Texte intégral
Discours de Florence Parly,
ministre des Armées,
à l'occasion du lancement de la frégate multi-missions Normandie
Lorient - 25/06/2019
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le chef d'état-major de la marine,
Monsieur le président, cher Hervé Guillou,
Mesdames et messieurs les officiers généraux,
Officiers, officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots,
Mesdames et messieurs,
Nous sommes au lendemain de la Guerre froide, en 1995, sous le soleil de Monaco. L'Aston Martin d'un gris métallique file sur les routes montagneuses de la côte méditerranéenne, une soirée au casino se profile pour l'agent secret le plus célèbre de la planète : son nom est Bond, James Bond, de retour dans GoldenEye. Plus tard dans la soirée, le regard de Pierce Brosnan se pose sur une Lorientaise. Une frégate lorientaise, pour être plus précise.
En 1995, cette frégate a des allures futuristes, à la pointe de l'innovation. Son nom est aussi connu que James Bond ; et vous l'avez deviné, il s'agit de la frégate La Fayette. Première frégate furtive, sa mise en service fut un tournant, une véritable rupture technologique et industrielle. En France et à l'étranger, les frégates La Fayette ont fait rayonner Lorient, le savoir-faire et l'expertise des talents de la région.
Voilà 25 ans que la classe La Fayette fait notre fierté. C'est désormais le programme FREMM ou frégate multi-missions, qui a repris le flambeau de cette classe d'exception. Mais avec une constante, Lorient demeure au coeur de l'innovation et au service de la modernisation de la Marine nationale.
Le programme FREMM, ce sont des navires furtifs de nouvelle génération pensés pour être polyvalents, endurants et dotés d'automatismes voués à faciliter les tâches quotidiennes de l'équipage : in fine, le navire requiert un équipage moins important qu'une frégate La Fayette par exemple.
Le programme FREMM n'est pas seulement une nouvelle prouesse d'innovation, c'est aussi un succès européen : celui d'une collaboration industrielle avec l'Italie depuis les années 2000 menée notamment grâce à l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) ; une organisation européenne qui contribue également à créer les conditions de la réussite des programmes MUSIS dans le domaine spatial et Tigre pour les hélicoptères de combat.
A ce jour, les FREMM représentent le plus grand programme naval européen. La France a passé commande de 10 frégates, dont deux à destination de nos partenaires marocain et égyptien. Et je suis fière d'être ici aujourd'hui, à Lorient, où sont produites toutes les frégates multi-missions.
Produire une frégate de 6 000 tonnes, intégrant les technologies dernier cri, c'est un travail titanesque. Ce sont des millions d'heures de travail durant lesquelles des milliers de personnes s'investissent pleinement. Vous préparez l'avenir de notre Marine nationale et vous n'économisez jamais vos efforts lorsqu'il s'agit d'offrir le meilleur à notre défense. Et je vous remercie infiniment de votre travail acharné, vous, mais aussi tous ceux qui ne sont pas présents à Lorient aujourd'hui, mais qui oeuvrent aussi activement à la réussite du programme FREMM.
Ce programme est un des nombreux visages de l'Europe de la défense ; une des nombreuses facettes de nos coopérations et une pierre majeure de notre collaboration avec l'Italie. C'est une affaire de construction mais aussi de consolidation européenne : nous avons l'ambition de poursuivre cette coopération engagée avec l'Italie, sous l'égide de l'OCCAR, avec le programme de « bâtiments ravitailleurs de forces » qui prévoit de nouveaux pétroliers-ravitailleurs pour la Marine nationale.
Pour le programme de « Bâtiments ravitailleurs de forces » comme pour les FREMM, la seule clé de la réussite est une pleine coopération de tous les acteurs que sont, pour la maîtrise d'oeuvre, Naval Group et ses partenaires industriels et, pour la maîtrise d'ouvrage, l'OCCAR, la DGA, la Marine Nationale ainsi que les partenaires italiens. Cela peut se résumer de façon très simple : notre succès sera collectif ou ne sera pas.
Je le disais à l'instant, les frégates multi-missions ont intégré dès leur conception de nombreux trésors d'innovation : elles font preuve d'une furtivité exceptionnelle sur tous les plans, détection électromagnétique, acoustique ou infra-rouge, elles résistent à tout. Elles sont dotés d'un système de combat polyvalent qui intègre et c'est une première en Europe, la frappe en profondeur : pour le dire en des termes simples, une FREMM en plein océan peut tirer un missile à grande distance, vers les territoires intérieurs.
Il faut aussi savoir vivre avec son temps et profiter des innovations disponibles pour répondre aux préoccupations de notre société. Les FREMM ont été conçues pour consommer moins et être plus respectueuses de l'environnement.
Savoir vivre avec son temps, c'est également accepter d'incorporer rapidement de nouvelles technologies, plus innovantes, plus performantes. Ainsi le programme FREMM est conduit en toute agilité en permettant l'intégration continue et progressive de nouvelles innovations.
Le système de combat de la FREMM Normandie dont nous assistons aujourd'hui au lancement et qui sera prochainement livrée à la Marine nationale bénéficie ainsi des dernières avancées techniques du programme. A la pointe de la cyberdéfense, dotée du missile Aster 30, tout dernier atout de la lutte anti-aérienne et d'une interopérabilité inédite pour les liaisons de données tactiques, la FREMM Normandie est parée à relever les nouveaux défis opérationnels qui nous attendent.
Et toute cette avance, nous sommes décidés à la conserver. Le programme est pensé pour faire bénéficier continûment les frégates en service des dernières évolutions capacitaires. C'est presque aussi simple que si vous installiez la dernière mise à jour du système de votre smartphone.
Ces mises à jour sur smartphone, elles sont souvent installées la nuit, pour ne pas gêner votre utilisation quotidienne. Et bien pour les FREMM, c'est presque pareil : l'intégration des nouvelles évolutions technologiques ne ralentit pas la cadence de production et n'a pas d'influence sur les délais de livraisons auxquels nous nous sommes engagés.
La première « mise à jour » est déjà programmée : dès 2021, les FREMM en service bénéficieront de la capacité de veille coopérative navale (VCN) : mutualiser les données de l'ensemble des radars d'une force sera un véritable atout de supériorité informationnelle pour la Marine nationale, capable en un coup d'oeil de prendre conscience de son environnement direct.
Quant aux futures FREMM de défense aérienne, dont les livraisons sont prévues en 2021 et en 2022, elles bénéficieront, en plus de l'ensemble des capacités disponibles de leurs aînées anti-sous-marines, de communications supplémentaires et de radars plus puissants.
Cette démarche d'intégration progressive de l'innovation se poursuivra après la dernière livraison. Des expérimentations ont déjà débuté dans le domaine de la maintenance prédictive et l'intégration de drones est également à l'étude.
Aujourd'hui, le programme FREMM fait figure de référence en matière de conception et de construction de frégates. Le retour d'expérience de ce programme est pleinement intégré et pris en compte pour la définition des futures frégates de défense et d'intervention, les FDI.
A ce jour, déjà 5 frégates ont été réceptionnées et livrées depuis 2012 à la Marine nationale. L'Aquitaine, le Provence, le Languedoc, l'Auvergne et le Bretagne sont déjà en service et ont démontré toute l'excellence de leur système de combat. Et si certains en cherchent la preuve, nous l'avons : le 12 mai dernier au large de l'Ecosse, la FREMM Bretagne a intercepté une cible supersonique à trajectoire plongeante, dont la détection par radar est particulièrement délicate. Cette prouesse, la FREMM la doit à son système de combat, fruit de l'expertise de Thales pour la sensibilité du radar multifonctions Héraclès, de MBDA et son savoir-faire en matière de missile et enfin de Naval Group, à l'origine du système de direction de combat SETIS.
Aujourd'hui, je suis fière de lancer la toute nouvelle FREMM Normandie, la 6ème de cette classe à l'honneur, un témoin supplémentaire du travail mené en partenariat par toute l'équipe de programme. Depuis la découpe de la première tôle, en septembre 2015, la mise à flot en février 2018, et sa première sortie à la mer en février 2019, elle a mobilisé de nombreux acteurs du ministère et de l'industrie pour accomplir plus de 2000 essais différents. Et aujourd'hui, cela ne fait aucun doute : nous pouvons garantir les yeux fermés toute l'excellence de son système de combat. Elle rejoindra bientôt Brest, son port d'attache.
Elle rejoindra aussi une toute nouvelle famille. La Marine, certes, mais aussi et surtout son équipage. Car cette frégate, c'est la vôtre. Bientôt, ce sera votre foyer, votre outil de combat pour les 30 années à venir.
Prendre un navire en armement, c'est lui donner une âme, forger des traditions qui perdurent tout au long de sa vie. Vous avez une chance infinie d'embarquer à bord de la frégate la plus moderne et la plus performante d'Europe. Et je n'ai aucun doute que vous ferez vivre ce navire et que vous y mettrez toute votre passion.
Vous le savez, ma priorité est de bâtir les armées de demain. C'est d'abord la poursuite du programme FREMM avec la livraison des deux dernières frégates destinées à la Marine nationale, l'Alsace et le Lorraine. Ces deux frégates dédiées à la défense aérienne seront livrées à nos forces d'ici 2022. Il est aussi naturel que je vous dise quelques mots du programme FDI conduit par la DGA en collaboration avec la Marine, Naval Group, Thales et MBDA. Un programme qui doit permettre de conserver notre supériorité opérationnelle en mer.
Je sais que pour Naval Group, développer et produire un nouveau navire de cette envergure présente un enjeu hautement stratégique. Et je me félicite que les plans d'architecture du navire aient été approuvés et par Naval Group et par l'Etat. Le début d'usinage du navire et la découpe de la première tôle auront donc lieu comme prévu, en octobre 2019.
Je suis également ravie de savoir que la mise en place de la plateforme d'intégration de Saint-Mandrier a été largement avancée et que le premier panneau radar que j'avais dévoilé en avril dernier sur le site Thales de Limours soit déjà à Saint-Mandrier. La première émission du radar face à la mer devrait avoir lieu dès septembre 2019.
Je place en vous toute ma confiance pour poursuivre la réalisation de ce navire dans les délais prévus. 2023, c'est votre horizon, celui de la livraison de la première frégate de défense et d'intervention à la Marine nationale. Je compte aussi sur vous pour définir, en lien avec les services du ministère des Armées, les futurs standards de cette FDI qui permettront l'intégration des innovations en boucle courte.
J'en suis toujours aussi convaincue, venir à Lorient, c'est comprendre le savoir-faire de Naval Group, voir l'enthousiasme et la qualité de ceux qui y travaillent. Vous êtes aujourd'hui l'un des rares groupes industriels à assurer de bout en bout le développement et l'intégration des systèmes de combat. Vous faites vivre le territoire breton. Et je sais qu'avec les FREMM et les FDI, ce sont plus de 2000 collaborateurs qui voient leur activité pérennisée pour de nombreuses années.
C'est la preuve de toute votre excellence, la marque de notre reconnaissance. Votre savoir-faire, il a près de 100 ans : depuis le croiseur La Motte-Picquet en 1923 jusqu'à la FREMM Alsace, 117 navires sont sortis de Lorient.
Et forts de votre histoire, vous avez les yeux rivés sur l'avenir : je sais que c'est aussi ici, à Lorient que se trouve votre bureau d'études et que les Naval Innovation Days ont remporté un franc succès en mai dernier à l'occasion de leur quatrième édition.
Gardez cet esprit d'avant-garde. Continuez à prendre des risques, continuez à vous dépasser et restez toujours enthousiastes. Ensemble, nous construirons l'avenir de nos armées. Et ensemble, nous bâtirons la sécurité de demain.
Vive la République ! Vive la France !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 26 juin 2019