Texte intégral
La commémoration de Verdun doit rester un devoir sacré car jamais une guerre n'aura entraîné pour la Nation française, pour ses hommes, ses femmes et pour ses enfants, plus de larmes, plus de blessures, plus de morts, plus de deuils.
Il arrive souvent encore, malgré le temps qui efface tout, que certains des nôtres évoquent les grandes batailles de notre Histoire ; quelles qu'elles aient été à travers les siècles, aucune n'a coûté autant que Verdun. La bataille de Verdun du 21 février au 31 décembre 1916 nous a valu, rappelons-le, un total de 162 440 tués ou disparus, alors qu'elle se déroulait dans un espace exigu de vingt kilomètres de long et de huit kilomètres de profondeur. Plus de 70 divisions françaises de notre corps de bataille sont passées à tour de rôle dans cet enfer. Par d'innombrables lettres, dont certaines sont des chefs-d'œuvre, nous connaissons l'état psychique de ceux qui allaient affronter des déluges de fer, d'acier, pour finir quelquefois leur combat à l'arme blanche au sortir des tranchées.
Verdun, ce fut incontestablement l'horreur d'une grande tragédie de l'Histoire, mais ce fut aussi une des plus grandes leçons d'intransigeance patriotique que les Français surent donner.
Le poilu de 14-18 défendait son terroir, défendait son pays, défendait la France. Ce fut là la source essentielle de sa ténacité et de son héroïsme. Il alla jusqu'à la limite extrême de ce qu'un homme peut faire pour sa patrie. Les pédagogues qui ont entre leurs mains l'avenir de nos enfants se doivent de ne pas négliger cette leçon d'Histoire qui illustre l'attachement viscéral des hommes à leur terroir.
Il est utile de rappeler, enfin, que Verdun demeure la très grande victoire obtenue par l'armée française combattante seule.
Oui, Verdun est la victoire de la seule armée française et c'est la raison pour laquelle elle valut à notre pays un prestige et un rayonnement universels qui ne furent effacés, et encore, pas complètement, que par le désastre de 1940. « La terre sacrée », « la voie sacrée », « la tranchée des baïonnettes », le « Debout les morts », pour n'évoquer que celles-là, sont autant d'expressions sorties d'un magma de boue, de poux, de sang et de morts pour atteindre la sublimité du sacrifice. À Verdun, chacun des nôtres a été convaincu que l'avenir du pays se jouait à l'endroit même où il se trouvait. Ce fut la motivation essentielle de la victoire.
Quatre-vingts années plus tard, si la mémoire de nos soldats et le souvenir de leur sacrifice doivent rester un devoir sacré, pour autant, nous pouvons enfin considérer, grâce au général de Gaulle, grâce à Konrad Adenauer, que le « Plus jamais cela » si souvent dit peut devenir réalité. À Verdun, le 16 juin prochain, par la volonté de nombreuses associations d'anciens combattants qui se sont jointes à leur ministre et de par la volonté de tous les élus de cette région martyrisée, nombreux seront les jeunes Allemands qui, mêlés aux jeunes Français, entoureront le président de la République pour que Verdun, comme cela est souhaitable, comme cela est souhaité, et comme je ferai en sorte que cela soit, devienne une commémoration et une fête de la paix.