Déclarations de M. Charles Millon, ministre de la défense, en réponse à des questions sur la situation de l'industrie d'armement, de GIAT Industries et sur la fusion de Dassault et d'Aérospatiale, au Sénat le 14 mai 1996 et à l'Assemblée nationale le 22.

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Texte intégral

Réponse du ministre de la défense à une question orale de M. Philippe Richert, sénateur du Bas-Rhin. Sénat - 14 mai 1996

Philippe Richert : Monsieur le président, Monsieur le ministre, mes chers collègues, le président de la République vient de lancer un vaste débat concernant l'avenir de nos armées. Parmi les objectifs qui ont été affichés à cette occasion, il faut noter la volonté d'une réforme et d'un renforcement de nos industries liées à ce secteur, au travers d'une politique de rapprochement de différentes entreprises concernées en vue de faire face au développement de la concurrence internationale, et plus particulièrement à la forte pression exercée par les grands groupes américains.

Je souhaite, à cet égard, évoquer la situation de l'industrie aéronautique française, et plus particulièrement, celle de la société Messier-Bugatti. Implanté dans l'ouest du département du Bas-Rhin, cet établissement est aujourd'hui le leader en Europe en tant qu'équipementier. Il est également réparateur dans le domaine des roues et freins, ainsi que dans celui des systèmes de freinage et d'hydraulique. Détenant 20 % des parts du marché mondial, tous avions confondus, pour ses systèmes de freinage, Messier-Bugatti est l'un des principaux employeurs du bassin économique de la région. Toutefois, sa maison mère, le groupe SNECMA, projette de vendre cette société à l'américain BF-Goodrich.

Une telle décision, qui a suscité une vive émotion parmi le personnel, ne saurait être sans conséquences sur les plans social et technologique. Elle serait, en outre, contraire aux orientations annoncées par le président de la République et priverait l'industrie française de l'un de ses fleurons qui fut si longtemps la fierté de toute une région. Il paraît, dans ces conditions, souhaitable que Messier-Bugatti puisse rester sous le giron d'un grand groupe français afin que, demain, nos entreprises soient en mesure, au sein d'alliances européennes, de faire face aux géants de l'aéronautique américaine.

Je serais heureux de connaître votre position, Monsieur le ministre, sur ce dossier, ainsi que les suites que le gouvernement entend réserver à ces préoccupations.

R. : Monsieur le sénateur, la question que vous venez de poser est au centre des préoccupations du gouvernement. Il s'agit de renforcer l'industrie d'armement et, en particulier, le pôle aéronautique. Vous savez, puisque vous suivez ces dossiers avec une grande vigilance, que le gouvernement espère parvenir dans les deux ans qui viennent à la fusion entre Aérospatiale et Dassault pour que soit établie la base d'un pôle aéronautique européen susceptible de faire face à la concurrence américaine. En dehors de cette opération quelque peu médiatique, un certain nombre de réorganisations sont en cours, et la question de l'avenir de l'entreprise Messier-Bugatti est posée.

Le gouvernement a demandé à la SNECMA d'étudier la possibilité de céder certains de ses actifs. Qu'en est-il, dans ces conditions, de l'avenir de l'entreprise Messier-Bugatti ? Tous ceux qui suivent ce dossier savent que l'entreprise américaine BF-Goodrich serait intéressée. Le gouvernement, pour sa part, préférerait une solution s'inscrivant dans la restructuration des industries d'armement françaises. C'est la raison pour laquelle, il a demandé non seulement à l'entreprise Messier-Bugatti, mais aussi à la SNECMA ainsi qu'à d'autres entreprises susceptibles d'être intéressées, de réfléchir à des rapprochements, à des recapitalisations et à des restructurations qui tiennent compte d'un triple objectif : s'inscrire dans le cadre du projet de loi de programmation que j'aurai l'honneur de présenter au Sénat dans quelques semaines ; protéger notre savoir-faire ; et permettre une politique d'aménagement du territoire respectant les bassins d'emploi et la localisation des entreprises d'armement.

Tel est notre état d'esprit, Monsieur le sénateur, et tel est le sens de notre démarche. J'espère que nous trouverons dans notre pays, un certain nombre d'acteurs économiques susceptibles de faciliter ces restructurations de l'armement afin de garantir à la fois une plus grande compétitivité et la pérennité de l'activité économique sur notre territoire.


Réponse du ministre de la défense à une question orale de M. Pierre Forgues, député des Hautes-Pyrénées. Assemblée nationale - 22 mai 1996

Pierre Forgues : Ma question s'adresse à M. le ministre de la défense. Il y a maintenant plus de quatre mois, vous avez annoncé, Monsieur le ministre, la restructuration de GIAT Industries. Depuis lors et à plusieurs reprises, vous avez déclaré que cette restructuration allait entraîner la suppression de très nombreux emplois, et que vous alliez donc l'accompagner par un plan économique et social élaboré, avez-vous dit, dans le cadre d'une très large concertation avec les élus concernés. Or, il apparaît que cette concertation n'a pas réellement commencé. Nous ne savons pas quelle politique industrielle vous allez élaborer pour GIAT Industries et, il est frappant de constater que le plan social, qui prévoit le licenciement de 2 600 personnes, dont 600 à Tarbes, a été rendu public avant que l'on ne connaisse le plan industriel de l'entreprise.

Où est la logique ? Pour l'instant, force est de constater que nous sommes dans une phase de désorganisation et de nos industries de défense et de nos armées, sans qu'aient été au préalable définies des perspectives claires. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous informer d'une manière précise sur le nombre de suppressions d'emplois à GIAT Industries et, en particulier, sur le site de Tarbes ?

Pouvez-vous nous dire quels sont vos objectifs et vos moyens en faveur de la réimplantation d'activités sur les sites durement touchés, notamment sur celui de Tarbes ?

R. : Monsieur Forgues, vous venez d'évoquer avec gravité la situation de GIAT Industries et de dénoncer une prétendue désorganisation de notre industrie de défense. Dois-je vous rappeler que, lorsque j'ai fait effectuer l'audit de GIAT, j'ai constaté, à la suite de la désorganisation de l'entreprise réalisée par vos gouvernements, une perte de 11 800 millions.

Concertation sociale – plan de redressement, de redéploiement et de reconversion
C'est à partir de ce constat que j'ai engagé une concertation avec les directions des établissements et le personnel. Je vous précise, Monsieur le député, qu'il est bien évident que, conformément à notre droit social, je privilégie les organes représentatifs du personnel pour leur exposer le plan de redressement, de redéploiement et de reconversion de GIAT Industries. C'est pourquoi, j'ai demandé au président-directeur général de bien vouloir présenter ce plan. C'est ce qu'il est en train de faire.

La concertation avec les élus a lieu. D'ailleurs, vous le savez bien puisque, demain après-midi, vous êtes invité à une réunion de travail à mon ministère à propos de ce plan. Vous en aurez connaissance demain après que les organismes représentatifs du personnel en auront été saisis. Je respecterai le droit social. Je respecterai la priorité donnée aux salariés. Mais n'ayez aucune crainte : nous n'engagerons pas un plan de liquidation, comme vous l'avez fait pour l'industrie de la défense !