Texte intégral
Paris-Match : Vous êtes une nouvelle en politique. Allez-vous parler vrai ?
Michèle Barzach : J’ai toujours eu un style plutôt direct, réaliste et vrai. J’essaie de le garder.
Paris-Match : Vous êtes devenue très populaire. Comment l’expliquerez-vous ?
Michèle Barzach : Le fait d’être une femme n’est pas un élément négligeable car il y en a peu en politique. Ensuite, je dirai que j’ai eu une vie antérieure qui m’a amenée à avoir une démarche peu habituelle chez les hommes politiques et qui a sans doute frappé les Français, médecin, mon principal souci était de faire comprendre à mes malades leur maladie et leur traitement. En politique, je fais pareil. Je traduis en langage clair quelque chose de compliqué en espérant créer une dynamique. Enfin, je hais la politique politicienne, caricaturale, réductrice. Les gens ont dû s’en rendre compte et l’apprécient car on souffre, en France, d’une overdose de petites phrases et de discours « ronron ».
Paris-Match : Le charme est-il indispensable pour réussir en politique ?
Michèle Barzach : C’est la cerise sur le gâteau !
Paris-Match : Vous qui êtes aussi psychanalyste, diagnostiquez-vous, en France une crise de « tontonmania » ?
Michèle Barzach : On vient d’assister à un phénomène nouveau avec l’affiche « Génération Mitterrand ». L’inconscient, voire la psychanalyse sauvage, on fait irruption dans la vie politique. Cette affiche montre un petit enfant qui tend une main vers celui qui est censé incarner son grand-père – sans vouloir polémiquer sur son âge –, un grand-père qui raconte la petite histoire et la grande histoire. Un grand-père comme on n’en fait plus parce que les familles sont éclatées et qu’il n’y a plus personne pour jouer ce rôle. « Génération Mitterrand » symbolise ce manque. Mais la France, pour affronter la bagarre de 92 et l’an 2000 ; a-t-elle besoin du Président de la République qui serait le reflet de la carence d’une époque ou d’un homme qui définit la politique, l’impulse, la conduit, pour mener le pays là où il faut qu’il aille ?
Paris-Match : Pasqua et Longuet ont semblé séduits par Mitterrand. Pas vous ?
Michèle Barzach : Ces ministres ont eu avec lui des contacts directs, ce qui n’a pas été mon cas. J’ai constaté qu’il était un homme ayant de l’humour et de l’humanisme mais un Président sur la défensive. Tranquille peut-être, mais où est la force ?
Paris-Match : Quel conseil donneriez-vous à Chirac pour qu’il batte Mitterrand au second tour ?
Michèle Barzach : Jacques Chirac a un bilan tout à fait positif. Il faut le faire connaître, faire toucher du doigt les résultats obtenus pour le chômage, la sécurité sociale, l’inflation. Cette campagne est positive car elle est formidablement ouverte sur l’analyse et la prospective. Moi, j’apprécie que ni Chirac, ni Barre, ni Mitterrand ne s’enferment dans la polémique. La guéguerre, c’est fini.
Paris-Match : Pour l’instant, les sondages ne laissent aucune chance à Chirac pour le deuxième tour.
Michèle Barzach : Mais les sondages sont pipés ! Mitterrand est le président de la parole et de la non-action. Comment le juger ? Le jour où il sera candidat et qu’il devra expliquer avec qui et comment il pense gouverner, les sondages prendront un sens. Vous verrez, à ce moment-là, que les socialistes et nous, ce n’est pas blanc bonnet et bonnet blanc. D’ailleurs, on ne souligne jamais qu’il y a encore 40 % d’indécis. Cela montre bien que les jeux ne sont pas faits.
Paris-Match : Quel est le meilleur atout de Chirac ?
Michèle Barzach : D’allier l’énergie à la générosité. Il est un moteur, mais il sait aussi écouter, prendre le temps pour les autres. Une machine très humaine.
Paris-Match : Et le plus grand handicap de Barre ?
Michèle Barzach : Je ne l’ai jamais rencontré, ce qui, bien sûr, ne m’empêche pas de l’observer. S’il s’agissait de tennis, je dirais que c’est un bon joueur de bond de court. Pour ma part, je préfère les attaquants qui montent au filet, comme Jacques Chirac.
Paris-Match : Qu’est-ce qui différencie les programmes pour les familles et la santé des deux candidats de la majorité ?
Michèle Barzach : Nos valeurs sont les mêmes mais nos schémas de pensée différent. Pour Chirac, il faut trouver des solutions, aussi bien pour les mères de famille qui travaillent que pour celles qui veulent rester à la maison. Il est sorti de l’idée qu’une situation était meilleure que l’autre. Alors que Barre a une conception plus conservatrice du rôle de la mère de famille, qu’il voit plus volontiers au foyer que sur un lieu de travail. Par ailleurs, la proposition de loi déposée par Christine Boutin, une femme députée proche de lui, tendant à inciter les femmes enceintes à garder leur enfant pour qu’il soit adoptable, dénote un état d’esprit qui n’est pas le mien. J’estime que c’est faire fi de tout e qui fait une femme, de ce que représentent une maternité, un accouchement, même si sur le papier, il est séduisant de pouvoir rayer d’un trait de plume le problème des avortements, de la démographie et des adoptions.
Paris-Match : Et sur la santé ?
Michèle Barzach : Je n’ai entendu M. Barre n’exprimer que des considérations générales sur ce sujet : certains médecins rappellent que du temps où il était Premier ministre il a eu des affrontements assez durs avec les professions de la santé.
Paris-Match : Vous verriez-vous un jour Premier ministre ?
Michèle Barzach : J’ai une infirmité absolue ; j’ai le goût de la prospective pour les autres mais je suis incapable de ma projeter moi-même dans l’avenir. Une femme Premier ministre, pourquoi pas ? Mais président de la République, non. Les Français ne cherchent pas une mère et encore moins une grand-mère.