Déclaration de M. Hervé de Charette, ministre des affaires étrangères, sur les relations franco-syriennes, le processus de paix au Proche-Orient et l'intervention américaine en Irak, Paris les 3 et 4 septembre 1996.

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Circonstance : Entretien de M. de Charette avec les ministres syrien et égyptien des affaires étrangères, MM. Farouk El-Charaa et Amr Moussa, à Paris les 3 et 4 septembre 1996

Texte intégral

Propos à la presse du ministre des Affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, à l’issue de son entretien avec le ministre syrien des Affaires étrangères, M. Farouk El-Charaa (Paris, le 3 septembre 1996)

Mesdames et Messieurs,

J'ai eu beaucoup de plaisir à accueillir mon collègue, M. Charaa, pour cette visite officielle en France, qui entre dans le cadre des excellentes relations franco-syriennes. J'ai eu l'occasion de les nouer personnellement avec M. Charaa à Damas à plusieurs reprises cette année, de même qu'entre nos deux gouvernements et entre nos deux pays.

Cette rencontre d'aujourd'hui, longue et approfondie, nous a permis d'aborder beaucoup de sujets. Des sujets de l'actualité, bien sûr et, de façon assez détaillée, tout ce qui concerne le processus de paix ou ce qui était en tout cas le processus de paix. Nous avons parlé de toutes les questions intéressant la situation régionale au Proche-Orient. Et enfin, nous avons évoqué les relations bilatérales franco-syriennes.

Je ne veux pas entrer dans le détail de tous ces chapitres. Je voudrais simplement, si vous le voulez bien, insister sur deux points.

D'abord, s'agissant du processus de paix, la France et la Syrie partagent les mêmes objectifs pour faire en sorte que celui-ci reprenne son cours sur la base des principes qui le fondent et sur la base des résultats d'ores et déjà acquis. C'est ainsi que, les uns et les autres, nous confirmons notre attachement au principe de l'échange de la terre contre la paix sans lequel il ne peut pas y avoir de discussions sérieuses. C'est ainsi aussi que nous pensons qu'il est indispensable de respecter ce qui a été convenu. Ainsi en est-il de l'avenir de la Palestine, Hébron par exemple, mais aussi beaucoup d'autres sujets sur la base de la reprise des négociations sur le statut définitif.
 
S'agissant du volet syrien et du volet libanais, il en va de même et nous avons décidé d'établir entre nous une concertation très étroite, très approfondie sur les voies et les moyens qui permettront de s'éloigner de la période actuelle, faite d'allers et retours, d'hésitations, pour renouer enfin les fils de la paix.

Les relations bilatérales, comme vous le savez, sont excellentes. Elles sont au beau fixe. De part et d'autre, nous souhaitons renforcer notre coopération politique qui a fait, au cours de cette année, de très grands progrès. Nous souhaitons aussi faire en sorte que la coopération économique et culturelle puisse retrouver la dynamique qui était la sienne dans le passé. Il s'agit de porter les relations franco-syriennes à un niveau élevé de travail commun et de confiance mutuelle.

Voilà ce qui a été pour l'essentiel notre ordre du jour. Je vous redis que j'ai accueilli M. Charaa avec vraiment beaucoup de plaisir. Nous nous connaissons bien maintenant et je crois que nous nous apprécions. Je me réjouis que, dans le courant de cet automne, le président de la République puisse, à des dates qui restent à fixer, se rendre en Syrie.

Q. : Avez-vous un commentaire sur l'opération américaine en Iraq ce matin ?

R. : C'est vrai que l'évolution de la situation en Iraq nous préoccupe. Nous avons suivi avec beaucoup d'attention, au cours de la période écoulée, les affrontements entre les deux mouvements kurdes. Nous avons de la même façon, suivi les initiatives prises par l'armée iraquienne. J'ai eu l'occasion hier de m'entretenir avec Warren Christopher. J'ai adressé hier un message à M. Tarek Aziz pour rappeler notre préoccupation à l'égard des populations civiles et pour souhaiter que le retrait des forces iraquiennes annoncé par les autorités de Bagdad soit poursuivi dans les délais les plus rapides. Je vous confirme l'attachement de la France à l'intégrité territoriale de l'Iraq. Nous avons été informés des initiatives américaines, sur lesquelles je n'ai pas d'autres commentaires à faire. Enfin, je voudrais insister sur la nécessité que tout cela ne fasse pas obstacle à l'application de la résolution 986 à laquelle, depuis plusieurs mois, la France a apporté une très grande contribution.

Q. : La position de la France se démarque-t-elle de celle des États-Unis ?

R. : J'ai déjà répondu à cette question.

Q. : Pensez-vous que votre entretien avec M. Charaa va faire progresser le processus de paix ?

R. : Je suis persuadé que cela a fait progresser très sensiblement et dans le bon sens les relations entre nos deux pays, et je crois que la France et la Syrie peuvent en effet apporter une contribution déterminante dans l'avenir à la poursuite, voire à la reprise, de ce processus de paix. De ce point de vue en effet, à votre question, la réponse est positive.

 

Propos à la presse du ministre des Affaires étrangères, M. Hervé de Charrette, à l’issue de son entretien avec le ministre égyptien des Affaires étrangères, M. Amr Moussa (Paris, le 4 septembre 1996)

J'ai eu grand plaisir à recevoir mon ami Amr Moussa, de passage à Paris pour une brève escale, dans le cadre d'un déplacement plus important qui le conduira dans les heures qui viennent en Norvège.

Nous avons bien entendu examiné ensemble beaucoup de questions tenant à l'actualité au Proche-Orient. Nous avons évoqué le processus de paix. Et, une fois de plus, je constate que nous avons les mêmes opinions, les mêmes appréciations sur la situation qui prévaut à l'heure actuelle.

Cette situation nous donne de vraies préoccupations car notre sentiment est qu'il est urgent que le processus de paix reprenne son cours, et qu'il le reprenne sur la base des décisions prises à Madrid et à Oslo, sur la base des accords déjà signés, des engagements pris, et des principes qui figurent dans toutes les résolutions communes, à commencer par celui de l'échange de la terre contre la paix.

Nous partageons, je crois, une réelle préoccupation tenant à ce que les choses n'évoluent ni assez vite, ni assez loin, et qu'elles ne se tiennent pas, encore aujourd'hui, dans cette direction. Nous avons bien entendu évoqué l'ensemble de ces aspects du processus de paix, s'agissant aussi bien de l'avenir de la Palestine que du volet syrien et du volet israélien.

Nous avons évoqué la situation survenue en Iraq. Nous avons fait le point de beaucoup de questions d'intérêt commun, par exemple, l'évolution des négociations entre l'Union européenne et l'Égypte en vue d'un accord d'association. Je voudrais vous dire que je me félicite de constater qu'entre la France et l'Égypte les liens sont extrêmement étroits, chaleureux, entre nos deux présidents, entre nous personnellement, et que nos vues, nos analyses, nos jugements sont, sur la quasi-totalité des questions, des jugements identiques ou similaires. C'est pourquoi nous continuerons, comme cette réunion d'aujourd'hui en est le témoignage, à travailler de façon très étroite de façon que les diplomaties égyptienne et française coopèrent dans le sens de la paix.

Q. : A propos de l'Iraq, peut-on parler de crise entre la France et les Etats-Unis ou bien est-ce juste un différend ?

R. : Non. On ne peut certainement pas parler de crise.

Q. : Mais il y a divergence de vues ?

R. : Cela ne vous aura pas échappé.

Q. : La France a-t-elle participé aujourd'hui aux opérations de surveillance de la zone d'exclusion aérienne au sud de l'Iraq ?

R. : Comme je l'ai dit hier, la France examine les conséquences de la décision prise par les États-Unis de reporter du 32ème au 33ème parallèle la zone d'interdiction sud. Je n'ai pas d'autre commentaire à faire.

Q. : Quel est votre sentiment sur la rencontre entre MM. Nétanyahou et Arafat ?

R. : Je crois que l'on ne peut pas faire de commentaire maintenant puisque cette réunion est en cours. J'ai vu dans une dépêche d'une de vos agences que M. Arafat et M. Nétanyahou s'étaient longuement serré la main. Je m'en réjouis. Naturellement, se serrer la main ne suffit pas. Se serrer la main, c'est bien. Aboutir, c'est mieux.