Interview de M. Yves Cochet, député porte-parole des Verts, dans "La Croix" du 19 mars 1998, et déclaration de M. Yves Cochet et Jean-Luc Bennahmias, secrétaire national des Verts, le 18 mars 1998, parue dans "Vert Contact" du 21, sur les résultats des élections régionales et cantonales de mars, notamment sur la perte de la région Nord-Pas-de-Calais par Les Verts compensée par plusieurs vice-présidences.

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Circonstance : Résultats des élections régionales et cantonales du 15 mars 1998

Média : La Croix - Vert contact

Texte intégral

La Croix le 19 mars 1998

- Les écologistes avaient 209 élus à l’issue du scrutin de 1992, ils en ont 74 aujourd’hui dont 70 pour vous, les Verts. Vous ne présiderez plus le Nord-Pas-de-Calais. L’échec électoral pour l’écologie politique est probant…

Yves Cochet : Non, si je suis amer, je ne suis pas, pour autant, négatif. En ce qui concerne le Nord-Pas-de-Calais, les Verts ont considéré que le score atteint par Marie-Christine Blandin était loin d’être suffisant pour prétendre disputer la région à Michel Delebarre. Ce retrait, nous l’avons décidé démocratiquement, en précisant que nous serions très vigilants sur le contenu de la politique menée par les socialistes nordistes.
Surtout, nous n’avons pas voulu nous cristalliser sur une seule région. Désormais, nous avons des élus partout. Ce qui n’était pas le cas en 1992. Et puis, ces élections régionales ont démontré que les Verts représentaient la seule formation écologiste crédible dans le pays. Il y a six ans, Génération Écologie nous contestait ce leadership. Plus aujourd’hui.

- En échange du retrait de Marie-Christine Blandin, vous avez obtenu du PS des vice-présidences. Combien et où ?

Au moins une dans chacune des régions que la gauche plurielle présidera. Soit une dizaine. Plus trois en Île-de-France et trois dans le Nord-Pas-de-Calais.

- Quelles conséquences auront ces élections régionales et cantonales sur la place des Verts au sein de la gauche plurielle ?

Au vu notamment des résultats des régionales où nos listes autonomes sur 37 départements réalisent une meilleure moyenne que celle de Dominique Voynet en 1995 et au vu des résultats du premier tour des cantonales (NDLR : 7,66 % en moyenne sur 732 cantons où les Verts se présentaient), j’affirme que notre influence politique dans le pays n’est pas loin de celle du PCF. Nous sommes sans conteste le troisième parti de la majorité plurielle, mais juste derrière le deuxième. Notre responsabilité est désormais partout engagée : des mairies au gouvernement en passant par les assemblées départementales, régionales et nationale.

Vert Contact le 21 mars 1998

L’affirmation que l’écologie
c’est Les Verts

Lors des élections régionales, dimanche 15 mars, la majorité plurielle a confirmé son succès des élections législatives de l’an dernier. Par rapport à 1992, les gains sont nets en nombre de sièges de conseillers régionaux et de Régions qui basculent de notre côté. Si ces gains (Séguin ?) ne permettent pas de pavoiser, il faut néanmoins affirmer que, sous la cinquième République, c’est la première fois que des élections territoriales advenant moins d’un an après des législatives ne se traduisent pas par une sanction du gouvernement. Les gauches et Les Verts sont parvenus ainsi à conforter localement la politique qu’ils mettent en œuvre nationalement. La droite, déboussolée en 1997, le demeure en ce début 1998, tandis que le Front national est globalement stagnant.

L’abstention — près de 42 % — est forte et complexe. Elle traduit d’abord un ras-le-bol de la manière politique : « Tous les ingrédients étaient réunis pour transformer un rendez-vous électoral en désastre civique », estime un abstentionniste banlieusard dans Le Parisien (17/03). L’abstention est aussi plus de droite que de gauche, comme si l’intériorisation d’une défaite annoncée, alliée à une image de la droite en chantier incertain, avait dissuadé une partie de l’électorat traditionnel de celle-ci. Enfin, la défection abstentionniste des voix de la majorité plurielle par rapport à 1997 indique sinon une méfiance, du moins une attente : « Je ne vois pas encore les effets positifs de leur politique nouvelle, donc je ne me déplacerai pas ce dimanche ». Au-delà de ces traits conjoncturels, se pose la question de la croissance de l’abstention chronique, maladie des démocraties modernes, qui ne parviennent plus à intéresser au débat public les écœurés définitifs ou les exclus de la citoyenneté, qui ne perçoivent ni les différences de projets, de propositions et de réalisations entre les coalitions alternant au pouvoir, ni même les résultats d’une action politique quelconque : « La politique ne résout pas mes problèmes, je ne m’intéresse plus à elle ». La misère est l’ennemie du civisme.

LA STRATEGIE DES VERTS

Comme nous le savions, la proportionnelle biaisée des élections régionales sur base départementale a favorisé les listes d’union. La stratégie de recherche d’alliances avec la gauche partout où cela était possible nous a donc permis d’engranger une majorité d’élus, tandis que nos 37 listes Vertes et ouvertes ont réalisé un bon score moyen (5,5 %) malgré une récolte faible en sièges (cf. les résultats détaillés dans Vert-Infos n° 11). Le total de 70 conseillers régionaux actuels sera sans doute augmenté d’une dizaine dans quelques semaines ou mois, lorsque certaines places seront libérées par quelques partenaires cumulards invétérés.

En plein accord avec Les Verts du Nord - Pas-de-Calais, qui ont décidé ensemble, lundi 16 mars, de ne pas revendiquer la présidence de cette région, nous avons recherché et obtenu du PS la meilleure répartition des fruits de notre participation à la réussite commune : une vice-présidence dans toutes les régions gagnables, trois vice-présidences dans le Nord - Pas-de-Calais et en Ile-de-France. Partout, nous cogérerons les régions avec nos partenaires, pour transformer les politiques publiques dans le sens du développement durable.

LES ELECTIONS CANTONALES

Mieux encore que les régionales, les 732 candidatures vertes aux cantonales ont réalisé un score moyen de 7,7 % que l’on peut estimer représentatif de notre poids électoral sur l’ensemble du territoire. Ce chiffre montre à quel point nous avons reconquis une crédibilité entamée au début des années 90 par la confusion au sein de la mouvance écologiste. C’est d’ailleurs une démonstration supplémentaire que nous devions faire et qui a été réalisée ce 15 mars : l’écologie politique, c’est Les Verts. Troisième parti de la majorité plurielle — non loin du second, tout compte fait —, Les Verts doivent désormais composer ensemble les trois dimensions de leur originalité politique : tenir leurs responsabilités dans les institutions où ils (elles) sont élu(e)s, s’engager encore et toujours dans les luttes contre les dominations, dessiner par leurs idées la vision d’un monde soutenable et… désirable.