise en grève la semaine dernière. Vous avez affirmé que c’était une grève « sans motif ». Qu’entendiez-vous par là ?
Claude Allègre : « A mon avis, il y avait plus de subjectivité que de réalité dans les motifs invoqués pour cette grève. Il n’y a, en effet, aucun projet en cours qui puisse en quoi que ce soit léser l’intérêt des enseignants. Mais le droit de grève est pour moi un droit que je respecte… »
La Voix du Nord : En mettant l’accent sur leur absentéisme, en estimant que la formation doit se faire hors du temps d’enseignement ne craignez-vous pas de vous couper du corps enseignant et d’en décourager certains ?
Claude Allègre : « Les absences des cours sont hélas une réalité tragique, 12 % de cours du secondaire ne sont pas assurés, ce qui est énorme. N’oubliez pas que 1 %, dans le secondaire, c’est 80 000 enfants qui sont touchés !
Les causes des absences sont multiples et beaucoup sont dues à une mauvaise organisation, notamment parce que le système est trop centralisé dans sa gestion. Ma volonté est de réduire ces absences à zéro. Service public, cela veut dire service du public, en l’occurrence ici, service des enfants ! »
La Voix du Nord : Certains vous trouvent bourru et excessif. D’autres apprécient votre franc-parler et votre intention de « dégraisser le mammouth ». Comment définiriez-vous la « méthode Allègre » ? Où voulez-vous en venir ?
Claude Allègre : « Je ne descends pas de vélo pour me regarder pédaler ! Ce n’est pas à moi à commencer ma méthode. Je crois que ce qui a surpris, c’est que j’ai rétabli l’idée de l’école républicaine, c’est-à-dire, l’école de tous et non pas l’école des seuls enseignants, même si ces derniers en sont, bien sûr, des éléments essentiels. »
La Voix du Nord : Vous voulez déconcentrer la gestion des enseignants… Irez-vous jusqu’à régionaliser leur recrutement ?
Claude Allègre : « Non. Les recrutements des professeurs de collège et lycée, CAPES et agrégation resteront nationaux. »
La Voix du Nord : Quel premier bilan tirez-vous du dispositif de lutte contre la violence qui concentre des moyens dans deux secteurs de l’académie de Lille. Avez-vous l’impression de progresser dans ce domaine ?
Claude Allègre : « Nous progressions même vite, mais il est encore trop tôt pour tirer un bilan. Rendez-vous dans trois ou quatre mois. »
La Voix du Nord : On vous prête beaucoup d’intentions… Va-t-on vers une suppression du baccalauréat en tant qu’examen national ?
Claude Allègre : « Cette idée est pour moi totalement ridicule. Non seulement, je ne veux pas supprimer le bac mais je veux renforcer son caractère national, en donnant le même sujet pur toute la France. »
La Voix du Nord : Vous venez d’engager les lycées dans une consultation nationale. Que peut-elle apporter que vous ne sachiez déjà ?
Claude Allègre : « Le questionnaire a été conçu et réalisé par Philippe Mérieux et le groupe de professeurs qui entoure. Si je connaissais d’avance ce que pensent les élèves, les enseignants, les parents, les chefs d’entreprise, les savants sur le lycée, je n’aurais pas demandé à Philippe Mérieux et Edgard Morin de lancer un grand débat national !
D’ores et déjà, les premiers résultats du questionnaire lycéen m’apprennent que le malaise des jeunes est beaucoup plus profond et sérieux que ce que je pensais.
Ecouter, consulter ce n’est jamais inutile quand on veut réformer, remobiliser et entraîner. »
La Voix du Nord : Les suppressions de classes suscitent la grogne dans une académie où les difficultés sociales sont réelles. Ne pouvait-on les éviter ? Pensez-vous que les effectifs des classes influent sur l’égalité des chances ?
Claude Allègre : « Nous avons maintenu le nombre d’enseignants constant alors que le nombre d’élève décroît de plus de 50 000 ? Ce qui veut dire que nationalement, l’encadrement va s’améliorer. Mais l’évolution démographique n’est pas identique partout.
Ainsi, le Nord va voir ses effectifs d’élèves diminuer de plus de 5 000 alors que les Bouches-du-Rhône sont encore en croissance. Il est donc nécessaire de répartir un peu, mais nous avons évité les gros transferts. Ainsi, pour le Nord, l’administration centrale nous proposait, d’enlever 300 postes. Avec Ségolène Royal nous en avons sauvé 270 !
Il faut que chacun soit raisonnable… »
La Voix du Nord : Les emplois-jeunes tiennent-ils leurs promesses ?
Claude Allègre : « Ils sont en train d’introduire une révolution majeure dans l’éducation nationale. Désormais, les enseignants seront à la fois des pédagogues et des animateurs d’équipes. »
La Voix du Nord : Quel sera le prochain grand chantier de Claude Allègre ?
Claude Allègre : « Avant d’ouvrir de nouveaux chantiers, il faut terminer ceux qui sont ouverts. »
La Voix du Nord : Vous venez sur les terres de Michel Delebarre. Pensez-vous qu’il ferait un bon président de région ?
Claude Allègre : « Michel Delebarre est l’un des meilleurs hommes politiques français de sa génération. Je le connais et l’apprécie depuis longtemps. »