Interview de M. Yves Cochet, porte-parole des Verts, à RTL le 12 mars 1998 et éditorial de M. Jean-Luc Bennahmias, secrétaire national des Verts, dans "Vert Contact" du 7 mars 1998, sur la campagne électorale des Verts et de la gauche plurielle pour les élections régionales de mars 1998, sur la présidence de la région Nord-Pas-de-Calais par Marie-Christine Blandin et sur les relations des Verts avec la gauche plurielle.

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Circonstance : Elections régionales du 15 mars1998

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL - Vert contact

Texte intégral

Vert Contact - 7 mars 1998

Étonnante, cette campagne électorale qui, en dehors des états-majors politiques locaux ou nationaux, n'a jusqu'à maintenant intéressé qu'un fort petit nombre de nos concitoyens. Il nous reste donc une semaine pour convaincre, pour faire œuvre de pédagogie citoyenne sur l'importance des prérogatives des Conseils régionaux et généraux.
Mais ne boudons pas notre plaisir. Nous pouvons d'ores et déjà être satisfaits. Les Verts sont présents aux régionales dans 93 départements sur 95, ainsi qu'à la Guadeloupe et à la Réunion. Nous nous présentons aux cantonales dans plus de 700 cantons de l'hexagone sur 1950 renouvelables. Nous tenons des centaines de réunions publiques sur l'ensemble du territoire.
Nous le savons, de l'ampleur des scores que nous réa liserons, du nombre d'élu(e)s que nous obtiendrons dépendra le poids politique de notre ministre, de nos député(e)s et du mouvement tout entier... Ces quelques jours sont donc déterminants pour motiver l'ensemble de nos réseaux. Bon courage, nous allons réussir.
 

RTL le jeudi 12 mars 1998

Jean-Pierre Defrain : Affichez-vous la prudence à quelques jours des régionales, ou êtes-vous plutôt confiant sur la victoire de la gauche ?

Yves Cochet : "Je suis enthousiaste. Je crois que, comme tout le monde, j'ai fait beaucoup de meetings, de unions publiques. Il y a beaucoup de monde, le gens y croient, il faut changer toutes ces régions qui sont actuellement gouvernées par la droite."

Jean-Pierre Defrain : Il faut changer, mais F. Hollande estime que la victoire dans cinq régions serait un succès. C'est un minimum, ou la gauche plurielle peut faire mieux, selon vous ?

Yves Cochet : "La gauche plurielle, bien entendu, avec les Verts y compris ; j'espère qu'elle fera mieux. Naturellement, il ne faut pas se démobiliser à trois jours du scrutin, et donc il faut appeler les électeurs à participer massivement au scrutin de dimanche."

Jean-Pierre Defrain : Avec les Verts, vous venez de dire. Est-ce que ces élections sont pour les Verts l'occasion de tester la qualité de leur partenariat avec le PS ?

Yves Cochet : "Oui, doublement. D'une part, parce qu'en fait, dans à peu près un tiers des départements, nous avons des listes Vertes autonomes, et donc nous sommes en concurrence avec les autres, mais en concurrence loyale ; et d'autre part, parce qu'au soir du 15, et puis le lendemain, il faudra voir selon le nombre de régions que la gauche plurielle a gagné, de quelle manière nous arrivons à participer ensemble aux exécutifs. Et nous mettons évidemment en avant le fait que M.-C. Blandin, actuelle présidente de la région Nord-Pas-de-Calais, doit demeurer présidente de la région Nord-Pas-de-Calais."

Jean-Pierre Defrain : On va revenir sur le cas Blandin. Mais simplement, sur ce que vous venez de dire, la répartition des présidences de régions doit selon vous répondre à la logique d'alliance, être le reflet de la majorité plurielle ?

Yves Cochet : "Oui, certainement. Je crois qu'il y a différents partis dans cette majorité. Certes, le PS est le plus important, mais les autres doivent, puisqu'ils ont participé à la victoire, je l'espère, de dimanche, pouvoir bénéficier également de la responsabilité, c'est-à-dire de pouvoir co-gouverner ou gouverner des régions avec tous les partenaires."

Jean-Pierre Defrain : C'est-à-dire que le PS ne doit pas rafler la totalité des régions ?

Yves Cochet : "Bien entendu."

Jean-Pierre Defrain : Venons-en au cas de Mme Blandin. Si la majorité est parvenue à de nombreuses listes uniques dans certaines régions, il y a donc cette exception dans le Nord-Pas-de-Calais, où le socialiste M. Delebarre est candidat à la présidence détenue par Mine Blandin. Pour l'instant, vous en faites, paraît-il, un casus belli ?

Yves Cochet : "C'est un mot qui a été prononcé par Mme Voynet. Moi, je reprendrai une nécessité pour le fait que dans toutes les autres régions, il y ait des bons accords, à la fois de gouvernement, et puis finalement de mise en oeuvre de politiques communes."

Jean-Pierre Defrain : C'est une nuance par rapport à la position de...

Yves Cochet : "Casus belli, c'est simplement parce que je suis pacifiste, donc je ne prononce pas ce mot-là. Ceci étant dit, c'est une condition vraiment nécessaire."

Jean-Pierre Defrain : Et dans votre esprit alors, "casus belli" ou sous une autre expression, ça veut dire quoi ? Elle quitte le Gouvernement, vous boudez ?

Yves Cochet : "Ça veut dire qu'au soir du 15, dans quelques jours, on va discuter avec tous les partenaires de la majorité, le PS en tête ; et puis on va regarder quel est l'état des lieux en ce qui concerne le nombre de régions qui sont basculables dans la majorité nationale. Je pense, j'espère qu'il y en aura même plus d'une dizaine et que dans ce cas-là, il est complètement légitime que M.-C. Blandin reste à la tête du Nord-Pas-de-Calais."

Jean-Pierre Defrain : Certes, mais je lisais tout à l'heure que N. Mamère avait déclaré que lui, il menaçait carrément de représailles les socialistes d'Aquitaine si Mme Blandin ne retrouvait pas son fauteuil.

Yves Cochet : "C'est ce que je vous dis ; il y aura une négociation nationale."

Jean-Pierre Defrain : Mais là, pour lui, c'est une menace. Un marchandage ?

Yves Cochet : "Non, appelons ça un partage bien compris des fruits de la victoire."

Jean-Pierre Defrain : La victoire est acquise ?

Yves Cochet : "Non, non. De nouveau, et derechef, j'appelle les électeurs à venir voter pour les listes de la majorité plurielle le 15 mars prochain, bien entendu. Mais ceci étant dit, d'après les indications aussi bien populaires qu'on a sur les marchés ou dans les réunions publiques - certains sondages que nous n'avons plus depuis quelques jours puisque c'est interdit -, moi je suis encore une fois très enthousiaste parce que ça va rééquilibrer le pouvoir de la droite qui est excessif dans ces régions."

Jean-Pierre Defrain : Est-ce qu'en Franche-Comté, la gauche n'est pas trop plurielle ? On a Chevènement, Voynet, Moscovici, à tel point qu'on part là-bas, si j'ai bien compris, et les envoyés spéciaux qui sont aussi allés sur place, on parle plus politique que dossiers régionaux - comme l'abandon du Canal Rhin-Rhône et le TGV-Est, des sujets qui fâchent...

Yves Cochet : "Là, ce sont des sujets qui sont à la fois régionaux certes, territorialement, mais en fait d'une politique nationale. Le Canal Rhin-Rhône, c'est définitivement abandonné, il ne sera pas construit. Quant au TGV-Est, je crois qu'il y a un compromis à trouver entre M. Chevènement et Mme Voynet. C'est plus sur le tracé, peut-être le matériel roulant, mais pas sur le principe de TGV-Est. Cela dit, en effet, c'est une région avec beaucoup de ministres et donc très riche en acteurs politiques. Et je pense que c'est une région qui va revenir à la majorité. Et on verra bien qui gouverne la région dans une huitaine de jours."

Jean-Pierre Defrain : On a un peu le sentiment que, souvent les Verts sont plus proches de l'extrême-gauche que du PS sur certains dossiers, comme l'affaire des chômeurs. Plus en pointe...

Yves Cochet : "Non, on n'a jamais été extrêmes en quoi que ce soit, simplement on a des principes qu'on essaie de traduire dans une politique concrète, quotidienne, à l'échelon national, communal, régional. Il se trouve que pour les chômeurs - je pense que le PC aussi -, il se trouve que ce mouvement de revendications est légitime. Le fait de vouloir réclamer un relèvement des minima sociaux, le fait de réclamer évidemment une application - la plus rapide possible - des 35 heures, c'est tout à fait légitime. R. Hue le dit, D. Voynet le dit, je le dis aussi. Peut-être que c'est une manière pour nous d'aider L. Jospin et M. Aubry à mettre en œuvre une politique."

Jean-Pierre Defrain : Ces élections ont un enjeu local, mais pour vous c'est une importance nationale ?

Yves Cochet : "Bien entendu, qui le nierait ? Je crois que même la droite s'en rend compte, et ils vont beaucoup réfléchir la semaine prochaine à leur défaite, non pas annoncée, mais qu'il faut concrétiser dans l'élection de dimanche prochain."