Texte intégral
Réponse du ministre de la Défense à une question orale de M. Dominique Bousquet, député du Gard - Assemblée nationale 8 février 1996
Q. : Une réforme du service national va être étudiée, faisant suite à la volonté du président de la République et du gouvernement, et une commission multipartite doit être organisée. Je me permets de soulever le problème de la prise en compte de l'emploi des jeunes dans le cadre de l'article L. 32 du Code du service national qui définit les différentes dispenses possibles. Aujourd'hui, lorsque la situation familiale des jeunes ne permet pas de les rattacher à un des cas définis par cet article, mais que les demandes sont simplement fondées sur la sauvegarde de leur emploi, elles sont systématiquement rejetées, ce qui va à l'encontre de la politique gouvernementale en faveur de l'emploi des jeunes, car ces jeunes perdent leur emploi. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir m'indiquer les intentions du gouvernement sur ce délicat problème que nous rencontrons tous sur le terrain. Ne serait-il pas possible d'introduire dans l'article L. 32 du Code du service national une disposition prévoyant que peut être dispensé tout jeune pouvant produire un contrat de travail à durée indéterminée ou d'envisager une nouvelle forme de service national empêchant la coupure avec le monde du travail, l'extension du service civil ne me paraissant pas résoudre ce problème ? Par ailleurs, quelles grandes lignes le gouvernement compte-t-il suivre en matière de réforme du service national ? Les jeunes de notre pays, qui ont majoritairement suivi Jacques Chirac lors de la dernière élection présidentielle, attendent beaucoup du gouvernement et de M. le président de la République dans ce domaine.
R. : Vous soulevez tout le problème de l'évolution du service national. Nous aurons à en débattre durant les mois à venir : allons-nous maintenir le service national ou le faire évoluer pour permettre cet acte d'adhésion au pacte républicain de la part de tous les citoyens français ? Les réflexions actuelles du président de la République, du Premier ministre et du gouvernement vont plutôt dans le sens d'une conscription générale qui donnerait aux jeunes Français l'occasion de consacrer une partie de leur temps à des fonctions qui viendront enrichir la collectivité.
Vous m'avez interrogé sur un point très précis, celui de la conciliation entre service national et emploi, service national et entreprise, service national et activité économique. Ce problème se pose, bien évidemment, sur le plan intérieur, c'est-à-dire pour ce qui est des entreprises situées sur le territoire national. Une étude sera conduite pour connaître les moyens permettant de faciliter l'intégration d'un certain nombre de jeunes dans la vie économique. Ce problème se pose également sur le plan international : c'est toute la question des VSNE, les volontaires du service national en entreprise à l'étranger. M. Yves Galland étudie en ce moment la possibilité de développer ce type de formule pour arriver à une meilleure adaptation entre service national et exportation, service national et entreprises à l'étranger.
Mais votre question porte plus précisément sur une éventuelle réforme de l'article L. 32 du Code du service national afin de permettre à un jeune exerçant une activité économique de la poursuivre et donc d'être exempté du service national. Je vous le dis très clairement aujourd'hui : ce n'est ni le jour, ni l'heure pour poser une telle question. Elle devra être intégrée dans le grand débat qui va s'ouvrir. Je souhaite que, durant les trois ou quatre mois prochains, tous les représentants de la collectivité réfléchissent à ce problème et fassent des propositions afin de construire un système qui corresponde à notre République et à l'attente des jeunes.
Réponse du ministre de la Défense à une question orale de M. Charles Fèvre, député de la Haute-Marne – Assemblée nationale 21 février 1996
Q. : Après les restructurations d'unités militaires décidées en septembre dernier, nous avons appris par la presse que le gouvernement avait mis à l'étude une importante réduction des forces terrestres. M. le président de la République entretiendra la nation de ce sujet important demain soir, à la télévision. En dehors de la 1re DB stationnée en Allemagne, il serait question de supprimer 50 % des régiments français, dans la perspective de la nouvelle loi de programmation militaire 1997-2002.
Sans doute allez-vous indiquer qu'aucune décision n'était prise, et nous vous en donnons acte. Mais il n'est un secret pour personne que le nouveau contexte géopolitique conduit à réduire les effectifs dans le cadre d'une professionnalisation plus ou moins forte. Quelles que soient la nature et l'importance des projets, il me paraît nécessaire qu'ils prennent en compte les données de l'aménagement du territoire. En effet, alors que le gouvernement vient de délimiter pour y favoriser les créations d'emplois, des zones de revitalisation rurale, dont l'essentiel couvre la diagonale aride qui s'étend des plateaux de l'Est au Sud-Ouest, en passant par le Massif central et le Morvan, il apparaîtrait illogique et peu cohérent que celles-ci fassent les frais des suppressions d'unités et de la réorganisation de nos forces de défense.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous assurer, et demander au Président qu'il donne la même assurance demain à nos compatriotes, que, dans le cadre des études menées et dans toute la mesure du possible, les zones de revitalisation rurale feront l'objet d'un soin attentif au niveau de cette deuxième vague de restructurations militaires, beaucoup plus importante, et donc beaucoup plus handicapante que la première au plan de l'économie locale.
R. : Je veux tout d'abord vous rassurer : ce n'est pas par des indiscrétions de presse que le président de la République et le gouvernement feront connaître leurs décisions. Vous comprendrez que c'est au président de la République, chef des armées, d'annoncer les réformes qui concernent le format des armées. Or, comme vous l'avez noté avec justesse, la période qui précède les annonces est propice à des spéculations qui portent sur le volume et la localisation des restructurations.
Ces réactions sont le reflet de l'importance économique des implantations du ministère de la Défense, tout particulièrement en milieu rural. Et vous savez – nous en avons d'ailleurs débattu ensemble – le rôle indéniable assumé par ces infrastructures, telles que les grands camps militaires, les centres d'essais dans les zones rurales fragiles.
C'est parce que le gouvernement a bien pris la mesure de son rôle en matière de développement rural et d'aménagement du territoire qu'il veillera avec une attention particulière aux conséquences que pourraient avoir des mesures de restructuration intervenant en zone de revitalisation rurale. Dans cet esprit, je puis vous assurer du souci constant du ministère de la défense – et je suis à votre disposition pour vous rencontrer quand vous le souhaiterez – d'aborder ces questions spécifiques en étroite collaboration avec mon collègue chargé de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration. Toute mesure significative sera précédée d'un examen approfondi, conduit dans le cadre interministériel, au cours duquel les préoccupations que vous avez formulées seront étudiées, et auxquelles nous attacherons toute l'importance qu'elles méritent.
Réponse du ministre de la Défense à une question orale de M. Jacques Brunhes, député des Hauts-de-Seine - Assemblée nationale 21 février 1996
Q. : Monsieur le ministre de la Défense, à la veille du Conseil de défense, je veux vous faire part de nos inquiétudes concernant l'avenir de l'aéronautique militaire et du secteur aéronautique en général. Selon les informations qui circulent, la mise en service du Rafale-air pourrait être reportée de quatre ans et celle du Mirage arrêtée en 1998. Or, l'arrêt du Rafale affecterait notre défense nationale. Monsieur le ministre, à notre avis, vous le savez, hormis le surarmement nucléaire, notre pays doit produire les moyens nécessaires à sa défense, et il le peut ! Dans ce secteur, il occupe une place de premier rang. Le report du Rafale aurait des conséquences considérables pour les 40 000 emplois à forte valeur ajoutée de ce programme pour lequel travaillent 1 500 sociétés. Il aurait des conséquences durables aussi : comment imaginer sérieusement qu'après quatre ans de pause, avec les restructurations et dispersions des équipes, l'on puisse, à terme, relancer ce programme ?
Le report aurait enfin des conséquences irréparables pour l'ensemble de l'aéronautique, alors qu'il faudrait opérer une véritable symbiose entre le civil et le militaire. À ce propos, qu'en est-il exactement, monsieur le ministre, de l'information de ce matin concernant la fusion entre Aérospatiale et Dassault ?
Enfin, et ce n'est pas un point mineur, l'arrêt du Rafale pourrait affecter de manière irréversible notre maîtrise des industries du futur qui débordent très largement l'aéronautique. Ne pensez-vous pas qu'avant de prendre des décisions définitives, le président de la République et le gouvernement devraient engager un grand débat national et, en attendant, décréter un moratoire ?
R. : Monsieur le député, vous m'avez interrogé sur l'avenir du Rafale, de l'aéronautique militaire et du secteur aéronautique en général. Pour ce qui est du Rafale, les décisions seront arrêtées au terme de la préparation de la loi de programmation militaire. Vous le savez puisque nous en avons déjà débattu ensemble. Elles prendront en compte aussi bien les préoccupations de défense nationale que les conséquences industrielles et sociales liées à ce programme. Je ne peux aujourd'hui vous en dire davantage tant que le président de la République, chef des armées, ne se sera pas prononcé sur les différentes options proposées.
En ce qui concerne le rapprochement entre Aérospatiale et Dassault, je vous réponds oui : ce rapprochement est en cours et il aboutira à la fusion des deux sociétés. L'objectif est simple : la constitution d'un grand groupe aéronautique et spatial français civil et militaire, capable de jouer un rôle fédérateur à l'échelon européen et de rivaliser avec ses concurrents américains. La France dispose dans ce secteur, vous venez de le rappeler, d'atouts considérables. Elle occupe une place de tout premier rang en Europe et dans le monde. Nos entreprises doivent disposer des meilleures cartes pour conforter leurs positions et être ainsi à même de créer plus d'activités et, par voie de conséquence, davantage d'emplois.
L'unité du groupe Aérospatiale est, je tiens à le souligner devant la représentation nationale, une priorité pour le gouvernement. Le rapprochement engagé tiendra compte, bien entendu, des alliances européennes en cours, notamment avec la société allemande DASA. Nous veillerons scrupuleusement au développement des capacités technologiques remarquables qui sont les nôtres et surtout à la préservation de ce formidable capital humain que représentent ces hommes et ces femmes sans qui la France n'occuperait pas la place qui est la sienne dans le domaine de l'aéronautique et de l'espace.
En conclusion, permettez-moi de prendre acte avec une grande satisfaction de l'intérêt que le groupe communiste porte à la défense nationale, bien qu'il n'ait jamais voté un seul budget de la défense.