Déclaration de Mme Florence Parly, ministre des armées, sur l'opération Barkhane, à Gao le 5 novembre 2019.

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Circonstance : Rencontre avec les militaires de l'opération Barkhane

Texte intégral

Général,
Colonel,
Officiers, sous-officiers, soldats et aviateurs de l'opération Barkhane,


Il s'appelait Ronan Pointeau. Il avait fait le choix d'embrasser la France sans retenue, de s'engager pour elle, de défendre à corps et âme ses valeurs et ses enfants. Il s'était engagé à la première heure, au 1er régiment de spahis dont il portait fièrement le prestigieux héritage. À force de courage, d'efforts et de talent démontrés lors d'une première mission au sein de Barkhane, le spahi Ronan Pointeau a gravi les échelons pour devenir brigadier. Il était enthousiaste, vaillant, enjoué, pleinement investi dans la mission que lui avait confiée la France. Et c'est dans l'accomplissement de sa mission, que le brigadier Ronan Pointeau a été tué samedi dernier.

La France n'oublie jamais celles et ceux qui se sont battus pour elle, qui l'ont aimée et l'ont servie jusqu'à donner leur vie. Je veux donc rendre hommage au brigadier Ronan Pointeau, et je le fais en ayant à l'esprit la devise de son régiment : "faire face". Ensemble, nous devrons faire face. Nous devrons continuer le combat auquel le brigadier Ronan Pointeau a consacré sa vie, jusqu'à la donner.

Je veux aussi saluer la mémoire des militaires maliens tombés à Indelimane, vendredi dernier. Au nom des armées françaises, je présente mes plus sincères condoléances au peuple malien.

Je veux enfin rendre hommage à chacune et chacun d'entre vous. Car vous êtes ces femmes et ces hommes grâce à qui la République vit, se défend et prospère. Vous êtes de celles et ceux qui vous battez pour la sécurité de nos concitoyens. Pour leur liberté. Jour après jour, vous livrez un combat sans merci ni répit contre les groupes armés terroristes. C'est un combat exigeant qui demande force, courage et abnégation. C'est un combat que vous n'abandonnez jamais, et soyez certains que la France est fière de vous.

La mort du brigadier Ronan Pointeau et des militaires maliens à Indelimane nous le rappelle : c'est un combat indispensable. Et dans ce combat, nous pouvons compter sur des alliés précieux.

Aux côtés de nos soldats français, ce sont, vous, militaires britanniques qui oeuvrez, renforcez notre mobilité, avec vos hélicoptères Chinook. Vous serez bientôt rejoint par des militaires danois, qui engageront bientôt deux hélicoptères Merlin au profit de l'opération Barkhane. Ce sont aussi vous, soldats estoniens, qui aidez en nombre à la protection des camps et patrouillez dans Gao. J'ai une pensée particulière pour nos frères d'armes estoniens blessés ici, lors d'une attaque contre notre base de Gao en août dernier, dont je voudrais saluer le courage.

Je sais votre ténacité, je sais les efforts que vous faites chaque jour et les sacrifices auxquels vous consentez. Et je souhaite profondément vous remercier pour votre engagement. Vous incarnez la solidarité européenne avec grandeur.

Nous pouvons aussi compter sur nos alliés américains pour appuyer certaines de nos capacités stratégiques, notamment en matière de renseignement.

Nous pouvons enfin et bien sûr, compter sur nos partenaires locaux. Je pense en particulier aux forces armées maliennes du secteur 1 de Gao et aux membres de l'unité spéciale antiterroriste numéro 2, qui se forment auprès des militaires de Barkhane. Mais je pense aussi à tous nos partenaires tchadiens, mauritaniens, maliens, burkinabè, nigériens, dont certaines unités sont d'ores et déjà engagés sur l'opération majeure Bourgou 4 avec Barkhane et Pagnani 2 avec la force conjointe du G5 Sahel. Les pays du Sahel sont en première ligne de ce combat et je veux vous dire que nous sommes fiers de combattre à vos côtés.

Le terrorisme est un fléau mondial, la réponse doit être mondiale, coordonnée. Et ensemble, nous continuerons de faire front pour vaincre la barbarie djihadiste.

Contre le terrorisme, il n'y a pas d'opération éclair. Pas d'action coup de poing décisive pour arrêter la folie destructrice de leur idéologie. Il n'y a que la patience, la détermination et la constance qui nous permettront de remporter ce combat de longue haleine.

Et ce que Barkhane construit ici, main dans la main avec les forces armées des pays du Sahel, c'est une solution de long terme. Ce sont les fondations mêmes de tout l'édifice de sécurité que nos militaires français et européens aident à reconstruire et à consolider. C'est la résilience de toute une armée, la sûreté de toute une région, aussi étendue que l'Europe.

Malgré les nombreuses et violentes attaques qui perdurent, ne détournons pas les yeux des signes encourageants. Le Mali est aujourd'hui endeuillé. Mais l'attaque d'Indelimane ne doit pas nous faire oublier la résilience dont ont fait preuve les forces armées maliennes face aux groupes armés terroristes à Boulikessi. Au Niger, à Bilabrim, les forces armées nigériennes ont résisté à l'attaque d'une centaine de membres de Boko Haram dans la nuit du 29 au 30 octobre. La force conjointe du G5 Sahel a mené à la frontière du Niger et du Tchad l'opération Amane 2 qui s'est soldé par un succès : la découverte d'une cache de terroristes et la saisie de leurs armes.

L'opération Pagnani 2, en lien avec Bourgou 4 est une opération d'une ampleur sans précédent, qui n'aurait pas pu être planifiée il y a encore quelques mois. Ce sont là des progrès réels et tangibles qui témoignent de la valeur et du courage des armées du Sahel. Ils sont la preuve que notre présence ici est utile et que votre engagement est payant.

Alors, plus que jamais, nous devons continuer à renforcer la coopération des différents partenaires sahéliens et européens. Nous devons former, entraîner et accompagner les forces sahéliennes, épauler nos frères d'armes pour qu'un jour, ils puissent faire face avec leurs armes, leurs forces morales et leur pays tout entier derrière eux.

Nous le savons, il faudra encore du temps. Il faudra encore des efforts et de la ténacité. Mais nous sommes armés de patience, de volonté et d'idées nouvelles.

C'est pourquoi nous avons décidé de créer une unité de forces spéciales européenne. Dès 2020, les forces spéciales françaises aux côtés des forces spéciales de nos partenaires européens seront déployées au Mali pour transmettre leur savoir-faire d'exception aux militaires maliens.

Et je vous annonce aujourd'hui que cette unité de forces spéciales européennes se nommera Takuba, qui signifie "sabre" en tamachek. Ce sera le sabre qui armera les forces armées maliennes sur le chemin de l'autonomie et de la résilience.

La force Takuba complète Barkhane et dessine le nouveau visage de la lutte contre le terrorisme au Sahel. Tout en poursuivant notre combat contre les groupes terroristes, nous concentrons nos efforts vers la montée en puissance de nos forces partenaires.

Et le jour où les forces armées locales pourront endiguer l'action des groupes terroristes ; le jour où les services publics et les écoles rouvriront leurs portes sans crainte dans les villes du nord du Burkina Faso, du Niger et du Mali ; alors, la victoire des pays sahéliens sera aussi la nôtre.


Vive la République ! Vive la France !


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 novembre 2019