Texte intégral
Défense (globale et évolutive)
Q : Monsieur le Premier ministre, comment concevez-vous la défense de la France ?
R : La réponse va de soi ; la politique de défense ne se conçoit aujourd’hui que de manière globale, dans ses différentes dimensions militaires, économiques et politiques.
Q : La défense doit-elle s’inscrire dans une vision à long terme qui implique continuité et cohérence ?
R : La préparation de l’outil militaire requiert du temps : la formation des hommes, les programmes de recherche et de développement, les fabrications d’équipements ne se conçoivent que dans la durée. Mais, sur le long terme, plus que la continuité, c’est la cohérence entre des missions, par nature évolutives, et des capacités qui doivent s’adapter qui importe. Ainsi, les années 1990 se caractérisent en France par une adaptation graduelle de notre outil de défense à la nouvelle donne géostratégique. J’entends d’ailleurs mener à son terme, au cours de cette législature, cette nécessaire évolution.
Esprit civique
Q : Le « Rendez-vous citoyen » est abandonné pour une nouvelle formule. Croyez-vous vraiment que vingt-quatre heures suffiront à inculquer un esprit civique ?
R : Le projet de loi sur le service national prévoit de multiples occasions de contact entre les citoyens et la défense du pays : d’abord au sein de l’éducation nationale, puis au travers du recensement, enfin au cours de l’appel de préparation à la défense, qui concernera également les jeunes filles.
Budget 1998
Q : À quelle limite pensez-vous fixer la réduction du budget de la défense ?
R : Le projet de loi de finances pour 1998 a été adopté en conseil des ministres le 24 septembre. Le ministre de la défense, comme d’autres administrations, participe à l’effort de maîtrise des dépenses publiques, sans que soient remis en cause les choix stratégiques de la loi de programmation.
Sécurité intérieure
Q : Avec la réduction du format des armées, comment pourra être assurée la défense du territoire ou la défense sur le territoire (exemple : Vigipirate) ?
R : La protection du territoire national et de ses approches demeure une mission essentielle des forces armées et un objectif constant de notre politique de défense. Les actions qui relèvent de la sécurité intérieure reviennent en priorité aux forces de police et de gendarmerie. Le concours de l’armée à des opérations de sécurité intérieure ou pour des missions de service public est circonstanciel et limité dans le temps. La réduction du format des armées ne leur interdira donc pas de participer si nécessaire aux actions de sécurité sur le territoire.
Programmes industriels (examen)
Q : La réduction des crédits de la défense a pour effet un étalement ou un glissement des commandes avec pour conséquences un surcoût des programmes et un sous-équipement de nos forces. N’allez-vous pas, être conduit à abandonner un programme majeur ?
R : Nous devons gérer aujourd’hui, dans un contexte général de réduction de l’effort de défense, les conséquences du lancement quasi simultané à la fin des années 1980 de plusieurs programmes importants. C’est une situation délicate, l’étalement des commandes étant peu satisfaisant sur les plans militaire et budgétaire. L’abandon pur et simple de programmes engagés depuis une dizaine d’années s’apparenterait à une gabegie et serait en outre préjudiciable aux armées comme à l’industrie. En revanche, des réductions de cibles sont possibles et la suppression de programmes non encore lancés doit être examinée.
Défense européenne (industrie)
Q : En matière d’industries de défense, la rivalité des pays européens peut-elle se poursuivre face aux concentrations et à la politique commerciale des États-Unis ? Le développement en Europe d’une base industrielle et technologie de défense n’est-il pas la condition d’un dialogue entre l’Europe et les États-Unis ?
R : Lors du discours que j’ai prononcé au salon du Bourget, peu après mon arrivée à Matignon, j’ai appelé de mes vœux la concentration de l’industrie européenne et en particulier une restructuration des pôles aéronautique et électronique.
Face à la concurrence américaine, cette concentration et la constitution d’une base industrielle et technologique de défense qui en découlera, sont indispensables, et participeront, en effet j’en suis convaincu, au rééquilibrage du dialogue entre l’Europe et les États-Unis.
Politique étrangère et de sécurité commune
Q : La politique étrangère et de sécurité commune, prévue au traité de Maastricht, est-elle un objectif du Gouvernement éventuellement à partir d’un noyau dur motivé ?
R : L’objectif de mon Gouvernement est de progresser sur la voie d’une politique étrangère et de sécurité commune et de renforcer de façon progressive et pragmatique la coopération institutionnelle et opérationnelle entre Européens dans le domaine de la défense.
OTAN
Q : Comment faire évoluer l’OTAN pour donner à l’Europe une place équitable alors que nos alliés européens sont souvent réservés ?
R : En dépit des progrès enregistrés, nous avons constaté à Madrid que le rééquilibrage des institutions et l’affirmation de l’identité européenne de sécurité et de défense au sein de l’organisation Atlantique était difficile à concrétiser. Dans de telles conditions, il est apparu que la France ne pouvait aller plus avant dans le réexamen de sa position quant à l’organisation intégrée. Nous restons bien entendu disponibles pour poursuivre le dialogue avec nos partenaires et alliés.