Déclaration de M. Marc Vilbenoît, président de la CFE-CGC, sur les réformes nécessaires à l'Agirc notamment améliorer la communication, Paris le 2 décembre 1997, publiée dans "Encadrement magazine" de janvier 1998.

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Circonstance : Assemblée générale de l'Agirc à Paris (CNIT) le 2 décembre 1997

Média : Encadrement magazine

Texte intégral

« La situation des cadres évolue certes avec l’organisation économique et sociale, mais la spécificité du travail qualifié d’expertise ou de management des entreprises demeure et demeurera »

Ce titre provocateur s’étalait, il y a peu en première page d’une lettre d’information.

Pour être excessive, l’interpellation mérite cependant qu’on s’y arrête, car la retraite des cadres ne peut être traitée à la légère et nous en sommes collectivement et solidairement responsables.

4 300 000 cadres ou conjoints sont concernés par les retraites servies par l’AGIRC, qui représentent en moyenne 40 % de leurs retraites totales.

Certes, le régime est confronté à des difficultés sévères, nous ne le méconnaissons pas : allongement de la durée de vie en retraite, raccourcissement de la phase d’activité, individualisation des politiques salariales, ces phénomènes sont généraux.

D’autres sont plus spécifiques aux cadres, l’effet de noria qui remplace les cadres quinquagénaires par des plus jeunes moins payés ou sous-classés et la recherche systématique d’évasion des cotisations sociales. Mais, certains y ajoutent une prédiction catastrophique d’extinction des cadres et y prennent prétexte pour pronostiquer la disparition de leur régime de retraite.

La fin des cadres, je n’y crois pas. Je ne crois pas la disparition annoncée d’un groupe pivot dans la croissance économique, dans l’évolution des technologies et dans l’adaptation à la complexité de nos sociétés développées.

L’importance croissante du tertiaire supérieur, la progression de l’immatériel (information, communication), le développement des fonctions d’élaboration de systèmes, celui de la recherche et développement, le besoin d’innovation et de création dans les domaines de la haute technologie… autant de facteurs et bien d’autres encore, qui convergent pour conforter le besoin et l’existence d’un encadrement adapté aux nouvelles organisations des entreprises et capable de dominer l’innovation et le changement.

« Car le problème de l’AGIRC, s’il a ses spécificités, n’est pas isolé. Il s’inscrit dans un contexte global : celui du coût de la retraite dans notre pays. »

La situation des cadres évolue certes avec l’organisation économique et sociale, mais la spécificité du travail qualifié d’expertise ou de management des entreprises demeure et demeurera.

D’autres excipent de l’existence d’une solidarité entre l’AGIRC et l’ARRCO pour prôner la fusion inéluctable des deux régimes.

La solidarité des cadres avec tous les salariés est ancienne. Elle existe depuis plus de 20 ans avec l’affiliation des cadres au sein de l’ARRCO jusqu’au plafond.

Les cadres, dans les périodes où ils bénéficiaient d’une meilleure croissance de leurs effectifs et de leurs salaires, ont largement contribué aux équilibres des opérations. Il serait paradoxal de les en remercier en les privant de leur régime de retraite quand la situation se retourne et les flux financiers changent de sens.

Rappelons aussi que ce qui met l’AGlRC en difficulté particulière, c’est que le plafond de la Sécurité sociale, qui définit la borne inférieure, du périmètre salarial du régime des cadres, a augmenté beaucoup plus vite que leur rémunération.

Autrement dit, sans que la distribution des salaires et la spécificité de la rémunération des cadres soient substantiellement modifiées, la partie de leur rémunération qui finance la retraite AGIRC ne cesse de se contracter au profit de la partie qui finance la solidarité interprofessionnelle au sein de l’ARRCO et du régime général.

Ce sont les conditions institutionnelles de partage entre mutualisation générale et mutualisation inter catégorielle, du risque vieillesse qui sont en cause. La réponse cherchée au travers de la fusion avec l’ARRCO, au-delà des arrière-pensées de pouvoir ou de la satisfaction d’intérêts particuliers, ne serait ni complète ni efficace.

Pour qu’elle soit complète, il faudrait avoir l’honnêteté intellectuelle d’aller jusqu’au bout de la démonstration et réclamer aussi la fusion avec le régime général vieillesse (la CNAVTS) pour donner naissance à ce régime unique et obligatoire qui figurait dans les objectifs du législateur en 1945 et, plus tard, dans un certain programme commun dont je constate que l’abandon provoque encore vingt ans après, bien des nostalgies.

Pour qu’elle soit efficace, source de gains d’échelle, il faudrait avoir le courage et la volonté de remettre en cause l’adhésion des entreprises auprès des caisses, et là il ne s’agit pas des flux, le recrutement des entreprises nouvelles, mais des stocks pour répondre à l’objectif : UNE ENTREPRISE, UNE CAISSE. Vaste programme disait quelqu’un…

Alors qu’aujourd’hui, selon une récente enquête de l’AGIRC, 38 % des entreprises ont affilié les cadres et les non-cadres dans les caisses d’un même groupe et qu’une fois sur deux la caisse AGIRC d’adhésion n’est pas dans le même groupe que la ou les caisses ARRCO.

Alors de grâce, ne mettons pas la charrue avant les bœufs pour préconiser des solutions illusoires avant d’avoir creusé suffisamment les problèmes et apprécié efficacité et inconvénients des solutions possibles qui, de toute manière, demeureront partielles.

Car le problème de l’AGIRC, s’il a ses spécificités, n’est pas isolé. Il s’inscrit dans un contexte global : celui du coût de la retraite dans notre pays.

Si les évolutions en cours se prolongent, elles ne suffiront pas à garantir la poursuite de l’équité interprofessionnelle et intergénérationnelle, fondement de nos régimes, Et les retraites obligatoires par répartition devront, dans l’avenir, concilier le souhait d’acquérir une retraite proportionnée à l’effort contributif de chacun et l’exigence d’une solidarité assurant chacun contre un certain nombre de risques personnels et professionnels (maladie, disparition des entreprises, chômage, cessation anticipée d’activité).

Seule une mutualisation réformée des ressources peut satisfaire à ce double objectif. L’important n’est pas que cela passe par une extension de la solidarité financière entre l’AGIRC et l’ARRCO, ou par une redéfinition des périmètres de chaque régime, l’essentiel est que la population des salariés du secteur privé continue de bénéficier de retraites complémentaires représentatives de la diversité des carrières salariales, sans un nivellement par le bas qui ne profiterait qu’à ceux qui rêvent de régimes sociaux réduits à une assistance minimale aux plus démunis.

C’est donc la question du financement des régimes, si la matière cotisable ne cesse de se contracter quand la richesse produite et la valeur ajoutée globale augmentent, qui est posée.

C’est la question de l’affectation des, prélèvements pour la retraite complémentaire, pour que les générations qui cotisent aujourd’hui gardent confiance en leur retraite future.

C’est la question des règles de mutualisation des ressources et des charges, pour que l’efficacité individuelle d’une opération retraite se conjugue avec l’équité collective gui doit perdurer. Sa nécessité ne peut être que renforcée par l’accélération de la mobilité et les aléas qui caractériseront de plus en plus les carrières des cadres.

Ces réflexions, les négociateurs les auront tous en tête lorsque le moment étant venu, ils se retrouveront avenue Pierre 1er de Serbie autour de la table de négociation. Si c’est encore là qu’elle se passe !

Mais, notre Assemblée générale doit aussi nous donner l’occasion de nous centrer sur nos responsabilités au quotidien de gestionnaires de la retraite des cadres en tant qu’administrateurs des institutions ou de l’AGIRC.

Les administrateurs ont une double mission. Outre leur responsabilité naturelle de suivi de la qualité de gestion de la retraite des cadres et d’appréciation de l’opportunité des choix et développements au sein des groupes, (sujets que le président Rio développera ultérieurement), ils ont aussi celle d’être les avocats du régime, veillant à ce que les institutions jouent efficacement leur rôle de relais de communication du régime auprès des cadres et des entreprises.

J’ai déjà abordé ce sujet avec certains d’entre vous lors de la « Journée des présidents » au mois de juin. Il me semble important de vous faire part à tous de nos préoccupations et des objectifs définis en commun au sein du bureau de l’AGIRC.

La retraite complémentaire en répartition a des atouts sérieux mais oubliés dans l’inquiétude et le scepticisme ambiants. Notre régime est porteur de valeurs partagées avec les régimes de même nature : sa vocation sociale, sa mission d’intérêt général, son mode de fonctionnement qui permet une solidarité entre les générations (actifs et retraités), entre les représentants d’une même génération, une large mutualisation du « risque » (prise en charge des périodes chômage et maladie), ainsi qu’une solidarité interprofessionnelle qui s’exprime au travers de la compensation financière entre les institutions et permet aux salariés des secteurs en difficulté de sauvegarder leurs droits à la retraite. Le mode de gestion paritaire garantit un arbitrage permanent entre les intérêts des différentes parties prenantes. Mais l’AGIRC réunit en outre des apports qui lui sont propres.

Le régime de retraite des cadres est un régime conçu « sur mesure » par les cadres et pour les cadres. Il est le seul à assurer une couverture vieillesse sur la partie du salaire située au-dessus du plafond de la Sécurité sociale assurant sur cette tranche le double rôle de régime de base et de régime complémentaire. Avec ses institutions, il s’est doté de véritables outils de pilotage, outils de gestion mais aussi outils de prévisions.

Il s’attache également à promouvoir un service de qualité, répondant aux attentes des entreprises, des cadres et des retraités, et à l’améliorer comme l’attestent les grands chantiers mis en œuvre par le régime : transferts, reprises des carrières, mise en valeur commune du produit AGIRC, informations des participants et des entreprises ainsi que le souci de simplifier les démarches des entreprises (DUCS-DADS-CRC) et de mieux les informer (nouveaux supports).

« Assurer l’homogénéité des messages et la cohérence de la communication du régime au travers de tous ses relais et ses supports, en optimisant ses coûts, tel est l’objectif que nous nous sommes fixé. »

Ces atouts sont réels. Alors pourquoi souvent perçoit-on ou ressent-on de l’extérieur un manque de cohérence, une tonalité incertaine, une absence de synergie ? On doit aussi se poser la question : pourrait-on faire mieux pour le même coût global ?

Ce n’est pas par manque d’instruments de communication. Sur les quarante- trois institutions du régime :
– toutes adressent une revue à leurs retraités de une à quatre fois par an ;
– 80 % adressent une information à leurs actifs.

Mais la diversité des émetteurs et l’hétérogénéité des messages, éventuellement leur contradiction, brouillent cette communication et ne contribuent pas à construire l’image du régime.

Assurer l’homogénéité des messages et la cohérence de la communication du régime au travers de tous ses relais et ses supports, en optimisant ses coûts tel est l’objectif que nous nous sommes fixé.

« Nous n’avons ni à rougir de nos retraites obligatoires en les dissimulant ni à accepter que d’autres activités s’avancent masquées derrière elles. »

Pour y répondre, l’AGIRC a engagé de nombreuses actions qui accompagnent ou encadrent ces objectifs :
– La mise en forme du produit « retraite des cadres » qui se décline au travers de documents administratifs communs, qui accompagnent le cadre tout au long de sa vie professionnelle et de sa retraite. Certains sont prêts et utilisables dès le 1er janvier, d’autres sont en cours d’élaboration ou de mise en œuvre. Certificats d’affiliation, livret d’accueil, relevé annuel de compte, récapitulatif de carrière doivent, tout comme le décompte de paiement des retraites, concourir à une image forte et cohérente de notre régime.

Ce produit sera complété par des « messages » régimes à insérer dans les revues des institutions.

– La mise en œuvre de nouveaux services à disposition de tous les cadres par les institutions : c’est le serveur vocal, outil d’information pour les retraités et, aux troisième trimestre 1998, l’évaluation retraite pour les cadres actifs.

– La mise au point d’argumentaires pour les collaborateurs du régime en début d’année. Un programme de formation développé par le centre de formation continue de l’AGIRC les accompagne. La diffusion et l’envoi, dès la fin de cette année, à tous les collaborateurs des institutions ou des groupes de la « Navette », journal d’information trimestriel, permettra aussi de contribuer à expliciter les décisions, à resituer la réglementation dans son contexte, à informer des projets, à valoriser la participation des institutions.

Une attention toute particulière est donc portée à ces relais d’opinion importants que représentent le personnel des caisses et les administrateurs pour lesquels de nouveaux outils d’appui sont en cours d’évaluation.

Les messages souffrent peut-être d’un manque de visibilité du régime et d’un manque de conviction des relais. Mais ils sont souvent brouillés par la multiplication des produits, des objectifs et des communications transversales. Multiplicité des messages, périodicité différente ou aléatoire, redondances, niveaux qualitatifs variables sont réalité courante.

A cet égard nous devons légitimement nous positionner vis-à-vis des interrogations, voire de l’incompréhension, de notre population face à cette confusion des genres. Une charte d’utilisation du nom de la Retraite des cadres doit être définie, afin d’identifier ce qui est clairement du ressort du régime et d’en préserver les intérêts moraux.

Mais nous devons aussi nous interroger sur le coût et l’efficacité de cette communication dont nous ne savons pas exactement qui en assume le financement (la retraite, l’action sociale, la prévoyance…).

Le problème n’est pas nouveau mais il prend une ampleur inégalée en se compliquant.

Dans des temps anciens, on constatait qu’un même « vendeur », l’agent d’assurance, démarchait les entreprises pour leur proposer la retraite obligatoire, et en même temps des produits d’assurance clairement identifiés (prévoyance, retraite supplémentaire) et certains s’en étonnaient déjà. Oserais-je dire que les choses étaient simples ?

Aujourd’hui, dans le domaine de la protection sociale, sous la double enseigne :
– le parapluie devrais-je dire peut-être du paritarisme et de la retraite obligatoire, la mode est au développement de « produits libres » au sein des groupes.
Un effort de clarification s’imposera dans l’intérêt général.

Nous n’avons ni à rougir de nos retraites obligatoires en les dissimulant ni à accepter que d’autres activités s’avancent masquées derrière elles.

En résumé, notre communication doit répondre à trois principes :
– être offensive et ne pas se cantonner au genre strictement défensif ;
– réaffirmer nos valeurs éthiques, notre rôle économique et social, notre mission d’intérêt général ;
– diversifier et personnaliser les messages en fonction des destinataires

et mettre en œuvre trois axes de travail :

– homogénéiser – et non unifier – la communication au niveau du régime ;
– renforcer la cohérence des messages ;
– développer l’efficacité de chacun des vecteurs utilisés.

Nous avons pour souci que l’identité de la retraite AGIRC soit claire, que les collaborateurs du régime dans les groupes, contacts naturels avec les entreprises et les cadres, aient les moyens d’être des relais efficaces et que l’ensemble des administrateurs, avec les directeurs de nos institutions, puissent agir en ce sens.

C’est aussi une condition de la pérennité des retraites complémentaires en général, et de celle des cadres en particulier et notre responsabilité commune.

4 300 000 bénéficiaires du régime des cadres comptent sur nous !

Même si nous n’en parlons pas tous les jours, pensons-y sans cesse.