Texte intégral
RTL - 3 juillet 1996
RTL : Sur notre antenne, hier, E. Zuccarelli demandait au Gouvernement de désarmer les Corses, d’être plus ferme vis-à-vis du terrorisme en Corse. Quel est votre jugement sur l’attentat d’avant-hier ?
P. de Villiers : C’est dramatique et d’autant plus dramatique que les Corses, dans leur immense majorité, ont le sentiment que leur message n’est pas entendu. Leur message est simple et double : premièrement, il faut réaffirmer que la Corse fait partie intégrante du territoire français. Il ne faut pas dire que l’on va faire la paix en Corse. C’est une expression qui veut dire que la Corse n’est plus dans la France. On rétablit l’ordre en France. Deuxièmement, il faut désarmer les terroristes. On ne négocie pas avec les terroristes.
RTL : Il faut poursuivre le dialogue ou au contraire l’interrompre ?
P. de Villiers : On dialogue avec les élus, avec les représentants du peuple et par contre, les séparatistes, ceux que l’on appelle à tort les nationalistes, les terroristes on les désarme, on les met hors d’état de nuire parce qu’ils ont pris la Corse en otage.
RTL : L’attentat de Bastia n’est apparemment pas dirigé contre la politique gouvernementale. Il s’agit de règlements de compte entre autonomistes, alors ?
P. de Villiers : Nous n’avons pas, nous, à choisir une fraction contre une faction pour négocier en sous-main. Le rôle du Gouvernement est de mettre au pas toute les factions qui sont aux prises les unes avec les autres pour faire en sorte qu’en Corse, on puisse circuler librement.
RTL : Vous êtes partisan d’un référendum en Corse ou pas.
P. de Villiers : Pas du tout. Il n’y a pas de référendum sur la Corse. La Corse, c’est la France et il n’y a pas de peuple corse mais un peuple français. Les Corses entendent rester français. L’idée d’une zone franche, tout cela est complètement ridicule. Cela veut dire que la Corse n’est pas tout à fait la France. La Corse, c’est la France. Le message des Corses est très simple : on veut être et rester Français.
RTL : Qu’est-ce que l’on fait pour les 10 % qui ne veulent pas ?
P. de Villiers : Ils n’ont qu’à accepter de jouer le jeu de la démocratie. Ils ont la possibilité de s’exprimer en Corse comme ailleurs. Mais la France est une démocratie et on doit faire respecter la loi française en Corse.
RTL : Votre jugement sur la conduite de l’affaire Tiberi. Le classement du parquet de Paris a-t-il été trop rapide selon vous ?
P. de Villiers : On peut même dire que c’est un gag ! À Paris, on classe plus vite que son ombre.
RTL : ceci étant, J. Tiberi a porté plainte pour atteinte au secret de l’instruction. Est-ce que vous trouvez normal que tous les documents saisis au domicile de J. Tiberi soient dans la France depuis hier ?
P. de Villiers : Moi, je ne porte pas de jugement sur la justice. Je dirais simplement qu’il y a aujourd’hui un grand trouble dans le fonctionnement de l’institution judiciaire parce qu’incontestablement, l’ordre a été donné à la police judiciaire de ne pas exécuter une instruction de la justice. C’est un peu inédit quand même ! Même du temps des socialistes ! Et puis l’ordre a été donné de classer sans suite un dossier en cours d’instruction. Là aussi, ce n’est pas inédit mais c’est de plus en plus fréquent, au contraire ! On a le sentiment que la France patauge. Il y avait les affaires sous les socialistes et puis maintenant, il y a les affaires sous la droite. C’est très grave parce que beaucoup de Français qui nous écoutent en ce moment, à tort, peuvent penser qu’au fond les hommes politiques sont tous des tricheurs et des crapoteux. Ce n’est pas du tout le cas mais il faudrait que la justice puisse passer une fois pour toutes, quitte à ce qu’il y ait toute une génération politique qui disparaisse. Puisqu’il y a des gens qui ont triché, il faut qu’ils soient punis comme tous les citoyens français qui sont égaux devant la justice.
RTL : Classer une affaire a toujours été une prérogative au Parquet, non ?
P. de Villiers : Je crois qu’à l’avenir, si les hommes politiques veulent retrouver du crédit. Il serait judicieux de ne pas classer les affaires lorsqu’elles touchent à la politique et notamment tout ce qui concerne les fausses factures. Quant à l’affaire de l’appartement du Fils Tiberi, c’est peut-être l’appartement qui cache le pâté de maison. Je crois que le président de la République devrait, en tant que président du Conseil supérieur de la magistrature, réunir le conseil supérieur de la magistrature pour dissiper le trouble.
RTL : Et la rupture du cordon ombilical entre le Parquet et le pouvoir ?
P. de Villiers : On peut le faire tout de suite, en faisant en sorte que la chancellerie n’interfère avec le parquet. Il n’y a pas besoin d’une réforme de la Constitution pour cela. C’est d’ailleurs ce que nous avions dit que nous ferions.
RTL : Je suppose qu’A. Juppé parlera de ce problème sur TF1 mais il veut surtout parler de la rentrée et expliquer pourquoi il faut maintenir le cap. Alors maintenir le cap, quel est votre commentaire là-dessus ?
P. de Villiers : C’est ce qu’on dit lorsque l’on est en perdition sur un bateau en général ! Il faut changer de politique. Je pense que la plupart de nos malheurs sur le plan économique, par rapport à l’immense question du chômage, viennent du fait que nos gouvernants successifs se sont lié les mains par rapport à une politique européenne qui est absurde. Ils n’ont plus que des pouvoirs résiduels. On a tout sacrifié à la monnaie forte de Francfort ; on a tout sacrifié, c’est-à-dire l’emploi, les entreprises, au libre-échangisme de Bruxelles ; on a sacrifié la santé publique aux principes de la liberté de circulation et on le voit avec l’affaire de la « vache folle » ; on sacrifie nos services publics à la dérégulation de Bruxelles ; on sacrifie l’emploi aux critères de convergence, etc.
RTL : La mondialisation que vous dénoncez ne peut-elle pas dans certains cas être une chance pour la production française et pas forcément un handicap ?
P. de Villiers : On dit toujours cela en disant qu’il faut vendre des Airbus mais je constate que la vraie balance que les Français ont en tête, ce n’est pas la balance des devises mais celle des emplois. C’est-à-dire qu’actuellement, on sacrifie notre pêche, nos agriculteurs, toutes nos industries de main d’œuvre et maintenant toutes nos industries de haute technologie. Regardez Moulinex ! Qu’est-ce qu’a fait Moulinex ? Ils sont allés en Espagne, là où la monnaie est sous-évaluée et ils sont allés au Mexique, là où le main d’œuvre est moins chère. C’est ainsi que nous vivons cette espèce de phénomène d’aspiration de toutes nos entreprises à l’extérieur de notre pays.
RTL : Êtes-vous contre, systématiquement, les restructurations qui sont souvent nécessaires à la modernisation ou simplement trouvez-vous que la monnaie nous désavantage ?
P. de Villiers : Disons les choses de manière positive. Changer de politique, cela veut dire : premièrement, le franc flexible plutôt que le franc fort. Je préfère avoir un franc faible et une économie forte, comme aux États-Unis, plutôt que l’inverse. Je ne vois pas pourquoi on a cette religion d’une zone de surévaluation monétaire accrochée au Mark. Deuxièmement, la clause sociale du GATT : il faut introduire une clause sociale dans une nouvelle négociation au FATT et renégocier Maastricht pour introduire la possibilité d’une protection douanière de nos entreprises et de nos emplois. Regardez S 20, Gaston Jaunet, Moulinex, toutes les entreprises qui viennent de chuter ou qui vont chuter dans quelques semaines. Elles ne peuvent pas lutter contre les pays à très bas salaires, elles ne peuvent pas lutter contre les pays à très basse monnaie. Si on fait cela demain, le franc flexible et la préférence européenne, c’est-à-dire la protection douanière de nos entreprises, alors notre pays repartira.
RTL : Entre le Front national et le Gouvernement, il y a un espace pour vous ?
P. de Villiers : Il y a un espace partout pour ceux qui ont des convictions et pour ceux qui veulent que les choses changent vraiment, à la condition que la France retrouve la possibilité de réhabiliter la politique. C’est la raison pour laquelle je demande un référendum sur la monnaie unique pour que le peuple français soit consulté sur la question suivante : acceptez-vous de faire de la France un pays de chômeurs, une province allemande ou alors une nation libre ?
RTL : C’est une question un peu orientée.
P. de Villiers : Oui, parce que la monnaie unique, c’est la grande question. C’est de savoir si, en France, les hommes politiques vont se laisser réduire à l’impuissance, nimbés de rayonnement médiatique.
France Inter - 17 juillet 1996
France Inter : A. Juppé se rend en Corse aujourd’hui. Au début du mois, vous disiez qu’il fallait désarmer les terroristes. Avez-vous été satisfait en entendant J. Chirac dire, à propos de la Corse, qu’« il fallait éradiquer les mafias » ?
P. de Villiers : Oui, mais ce n’est pas en faisant une zone franche que les mafias réclament depuis fort longtemps en Corse. Oui aussi, mais ce n’est pas en parlant des nationalistes corses qu’on résoudra le problème du séparatisme en Corse. Les mots ont un sens. Il n’y a pas de nationalistes en Corse, il y a des terroristes, des séparatistes, il y a une nation française. Il n’y a pas de nation corse. J’attends que le Premier ministre soit suivi par des compagnies de CRS ou par des gendarmes pour désarmer les terroristes. Tant qu’on ne le fera pas, la terreur continuera à régner sur une partie du territoire français.
France Inter : Et quand J. Chirac de « dialogue positif » ?
P. de Villiers : Dialogue avec les élus mais pas avec les terroristes. On fait la guerre aux terroristes et on dialogue avec les élus.
France Inter : À propos de l’immigration, J. Chirac a dit : « il faut donner un signal fort pour que ceux qui seraient susceptibles de venir comme immigrés clandestins n’aient plus leur chance en France.
P. de Villiers : Oui, il faut d’abord rétablir le contrôle aux frontières, et puis il faut aller beaucoup plus loin. Il faut résoudre le problème de l’immigration clandestine, et celui de l’immigration tout court. À savoir probablement changer le code de la nationalité et revenir à la carte de séjour d’avant F. Mitterrand. Il y avait une carte de séjour de trois ans, renouvelable, mais pas par tacite reconduction. Depuis F. Mitterrand, il y a une carte de séjour renouvelable par tacite reconduction. C’est la source principale de toute l’immigration qui a déferlé sur la France depuis quelques années.
France Inter : C. Millon va annoncer aujourd’hui les régiments qui seront dissous. Cette réforme était-elle nécessaire, va-t-elle toucher votre département ?
P. de Villiers : Non, elle ne touche pas mon département. Mais je pense que cette réforme est un signal de faiblesse. Ce n’est pas le moment de baisser notre garde, ce n’est pas le moment de dégager notre territoire. Il me semble, intuitivement, sans être un spécialiste, que la première menace des années 2000, c’est le terrorisme et qu’il faut rénover cette notion même du service militaire qui est le dernier creuset civique. Ce qui me frappe, c’est qu’on est en train de liquider notre défense au moment où on liquide notre monnaie et au moment où, il faut bien le reconnaître parfois, on liquide notre propre identité culturelle.
France Inter : 500 000 hommes sous les drapeaux lors de la guerre du Golfe, et on a vu que la France n’était pas capable d’en mettre plus de 15 000 sur le terrain. Peut-être que cette réforme était nécessaire.
P. de Villiers : Une armée moderne c’est trois choses : 1. La dissuasion nucléaire, car c’est une première menace. 2 : Des forces de projection pour un grand pays comme la France qui veut avoir une influence dans le monde. Et 3/ mais je dirais premièrement en fait : la défense de son territoire. À quoi sert la défense ? À la défense de son territoire. Il est tout à fait utile d’avoir des régiments disséminés sur le territoire français, notamment à cause de cette menace complètement nouvelle, avec les nouvelles mafias, avec l’argent sale, la drogue, avec le terrorisme islamique. À qui a-t-on fait appel en décembre dernier ? À l’armée. À qui fera-t-on appel en Corse ? À l’armée. Je ne suis pas d’accord avec la phrase de Fabius ou Mauroy, je ne sais plus : « il faut toucher les dividendes de la paix ». On est dans un monde qui reste dangereux, mais dont la menace est aujourd’hui protéiforme.
P. de Villiers : Je préfère être marginalisé à l’extérieur de cette action gouvernementale qu’à l’intérieur. Eux sont marginalisés à l’intérieur, parce qu’ils ont choisi de rester englués dans les appareils dont on voit bien aujourd’hui qu’ils sont dénués de toute volonté politique. Je pense qu’une autre politique est tout à fait nécessaire pour la France, une autre politique monétaire, une politique de l’immigration, une autre politique de l’école, une autre politique de la famille. Ça passe par d’autres vecteurs d’expression. Le RPR a perdu son inspiration nationale et l’UDF son inspiration libérale. Pour sortir du chômage, de la corruption, de la sur-fiscalisation, de l’étouffement des libertés, des entrepreneurs et de l’école, il faut faire autre chose. C’est pourquoi j’ai créé le Mouvement pour la France qui sera présent pour construire une majorité alternative. J’invite tous les gens qui nous écoutent et veulent nous rejoindre à le faire sans délai.
France Inter : En 1994, vous avez choisi entre votre mandat de député de Vendée et votre mandat de député européen. Vous avez choisi Strasbourg. Ne regrettez-vous pas ce choix ?
P. de Villiers : J’avais dit que je le ferai, donc je l’ai fait. Mais c’est pire que ce que je croyais ! Si les gens qui nous écoutent venaient passer une journée avec moi à Bruxelles, ils seraient guéris de l’Europe de Maastricht.
France Inter : Pourquoi ?
P. de Villiers : C’est épouvantable. Par exemple, hier, on a levé un lièvre tout à fait incroyable : on a brandi une note interne de la commission de Bruxelles remise à M. Delors le 13 octobre 1990 qui dit ceci, à propos de la « vache folle » : « il faut minimiser cette affaire de « vache folle » en pratiquant la désinformation ». Pourquoi ? Parce qu’il fallait préparer les gens à l’idéologie de Maastricht et du GATT, c’est-à-dire l’idéologie de l’ultra-productivisme et du libre-échangisme. Voilà comment la commission se comporte : elle ment aux Européens.
France Inter : Au bout de 20 ans, ne ressent-on pas une certaine lassitude après avoir créé le spectacle du Puy-du-Fou, à un moment où le chômage est aussi important ?
P. de Villiers : Au contraire, puisque la troupe du Puy-du-Fou qui regroupe 2 500 membres et qui joue tous les soirs sur la plus grande scène du monde – 15 hectare avec une tribune de 15 000 places – a développé, grâce au succès financier, populaire et culturel du spectacle du Puy-du-Fou, des nouvelles entreprises, des écoles de régie, de cascade, de cavalerie, de jonglage, de magie, et puis, le grand parcours du Puy-du-Fou, qui est un parc de loisirs d’un type un peu nouveau, un nouveau concept en France, qui est aujourd’hui le premier parc écologique et historique en France avec cette année probablement 800 000 personnes accueillies.
France Inter : Avec le grand parcours, vous comptez concurrencer le Futuroscope de Poitiers ou Euro Disney ?
P. de Villiers : Ce n’est pas une question de concurrence, mais on va bientôt jouer dans la même catégorie, avec trois originalités au Puy-du-Fou : tout ça est parti et vit du bénévolat, avec naturellement des retombées économiques considérables pour toute la région ; pas un brevet extérieur au Puy-du-Fou : nous avons une quarantaine d’inventions de brevets à la pointe de toutes les technologies de spectacles et de parcs de loisirs ; il n’y a pas un centime d’argent public. C’est un président de conseil général qui vous parle ! C’est une initiative complètement privée de type associatif et qui gagne de l’argent.
France Inter : Aucune subvention ?
P. de Villiers : Non seulement ça, mais c’est une association qui subventionne les pouvoirs publics. Par exemple, dimanche prochain, il y a une séance spéciale pour lutter contre la drogue et pour faire un don aux enfants orphelins du Liban. C’est une association qui se donne des objectifs à la fois culturels, touristiques, artistiques, mais aussi caritatifs et philanthropiques. Il est rare en France de voir une association subventionner les pouvoirs publics.
France Inter : Le 19 septembre, Jean-Paul II fera une halte de deux heures en Vendée. Votre conseil général a-t-il subventionné la visite du Pape ?
P. de Villiers : Oui, à hauteur de 300 000 francs. Je suis très choqué de voir que cette subvention est parfois contestée. Le Pape est aussi un chef d’État, il n’est pas qu’une autorité religieuse. Le Pape est un homme exceptionnel. Jean-Paul II et l’homme qui a fait tomber le mur de Berlin. Rien que pour ça, je réclame un peu de décence à ceux qui, au nom d’un laïcisme primaire, sont en train de le dénigrer et essayer de salir son passage, son séjour sur le territoire français, à une occasion qui est une grande occasion pour retrouver notre identité culturelle et fortifier nos racines.