Texte intégral
Bonjour à tous, merci d’être là un samedi matin, pour cette journée de travail sur « les langues et les langages ». Je vais être assez brève dans cette première intervention, j’aurai l’occasion de vous parler à nouveau au cours de la journée, pour vous dire simplement dans quel esprit nous avons organisé cette rencontre. D’abord je tiens à préciser qu’il y en aura d’autres ; je souhaite qu’une telle rencontre se renouvelle régulièrement et la prochaine aura une dimension européenne et internationale parce que je crois qu’il est très important de confronter les expériences de différents pays européens, les problèmes auxquels les systèmes éducatifs font face, d’échanger les expériences, les réflexions, les savoirs et les pratiques.
Cette journée de travail a pour objectif de déboucher sur des actions. Ce n’est pas seulement le plaisir à être ensemble qui nous réunit pour réfléchir à des sujets qui nous intéressent les uns et les autres ; notre préoccupation commune, c’est de déboucher sur des actions visant à modifier et à améliorer l’efficacité du système scolaire. Je dirais, en guise de constat, que le système scolaire fonctionne bien, que l’école élémentaire fonctionne bien, mais qu’elle peut fonctionner mieux. Et j’aborde ce problème des difficultés devant les langages et devant la lecture avec beaucoup de modestie parce que je connais l’histoire des différents « plans lecture » initiés par le ministère, de tous les efforts déployés, du travail quotidien réalisé par les éducateurs dans les classes et, par conséquent, je considère qu’il y a déjà un socle très solide de réflexion et d’action, mais que, comme pour toute personnalité politique en charge d’une action gouvernementale, je dois œuvrer à ce que les choses marchent mieux et aillent de l’avant. Donc je ne pars pas d’un constat catastrophiste, – ce qui serait d’ailleurs une mauvaise base de départ pour l’action –, mais je pars d’un constat plutôt positif de l’efficacité de l’école par rapport à la masse des élèves qu’elle accueille et du chemin parcouru depuis le siècle dernier, mais en même temps je regarde vers le siècle prochain et je me dis qu’autour de l’école les conditions de scolarisation changent, qu’elles renforcent les difficultés du système scolaire, qui a lui tout seul ne peut pas résoudre tous les problèmes, mais qu’il peut y contribuer aussi largement. Donc je fais le constat que, autour de l’école, la situation est plus difficile, à cause du chômage, à cause de la déstructuration des structures traditionnelles, qui font souffrir les enfants, et que cette souffrance-là a un impact sur le système scolaire. Il doit donc à la fois prendre en charge une partie de ces difficultés-là, y répondre, s’y adapter, et relever sans cesse le défi de faire progresser, en ce qui concerne l’école élémentaire, de plus en plus d’enfants et, si possible tous les enfants. J’énoncerai donc mon objectif éducatif pour l’école élémentaire, en ces termes : que tous les enfants puissent arriver en classe de sixième en maîtrisant correctement le langage et la lecture. Il reste cependant les enfants qui sont déjà dans les classes suivantes et pour lesquels il faut aussi réfléchir à des actions de rattrapage, par rapport à des carences liées à la lecture, à l’écriture, à la maitrise du langage et l’articulation avec la civilisation de l’écrit, mais nous avons aussi à travailler dès la source de l’éducation des enfants, c’est-à-dire dès l’école maternelle, et vous savez que dès ma nomination je me suis attachée à redonner à l’école maternelle un nouveau souffle, à la considérer comme école à part entière, mais aussi à lui accorder les moyens nécessaires pour l’aider à accomplir ses missions. Et je pense que l’une des réponses aux problèmes qui nous préoccupent se trouve à l’école maternelle et en particulier dans la maîtrise du langage.
Ensuite je crois qu’il faudra que nous débattions aujourd’hui des problèmes de l’évaluation des enfants et de l’utilisation qui en est faite ; ces évaluations bénéficient, en effet, d’une tradition de travail, de mise au point, donc nous avons des outils intéressants pour faire évoluer les choses.
Voilà, je vous ai dit tout à l’heure que je ne serais ni exhaustive ni très longue. Je voudrais quand même remercier tous ceux qui sont ici présents, tout le réseau des pédagogues, des spécialistes, les directeurs d’IUFM, les représentants des associations, les éditeurs de livres, et naturellement les services de mon ministère, le ministère de la culture, je remercie Pef qui nous a fait des dessins très intéressants. Je remercie également tous ceux qui vont animer ces tables rondes, qui vont prendre la parole, à la tribune ou dans la salle, les animateurs des tables rondes, Jean Hebrard sur les pédagogies des langages, Patricia Martin sur les thèmes concernant la littérature et le plaisir d’apprendre – un thème essentiel sur lequel je reviendrai –, Michel Zorman et Michel Fayolle pour la table ronde sur les enfants en difficulté de lecture et Alain Bentolila qui conclura.
Je voudrais vous dire aussi que tout le réseau concernant la maîtrise des langages à travers toutes les académies de France constitue à mes yeux un terrain d’appui important que je souhaite revivifier ; je vais donc être attentive à la meilleure façon de remobiliser l’ensemble des acteurs de terrain sur cet objectif éducatif essentiel que je considère comme une de mes priorités. Et c’est la raison pour laquelle j’ouvre cette journée de travail, sous le signe d’un engagement, celui d’un pacte social avec le pays, par rapport à ce que peut apporter le système éducatif et en particulier l’école maternelle, l’école élémentaire, l’école primaire et tous les réseaux qui l’animent. Donc je suis en situation d’écoute par rapport à ce que vous allez dire car cela va me permettre, à la fin de cette journée, de préciser les thèmes qui mériteront d’être approfondis en fonction des pistes qui seront dégagées ; il s’agit donc d’une journée de travail qui aura des étapes ultérieures. Les rencontres « langues et langages » auront lieu tous les deux mois, avec à la fois des étapes régionales, dans un souci de rapprochement avec le système scolaire, et une étape à dimension européenne et internationale parce que cette articulation à mon avis entre la réflexion, la confrontation des méthodes, des actions et des connaissances et les pratiques quotidiennes dans les classes est fructueuse et peut nous permettre de dégager rapidement ensemble, à travers notre travail commun, les pistes de réflexion et d’action ; dès que nous aurons clarifié les objectifs, les moyens, les méthodes et les actions, en restant au plus proche des acteurs de terrain, je pense qu’il en résultera des décisions gouvernementales très opérationnelles.
Voilà en quelques mots un panorama non exhaustif d’un certain nombre de pistes qui me permettent de vous livrer mon état d’esprit en ce début de journée, la façon dont je conçois l’efficacité du travail qui nous rassemble, les perspectives qui suivront cette journée de travail et surtout la préoccupation opérationnelle de nos échanges. Je vous remercie de votre attention.
Je voudrais remercier tous ceux qui étaient là ce matin, ceux qui sont restés vaillamment cet après-midi aussi. Merci de donc de votre contribution à ce travail de réflexion, qui va se poursuivre. Je tiens aussi à remercier les élèves du lycée professionnel BTS action commerciale de Paris XV qui ont assuré votre accueil, ils l’on fait parfaitement, j’espère que nous aurons ainsi un peu contribué à leur formation professionnelle. Et puis je voudrais vous dire aussi que nous allons approfondir un certain nombre de thèmes abordés tout au long de cette journée et constituer des groupes de travail autour de ces thèmes pour accélérer le travail commence, la réflexion engagée, déboucher sur des actions ; je souhaite, en effet, traduire le plus rapidement possible dans les faits et les instructions au système scolaire les impulsions nouvelles a donner pour faire reculer les inégalités devant la maîtrise de langage et l’apprentissage de la lecture, sans laisser de côté les bons élèves, ceux qui veulent aller de l’avant, car il est très clair dans mon esprit que le système scolaire doit s’occuper de tous les élèves, mais il veut donner plus à ceux qui ont le moins. Dans la relance des zones d’éducation prioritaire que j’ai entamée et qui va également s’accélérer, j’aurai bien évidemment aussi l’occasion d’aborder les problèmes relatifs à la maîtrise du langage et à la lecture, parce que je pense qu’ils sont essentiels dans le cadre de la lutte contre l’échec scolaire. Je crois qu’on est dans un pays qui ne peut pas accepter que pour un enfant tout se joue entre six et dix ans. Et les enfants ont très tôt conscience de cette inégalité-là : ils savent bien que, s’ils sont en difficulté par rapport à la lecture, ils n’iront jamais jusqu’au baccalauréat par exemple ; et ce sentiment intériorise d’échec scolaire conduit aussi à des phénomènes de violence, au sein de l’école, à des refus de l’institution scolaire. Il appartient donc à notre mission fondamentale de faire reculer l’échec devant la lecture et devant la maîtrise des langages, sans se désintéresser pour autant des élèves qui veulent aller plus vite : c’est un chantier de réflexion que j’ai aussi ouvert, car on ne doit pas accepter que des élèves s’ennuient à l’école, que l’ensemble des rythmes des élèves soit uniformisé et il faut que l’école réponde aussi à l’envie des élèves qui veulent aller plus vite, et non pas à l’envie des parents qui veulent que leurs enfants aillent plus vite, c’est bien souvent là qu’est la difficulté. Il y a un autre chantier que nous devons ouvrir ensemble : lorsque que les enfants sont en situation de demande par rapport à la lecture, il faut que l’école maternelle réponde ç cette demande, à condition que ceux des élèves de la grande section de maternelle qui ne sont pas en situation de demande par rapport à la lecture ne soient pas considérés comme des enfants en retard. Voilà toute la difficulté du dispositif : donner à l’école la légitimité de faire des pédagogies différenciées, sans qu’elles conduisent des pédagogies de la discrimination. Il faut donc reconnaître que chaque enfant évolue à son rythme, de façon non homogène par rapport aux différentes matières ; nous sommes bien à un tournant : l’école a répondu au formidable défi de la massification, elle a réussi à le relever, et les chiffres que vient de citer Alain Bentolila sur l’illettrisme en sont la preuve. Maintenant, grâce à tout un travail et aux outils d’évaluation notre disposition, je crois que l’école a les moyens de s’engager sur du sur-mesure, sur des contrats de réussite élève par élève. Elle s’y engage, on s’y engage dans les zones d’éducation prioritaire, on s’y engage ailleurs, des équipes pédagogiques s’y engagent aussi et c’est cette intention-là que j’ai envie d’encourager dans le système scolaire en lui donnant les moyens, en redonnant la légitimité aux équipes pédagogiques qui font déjà cela dans leurs classes, pour qu’on aborde le siècle prochain avec une vision d’une école qui a réussi à relever le défi qui lui avait été fixé jusqu’à la fin de ce siècle, et que l’on commence le siècle prochain, non pas en s’éloignant de l’école pour tous, mais en considérant qu’on a maintenant la capacité de réussir des contrats de parcours individualises avec chaque élève. Donc ce défi-là, nous avons entre nos mains les moyens de relever ce défi-là, le chantier que nous poursuivons aujourd’hui y contribue. Comme je l’ai dit tout à l’heure ces rencontres « langues et langages » auront lieu tous les deux mois, la prochaine aura une dimension européenne ; je crois qu’il faut se fixer peut-être une échéance à l’automne pour avoir le temps de faire venir des spécialistes internationaux. Il y aura aussi des dimensions régionales par rapport à ces différents thèmes que nous avons abordés aujourd’hui mais que je souhaite voir approfondis, donc je vais choisir les académies en fonction du travail accompli selon leurs « spécialités » ; il faut donc que vous m’y aidiez, il faut répartir les tâches de la façon la plus judicieuse, caler assez rapidement un programme de travail et, au fur et à mesure de la maturation des thèmes, je prendrai des décisions d’inflexion et d’impulsion par rapport au système scolaire. Voilà ce chantier qui est devant nous, merci d’avoir contribué à l’ouvrir, merci d’être restés tout au long de cette journée et merci de ce que vous allez continuer à faire. Je compte sur vous dans les semaines et dans les mois qui viennent.