Texte intégral
Messieurs les ministres, Mesdames et Messieurs,
Je voudrais d'abord vous remercier d'être présents si nombreux.
J'ai à mes côtés l'ambassadeur de France, le chef de mission, M. Forceville et l'ensemble des experts qui ont travaillé du côté français à la réalisation des documents de la commission mixte et le représentant de la Caisse française de développement.
Nous sommes quelques jours après la venue à Paris, dans les excellentes conditions que vous connaissez, du Président de la République d'Haïti. Les contacts ont été, je le rappelle, extrêmement fructueux notamment avec le Président de la République française, Jacques Chirac.
Ce n'est peut-être pas le fruit du hasard si, avec beaucoup de cohérence, trois semaines après, je suis parmi vous pour signer l'essentiel de ces conventions.
La coopération française reprend avec Haïti dans de très bonnes conditions puisqu'a été réalisée il y a plusieurs mois l'élection d'un Président de la République, puis de son successeur, au suffrage universel.
Dans la logique de la coopération française, où que ce soit dans le monde, la nécessité d'un État de droit démocratique est essentielle, et je suis très heureux de constater à quel point en Haïti la préoccupation concernant le mode de désignation des gouvernants est respectée.
Nous avons travaillé depuis quelques jours dans différents domaines.
Le principal domaine de la coopération concerne la sécurité et l'État de droit, non pas pour se faire « plaisir » en disant que l'État de droit est essentiel, mais en considérant l'État de droit comme un outil : c'est un des outils fondamentaux du développement.
On ne peut pas envisager, que ce soit en Afrique ou dans les Caraïbes, le développement économique sans le préalable d'un État de droit parce que les investisseurs privés exigent, et c'est bien normal, la sécurité et parce que les populations elles-mêmes sont sensibles à l'État de droit qui signifie la liberté d'aller et venir, la liberté d'expression et la liberté d'association, en particulier concernant les organisations non gouvernementales qui sont l'expression de cette liberté d'association.
Nous passons donc de l'idée d'aide humanitaire à celle de développement.
La justice, l'enseignement, la formation sont des points importants. Je pense en particulier à la formation des cadres administratifs, qu'il s'agisse de l’administration centrale ou de différentes autres administrations, notamment celles du secteur de la santé.
J'insiste également sur les voies tracées concernant la culture et notre civilisation commune qu'est la Francophonie. De ce point de vue, je voudrais remercier le gouvernement d'Haïti ainsi que son Président pour l'aide qui a été apportée à la création et à la reconstruction, en un nouveau lieu, d'un centre culturel qui, je l'espère, pourra être inauguré à l'occasion du centenaire de Port-au-Prince.
Voilà en quelques mots ce que je tenais à vous dire.
Ce retour de la coopération française s'inscrit par ailleurs dans une action internationale puisque la France est considérée comme un pays expert dans certains domaines, notamment le domaine de la sécurité, et je voudrais rendre hommage à tous ceux qui, en Haïti, travaillent au sein de la force internationale, que ce soit notre police ou notre gendarmerie.
Q. : (Demande de précisions sur la nature des conventions signées)
R. La première convention concerne la santé publique, la deuxième, les finances publiques, la troisième, la lecture publique et celle souscrite pas la Caisse française de développement concerne la production agricole et l'élevage porcin.
Peut-être souhaitez-vous les montants de ces conventions ?
Je voudrais signaler que cela correspond à des chiffres importants. Mais l'esprit de la coopération n'est pas que quantitatif et est partagé par les autorités françaises et les autorités haïtiennes. Il est évident que, si dans le cours de ces conventions, un certain nombre d'aménagements doivent être effectués, ils seront pris en compte.
Mais ne fixer la coopération que sur des chiffres relève d'un esprit plutôt simpliste alors que la coopération a ceci de fort de ne pas être qu'un exercice comptable. Elle est bien plus que cela.
De plus, que se cache-t-il derrière un chiffre ? S'il est possible de faire mieux avec des sommes inférieures, il faut choisir ces sommes inférieures car des montants nettement supérieurs peuvent être moins bien utilisés.
En fait, ce qui importe, c'est la qualité du travail des experts et des hommes qui vont traduire ces chiffres en réalité pour les populations. C'est pourquoi nous sommes très attachés à la formation des hommes.
Ainsi, les ministres sont à la tête d'administrations qui ont l'honneur et la grandeur de mettre ces chiffres en œuvre.
Un point très important de notre coopération est donc de former des cadres intermédiaires de manière que les chiffres que je vais vous citer soient utilisés au mieux, et éventuellement que les ministères chargés de mettre en route ces dotations publiques puissent faire mieux avec moins.
Nous partons sur les bases suivantes : en matière de santé publique, 8 millions de francs, en matière de finances publiques, 4 millions, de lecture publique, 7,5 millions et, concernant la convention de la Caisse française de développement, 10,5 millions de francs, notamment pour la filière porcine.
Voilà donc quelques chiffres qui vous permettent de mesurer l'ampleur de l'effort français.
Les Français connaissent la place qu'Haïti tient dans cette région du monde et l'histoire des rapports entre Haïti et la France. Cela correspond donc à une de nos traditions et, surtout, à une de mes espérances pour l'avenir.
La coopération française, en effet, n'est pas seulement liée au continent africain mais aussi à un certain nombre d'autres pays, dont Haïti et, par ma présence ici, je montre que la coopération est présente partout.
Mais, dans le cœur de la coopération française, Haïti tient un rôle particulier.
Q. : Est-ce que la commission mixte franco-haïtienne va pouvoir continuer ses travaux ?
R. : Tout à fait. Au-delà de la signature de ces conventions, un certain nombre de principes ont été définis pour l'avenir, en particulier pour les trois prochaines années.
Je voudrais indiquer que cela ne se conçoit qu'en dynamique. Une coopération n'est valable que s'il y a un suivi année après année, même si je n'ai parlé que d'exercices budgétaires et de chiffres annuels.
Mais ne nous arrêtons pas à ces chiffres et à une action annuelle et envisageons les choses en dynamique.
Pour les trois années à venir, nous avons donc jeté les bases de la coopération. Je peux vous donner un chiffre correspondant à ces trois ans, mais c'est un chiffre que je qualifierais d'aléatoire. Pourquoi ?
D'abord parce qu'il correspond à une évaluation effectuée aujourd'hui. Dans les trois ans qui viennent, un certain nombre d'événements nous feront peut-être envisager le développement ou, au contraire, l'extinction de certains domaines... Ce sont des choses que l'on actualise tous les jours, pas toutes les années.
Une autre réalité est que ces chiffres concernant les trois prochaines années correspondent à une évaluation de la situation des finances publiques françaises aujourd'hui. En revanche, mais je ne sais pas ce que seront demain les finances publiques de la France.
Si la gestion budgétaire de la France est rigoureuse au cours des trois années à venir, nous pouvons envisager une enveloppe, en fonction bien sûr de tous les aléas de l'actualité, d'environ 500 millions de francs, chiffre à prendre avec beaucoup de précaution. Il ne faudra pas me reprocher dans trois ans d'avoir dépensé 499 ou 501 millions parce que cela ne voudra rien dire. Nous allons essayer d'atteindre cet objectif. Mais cela dépend de facteurs qui aujourd'hui m'échappent, et échappent à la maîtrise du gouvernement français.
Q. : (Concernant l'augmentation de la coopération et le fait qu'elle ait été coupée en 1991)
R. : Il faut comparer ce qui est comparable. Nous partons d'une situation où, en raison des événements, il n'y avait quasiment pas de coopération française. Nous repartons sur des bases tout à fait nouvelles, et je n'envisage donc pas de comparaison d'une année sur une autre.
Mais, dans certains domaines, l'augmentation de l'intervention française sera considérable. Je ne prends qu'un exemple : les possibilités de bourses et de formations pour les jeunes Haïtiens seront nettement augmentées.
Q. : (Augmentation de la coopération française dans trois ans)
R. : Je l'espère. Vous citez un chiffre précis de 400 millions et vous l'opposez à un chiffre qui est aléatoire. Je souhaiterais que vous ne compariez que ce qui est comparable.
Q. : Vous avez parlé de formation des cadres...
R. : J'ai évoqué la formation des cadres dans plusieurs domaines et en particulier dans le domaine administratif. Haïti, comme tous les pays, a une superstructure administrative, mais il existe souvent un certain nombre de difficultés au niveau des opérateurs et de ceux qui appliquent les instructions, ce qui nous oblige à envisager la formation de ces cadres intermédiaires. Il faut également parler de la formation pour de « vrais métiers ». Je voudrais à ce propos rendre hommage à tous ceux qui font ce type de formation et qui, sur le terrain, participent au développement : par exemple, dans le métier du bâtiment, dans l'agriculture, ou dans le domaine dans la santé publique.
Monsieur le ministre vient de remercier l'effort que la France fait dans le cadre de l'Union européenne. En effet, on ne peut pas dire qu'il y a la France d'un côté et l'Union européenne de l'autre. Nous sommes un des principaux membres de l'Union européenne ; à laquelle nous cotisons dans des proportions très élevées.
Concernant le développement, il faut dire que cette venue en Haïti survient quelques jours après le sommet du G7 de Lyon. Hier, lorsque j'ai rencontré le Président de la République d'Haïti, je lui ai porté un message personnel du Président de la République française qui était le compte-rendu du sommet de l'Union consacré au développement. Ce n'est le fruit du hasard si ce sommet des pays industrialisés a eu trait au développement. Dès l'arrivée à la présidence de la République française de M. Jacques Chirac, deux décisions importantes ont été prises : la première était d'indiquer aux partenaires européens que le huitième fonds européen de développement devait au moins atteindre son niveau précédent, alors que les projets qui étaient en cours connaissaient des diminutions très importantes.
L'une des premières missions que j'ai accomplies sur les instructions du Président français a été de négocier le 30 juin à Bruxelles la signature entre les pays dits ACP et l'Union européenne. Nous avons en quelque sorte sauvé les termes du développement entre l'Union européenne et les pays en développement.
Une deuxième action de la France s'est exprimée lors du sommet du G7 d'Halifax au cours duquel le Président français a défendu l'idée qu'il fallait que le prochain G7, celui qui a eu lieu à Lyon il y a quelques jours, soit consacré au développement. Jusqu'au sommet de Lyon, les experts français et des autres pays dits développés ont donc beaucoup travaillé et échangé pour que le G7 de Lyon soit consacré à ce sujet. Cela a été un succès collectif et c'était la première fois que le président de la Banque mondiale, le directeur général du FMI et le secrétaire général des Nations unies se sont rendus à ce sommet Leur préoccupation a été plus qu'exaucée puisque dans les conclusions du sommet de Lyon, se trouve l'essentiel de la politique que vont mener les pays les plus développés pour aider les pays en développement.
Q. : (Situation de la P ROP ARCO)
R. : La PROPARCO, qui est principalement liée aux petites et moyennes entreprises va s'engager. Ainsi les infrastructures indispensables seront mises en place par la PROPARCO. La CFD va intervenir sur l'élevage porcin.
Concernant les investisseurs et les entreprises privées, l'expérience prouve que l'État est un bon garant mais pas toujours un bon gérant.
L'appel au secteur privé est une des priorités de mon ministère. Je l'ai exprimé à Paris il n'y a pas très longtemps, et cela est parfaitement accepté dans l'ensemble des pays où nous intervenons.
Le secteur privé s'adresse plutôt au secteur productif et n'est pas obsédé par l'ampleur de l'administratif. Or, pour s'assurer la distribution des richesses dans une population, il faut d'abord produire, et l'activité du secteur privé en ce domaine est essentielle.
Q. : Quelle est la valeur de ces accords ?
R. : La valeur réelle est la confiance que nous avons.
Q. : (inaudible)
R. : Nous ne prenons pas la main des entreprises privées. Mais si la situation continue à s'améliorer en Haïti, si la sécurité est assurée, si la justice est garantie, si un dispositif d'État de droit est mis en place, on ne peut avoir que de bonnes surprises en matière d'arrivées d'entreprises privées. Tout dépend donc, non pas de moi, mais de la situation à venir.
Q. : (inaudible)
R. : Lors de la visite du Président Préval à Paris, une rencontre importante avec le secteur privé français a été organisée pour montrer une nouvelle image d'Haïti. Cet exercice a porté ses fruits dans l'esprit de ceux qui ont rencontré le Président et son équipe gouvernementale. De plus, un fait nouveau ne peut qu'encourager les investisseurs : la COFACE va apporter sa garantie à ceux qui voudront s'installer ou travailler avec Haïti.
Q. : (Aide publique au développement)
R. : Le plus possible et, dans ce domaine, la France est le pays qui augmente le plus son taux de PNB. Mais je suis un peu surpris qu'on ne parle que quantitatif, non pas que je veuille diminuer les efforts des uns et des autres, mais il faut considérer que d'importantes dépenses effectuées pour l'aide publique au développement peuvent ne rien apporter.
L'aide publique et la coopération cherchent avant tout à changer et améliorer la vie des gens. Ce ne sont pas des colloques qui coûtent très cher en experts dans des hôtels climatisés, avec des avions climatisés, des voitures climatisées. Le développement, c'est changer la vie des gens dans les quartiers et dans la zone rurale. Dans notre projet, il y a précisément des améliorations de la vie dans les quartiers. Je suis allé récemment dans des pays où, avec des sommes relativement modestes, on a bouleversé la vie des gens par un assainissement local, par une adduction d'eau, par l'installation d'un centre de soins ou d'un dispensaire, et par la construction d'un marché pour que la population puisse venir échanger des biens de production et des biens agricoles. Des efforts relativement modestes peuvent changer la vie des gens. Je vous demande donc instamment, mais sans vouloir échapper à l'exercice sur les montants et les pourcentages, d'imaginer la qualité des dossier que nous conduisons.
Je définis la notion de crise par l'expression suivante : la crise, c'est lorsque quelque chose est mort, et que ce qui doit naître pour lui succéder a du mal à naître. Grâce à notre accord et à la commission mixte, j'ai le sentiment que ce qui va naître naîtra dans un délai beaucoup plus bref. Nous sommes donc là pour réduire l'état de crise virtuelle.
Voilà à quoi sert la coopération. Elle permet de tourner la page sur une époque et de s'engager dans une situation meilleure et ressentie comme telle par la population. Il faut qu'au lendemain de ces accords, la population sente que quelque chose a véritablement changé pour elle. Il ne s'agit donc pas que d'un problème de chiffres, de virgules et de décimales. C'est un état d'esprit que je suis venu offrir.
Q. : (Réformes économiques menées par le Président Préval)
R. : J'ai entendu parler de modernisation de l'économie. J'avais entendu il y a quelques mois l'expression de « démocratisation des entreprises ». J'emploie parfois l'expression d’« ouverture du capital des entreprises au plus grand nombre » Je crois que cela fait partie des réformes économiques fort utiles. Ne serait-ce que par expérience, je peux dire que les déficits coûtent beaucoup plus chers que ces chiffres eux-mêmes.