Texte intégral
Un mot du Gouvernement sur ce conflit [à Air France, ndlr], qui, on l'a vu, mécontente énormément les usagers : est-ce qu'on peut accorder quelque chose aux pilotes pour qu'ils cessent leur grève. Hier, il y a eu une proposition sur l'instauration d'une grille unique de salaire.
– « Je crois que vous l'avez très bien dit. Air France est actuellement devant une situation assainie. Pour continuer son développement, elle doit investir, elle va d'ailleurs réembaucher et, pour cela, chacun a dû faire des efforts. Ce qui est demandé aux pilotes, ce n'est pas de devoir baisser leur salaire, c'est d'avoir une évolution de leur masse salariale qui soit plus conforme à celle de nos concurrents pour l'avenir. Il leur est demandé soit de négocier une nouvelle grille de classification, soit d'avoir une partie de leur salaire en actions pour permettre le développement d'Air France. Je crois que les propositions sont sur la table maintenant, et qu'il faut en appeler à la responsabilité des pilotes. Les stewards, le personnel au sol ont su, ces dernières années, travailler dans le sens de cet assainissement de la société. Je crois qu'il faut que pour les pilotes – alors que la négociation a lieu, le ministre des Transports les a reçus, la direction négocie et a mis sur la table de nouvelles propositions – la raison gagne. Personne n'a intérêt, surtout pas Air France, mais évidemment encore moins ses clients, et la France, au moment de la Coupe du Monde, à voir un conflit s'éterniser. Donc, que la négociation s'engage réellement, les propositions sont sérieuses, et je crois qu'il faut compter sur la responsabilité, comme l'ont montré les autres catégories de personnels à Air France. »
Elle peut se réengager d'ici lundi, cette négociation ?
– « Elle est ouverte. C'est à eux de saisir la balle au bond, les propositions sont là, je crois que personne ne comprendrait aujourd'hui qu'il y ait un conflit long, dans cette entreprise qui ressort la tête de l'eau de manière d'ailleurs très positive. »
Peut-on espérer une poursuite de cette baisse du chômage ? Est-ce qu'on peut avoir un objectif, par exemple, sur l'année 1998 ?
– « Je me garderai bien d'avoir un objectif chiffré. Ce que je crois, en revanche – et d'ailleurs tous les experts internationaux le disent –, c'est que la croissance paraît bien accrochée dans notre pays, mieux accrochée qu'ailleurs, plus forte qu'ailleurs et qu'il n'y a pas de raison aujourd'hui de penser qu'elle ne va pas perdurer dans les mois qui viennent. Parce que l'action que nous avons menée, à la fois pour amener la confiance, pour redonner à ceux qui avaient besoin de consommer les moyens de consommer, pour peut-être mieux équilibrer les prélèvements entre les différents revenus et puis pour donner aussi les signes forts sur l'emploi avec les emplois-jeunes et la durée du travail, tout cela a contribué à ramener un climat de confiance qui consolide la consommation dans notre pays. Maintenant les entreprises commencent à investir. Donc on peut espérer que la croissance est bien accrochée et que, donc, les effets en matière d'emplois seront là, auxquels il faut ajouter, bien sûr, les effets spécifiques des emplois-jeunes, de la réduction de la durée du travail. »
Sur ces deux mesures, vous parlez des emplois-jeunes, est-ce que vous n'êtes pas un peu déçue par les premiers bilans de ces emplois jeunes ?
– « Non, je lis cela de temps en temps. Vous savez qu'est-ce que l'on fait avec les emplois-jeunes, comme d'ailleurs l'aide aux petites et moyennes entreprises ou l'effort fait par le Gouvernement pour aider la France à entrer dans le domaine des nouvelles technologies ? Eh bien, avec les emplois-jeunes, on essaye de créer les emplois de demain, de répondre à des besoins qui existent aujourd'hui pour lesquels on ne répondra pas encore par des vrais métiers et des vrais emplois. Alors ce n'est pas très facile. Cela veut dire qu'il faut inventer les métiers de l'environnement, des métiers sur la sécurité, sur la qualité de vie, des métiers sur l'aide aux personnes. Donc, qu'en quatre mois, 60 000 jeunes soient déjà au travail pour des emplois de cinq ans, ce qui est, je n'allais pas dire le paradis, quand même, quand on voit le travail temporaire, le contrat à durée déterminée, on voit que c'est un moment très important. 60 000 jeunes déjà au travail, 40 000 qui sont sur le point d'être embauchés. Je crois qu'au contraire, il fallait prendre un petit peu de temps – quelques semaines – pour que ces emplois soient sérieux. Je crois qu'au contraire cela démarre bien que les associations se lancent, les collectivités locales aussi, pas toutes encore, mais j'espère qu'elles vont continuer. Je suis pour l'instant favorablement impressionnée par ce bilan. »
Vous parliez des 35 heures. La loi a été adoptée, mais maintenant on a l'impression qu'il reste tout à faire au fond maintenant. Les entreprises vont négocier. Est-ce que vous sentez que c'est bien parti ? Est-ce que vous sentez que les entreprises sont prêtes davantage à faire cet effort, à aller vers les 35 heures ?
– « Je crois que vous avez raison : la loi est un premier pas. Il fallait le faire. Mais tout reste à faire. Tout reste à faire parce que la loi ne peut rien sans la mobilisation des différents acteurs. Je sais qu'aujourd'hui beaucoup d'entreprises commencent à négocier, regarder le sujet. Ce qui n'était pas le cas il y a quelques semaines. Certains sont déjà en négociation. Je crois que c'est un peu cela la méthode du Gouvernement : c'est-à-dire avoir un axe fort, montrer le chemin qui lui paraît bon et ensuite s'appuyer sur les Français pour faire en sorte que cela marche. Les associations créent des emplois-jeunes, des jeunes créent leur propre emploi pour répondre à des besoins de certains de nos concitoyens. De la même manière, actuellement, des syndicats et des chefs d'entreprise vont négocier pour que les gens vivent mieux dans l'entreprise, pour que les entreprises saisissent cette opportunité pour être plus compétitives et surtout pour laisser la place aux chômeurs. Je crois que c'est cela la méthode du Gouvernement et on va la voir fortement, je l'espère, dans les prochaines semaines en matière de durée du travail. »
On arrive, là, dans deux jours, à un an de gouvernement Jospin, avec des résultats positifs en termes de popularité du Gouvernement, une éclaircie sur le plan économique. Pensez-vous qu'il faut accélérer les réformes ?
– « Moi, je ne sais pas s'il faut ou pas accélérer, je crois qu'il faut continuer. Je crois qu'on a beaucoup travaillé pour redonner confiance à un pays qui paraissait asphyxié, qui paraissait avoir perdu confiance en lui-même, qui paraissait en panne, et même en panne d'espoir sur l'avenir. Le Premier ministre avait fixé des objectifs clairs : lutter contre le chômage, lutter contre les exclusions. On commence à voir les résultats mais nous savons bien qu'il reste beaucoup à faire, d'abord parce que si la France va mieux – et on le voit avec les indicateurs économiques – beaucoup de Français ne le ressentent pas encore aujourd'hui. »
Vous êtes inquiète sur certains aspects des fractures sociales ou des inégalités ?
– « Bien sûr, on ne peut pas ne pas être inquiet quand on sait qu'aujourd'hui encore un certain nombre de Français n'ont pas accès aux soins – et c'est pour ça qu'on fait la loi sur l'exclusion –, qu'il y a encore deux millions de Français qui vivent dans des logements qui sont délabrés ou qui vivent dans la rue, qu'il y a encore des problèmes majeurs – comme viennent de montrer certaines grèves récentes –, d'accès à l'éducation. Donc ce sont sur tous ces sujets-là qu'il va falloir travailler, qui sont d'ailleurs engagés. Je pourrais parler de l'accès à la sécurité dont J.-P. Chevènement s'occupe de manière très forte. Ces chantiers sont engagés mais nous savons bien qu'il reste un travail très important à faire pour que chacun se sente concerné par les progrès de notre société car les progrès sont là. On voit bien que la France revit. Mais elle ne revit pas encore pour tout le monde. Donc tant que ça ne sera pas le cas, il y a beaucoup de travail sur la planche. »
Sur le plan politique, on a vu, ces dernières semaines, quelques petits accrocs à la cohabitation. Est-ce que ça annonce des changements politiques ou des changements de calendrier ?
– « Très franchement, moi, je ne les ai pas ressentis. Le Président de la République a été élu par les Français. Le Gouvernement respecte totalement et sa personne et ses fonctions. Je crois que nous avons intérêt, si nous souhaitons que la démocratie dans notre pays gagne du terrain, à respecter la Constitution, les échéances électorales. Je crois que le Gouvernement est tout entier sur les objectifs que le Premier ministre lui a fixés, c'est-à-dire répondre aux attentes des Français. Je crois que c'est là-dessus que les Français nous attendent : faire ce que nous avons dit, et je crois que c'est le cas aujourd'hui, continuer à approfondir les réformes que nous avons engagés pour que chacun se sente concerné et que chacun vive mieux dans notre pays, et qu'on vive aussi tous ensemble. Ça aussi je crois que c'est important. »