Texte intégral
La Croix : Êtes-vous hostile, comme le laissait entendre un article de presse, à la venue du Pape ?
Martine Aubry : « Le Figaro Magazine » sait très bien que je n'ai jamais pris position contre la venue du Pape. L'association locale de Reims du mouvement politique « Agir », que je préside, a en revanche – tout en acceptant, dans le respect de la liberté de conscience, la venue du Pape – porté devant les tribunaux une décision du maire de Reims de financer une cérémonie du Pape dans cette ville. Non pas des travaux permettant d'améliorer la situation autour de la cathédrale, mais des dépenses de fonctionnement.
Or, cette décision est contraire à la loi du 9 décembre 1905 de séparation de l'Église et de l'État, comme l'a d'ailleurs reconnu le tribunal. Cela a amené Jean Falala, le maire de Reims, à annuler sa décision.
La Croix : Vous soutenez donc cette action locale d'« Agir » ?
Martine Aubry : Je la soutiens totalement, car ma conviction profonde est que la séparation de l'Église et de l'État est aujourd'hui un principe qui permet à la laïcité d'exister pleinement. Or, la laïcité est une école de tolérance. C'est le respect, dans leur diversité, des croyances – ou des non-croyances – des hommes et des femmes de notre pays, dans le respect des lois de la République.
La Croix : Que pensez-vous de la confusion entretenue dans certains esprits autour de la commémoration de Clovis ?
Martine Aubry : Il y a chez certaines une nostalgie de la période où la séparation de l'Église et de l'État n'existait pas. Il n'est pas étonnant que l'on rencontre cette nostalgie chez des personnes qui, par ailleurs, défendent des thèses extrêmes, parfois même d'intolérance, de racisme et d'exclusion. Mais être laïc aujourd'hui ne signifie pas, pour moi, nier notre histoire, ni nier des périodes où la nation et l'Église ont eu des liens forts. Certains regrettent cette période, mais elle fait partie de notre histoire. En soi, les commémorations ne me paraissent pas critiquables, dès lors qu'on célèbre un moment historique et qu'on ne magnifie pas avec nostalgie un modèle.
Il reste que l'on peut s'interroger sur la commémoration choisie. A-t-on bien fait de retenir le baptême de Clovis qui n'est en rien, contrairement à ce que certains veulent nous faire croire, le baptême de la France ? Le débat est largement ouvert. La période de Clovis a constitué un des jalons de la construction de la France. Mais, quand on regarde qui a été Clovis – qui n'a d'ailleurs en rien changé ses pratiques barbares du pouvoir après sa conversion –, on peut se dire que ce n'est peut-être pas un homme à montrer en exemple.
La Croix : Qu'attendez-vous personnellement de la visite du Pape ?
Martine Aubry : J'espère que le Pape clarifiera ce débat sur la commémoration, car la confusion est malsaine et nourrit les extrémismes. À chaque fois que les religions, comme d'ailleurs les mouvements de pensée, portent des valeurs comme la solidarité, la dignité humaine, la justice sociale, elles apportent des repères qui font avancer la société. Il est vrai qu'en France, Jean-Paul II est plutôt connu pour des positions qu'il a prises dans des domaines où il est en décalage avec les besoins de la société, comme, par exemple, sur le préservatif et le sida. Mais Jean-Paul II, c'est aussi d'autres convictions. Je souhaite qu'il réaffirme lors de sa visite, ses propos sur les méfaits du tout-libéralisme, sur la misère et l'exclusion et qu'il rappelle ses positions sur le droit des minorités, le droit d'asile et sur les immigrés. Ils sont d'actualité.
La mise au point du PS
Le bureau national du PS estime que « contrairement à ce que certains voudraient laisser entendre, le baptême de Clovis n'est pas le baptême de la France ». Le PS dénonce les financements publics et appelle à la défense « des principes de la Révolution française » et de « la laïcité de l'État ».