Texte intégral
RTL : La classe politique face au Front national, une nouvelle loi était-elle nécessaire ?
P.-A. Wilzer : On peut en discuter en long, en large et en travers. Je ne suis pas convaincu qu’une nouvelle loi soit nécessaire mais si on me démontre que juridiquement, il y a des trous dans la législation actuelle, alors, en effet, pourquoi pas. Il me semble que le problème n’est pas principalement là. J.-M. Le Pen a franchi un nouveau seuil. On avait dit qu’il avait franchi des lignes blanches déjà à plusieurs reprises, là, je trouve que ses déclarations sur l’inégalité des races ont dépassé le niveau de l’inacceptable. C’est vraiment du domaine du monstrueux parce qu’inégalité des races, cela mène tout naturellement à la race supérieure. Cela fait penser tout naturellement – et je pense que comme J.-M. Le Pen n’est pas dépourvu d’un minimum d’esprit, il en a conscience – cela mène tout naturellement à des thèses, des idéologies que l’on a entendues juste avant-guerre. C’était en Allemagne. Elles ont été reprises en Europe et ont déclenché la peste brune. Cela mène à des monstruosités, à la haine raciale. Donc, je crois que le combat à mener est un combat, bien sûr, politique mais aussi un combat sur les valeurs, c’est-à-dire qu’il y a des Français qui, pour des tas de raisons, sont amenés à voter pour le Front national et je crois qu’aujourd’hui, quand même, ils devraient être interpellés parce que l’on est en train de les manipuler. On est en train d’utiliser leur mécontentement, leurs difficultés, leur colère éventuellement, pour les entrainer sur des chemins qui sont ceux du racisme, du totalitarisme. Et là, je pense que vraiment, pour des gens qui se disent attachés aux valeurs de la patrie, de la République, aux valeurs civiques et morales, il y a vraiment une interpellation majeure. Je crois que nous avons peut-être trop déserté, nous, les vraies valeurs. Il faut aujourd’hui, peut-être réinvestir ce terrain-là. Il faut aussi que nous combattions franchement, à visage découvert, le Front national et ses thèses.
RTL : Unanimité de condamnation de la classe politique mais dimanche dernier, progression des scores du Front sur le terrain des élections cantonales.
P.-A. Wilzer : C’est cela qui est inquiétant, je dirais même qui est effrayant ! Chaque fois qu’il commet une nouvelle agression à ces valeurs, finalement J.-M. Le Pen a l’impression qu’il engrange un résultat électoral. Et là, je pense que tous les Français, tous ensemble, et notamment les électeurs qui se laissent séduire par ce genre de discours doivent vraiment réfléchir avant qu’il ne soit trop tard.
RTL : Et dans ce débat, l’idée d’A. Juppé d’envisager un peu de proportionnelle pour les législatives ?
P.-A. Wilzer : C’est un débat qu’on peut avoir mais, à mon avis, pas justement en le raccrochant à la discussion que nous avons maintenant, parce que s’il s’agit, en effet, de faciliter l’entrée dans les institutions de la République, de personnages qui sont en train de défendre des thèses qui sont complètement contraires à l’idée de la République et à toutes les traditions de la France, franchement, moralement, ça devient inacceptable. Donc, je pense que le problème de la réforme du mode de scrutin se pose, mais il doit se poser à froid, avec le délai nécessaire, le consensus nécessaire. Relié à l’actualité de ces jours-ci, il est pollué par cet événement.
RTL : Le Gouvernement présentera demain le budget 97. Le débat sur la baisse des impôts a relancé certaines interrogations dans la majorité. Elle va comment, cette majorité, pour vous ?
P.-A. Wilzer : Écoutez, la majorité, je trouve, ne va pas mal. Elle est une grande majorité, elle est nombreuse. Donc, les majorités nombreuses sont toujours plus difficiles à vivre pour les gouvernements. D’autre part, il est vrai aussi que quand la période est difficile, forcément, les opinions sont quelque fois variées. Pour dire un mot du budget, puisque vous m’interrogiez là-dessus, le budget, c’est un instrument, c’est quelque chose de compliqué. Si on regarde ce qu’il y a dans ce budget, il y a trois choses : il y a, d’une part, la volonté de stabiliser, si possible de réduire, les dépenses publiques ; il y a, d’autre part, la réduction des déficits publics et donc de la dette ; et il y a enfin la volonté de baisser les impôts. Ce sont les orientations principales. Je parle au nom de l’UDF et je peux vous dire que l’UDF approuve pleinement ces orientations. Maintenant, en dehors de ces orientations, il y a les moyens que l’on peut utiliser et c’est là que la discussion doit pouvoir avoir lieu. Je pense que le Gouvernement doit d’ailleurs l’accepter et que à l’intérieur de la majorité, pour ce qui nous concerne nous, à l’UDF, nous souhaitons pouvoir proposer des réformes. On l’a fait, sur l’épargne-retraite, on le fait en demandant non seulement la baisse des impôts, mais une réforme de la fiscalité française qui est bien nécessaire depuis des années et à laquelle il faut vraiment s’atteler. Là, il y a des espaces, je pense, de discussion qui sont naturels en démocratie.