Texte intégral
Madame la présidente, chère Françoise,
Madame la secrétaire générale pour l'administration,
Monsieur le chef d'état-major de la marine,
Officiers, officiers-mariniers, quartiers-maîtres, matelots du Courbet,
Toute vie est faite de choix importants ; la vie de marin est faite de choix capitaux, engagés et précis. Chaque décision prise est un cap à tenir, chaque choix fait est une boussole. La vie de ministre, à sa manière, c'est exactement la même chose. Elle est faite de choix qui engagent ; beaucoup sont difficiles - mais il y en avait un qui ne l'était pas : c'était celui de venir en mer à votre rencontre ce soir, car il avait pour moi le caractère d'une évidence, d'une nécessité, et d'un plaisir aussi.
Il y a un an, j'avais réveillonné avec vos camarades aviatrices et aviateurs de la base H5 projetée en Jordanie. Le temps d'une soirée, ils avaient oublié les rigueurs des vols en territoire ennemi, les responsabilités écrasantes du métier des armes. Mais je les savais, au fond d'eux-mêmes, et tels que je vous vois ce soir, tout entiers consacrés à la mission. Je sais que même en cet instant, la vigilance et l'attention ne vous quittent jamais. Car en mer, il n'y a ni répit des corps, ni repos des esprits.
Il était très important pour moi d'être parmi vous ce soir. Et cela, pour plusieurs raisons. D'abord pour vous dire merci. Merci à vous tous, car la mission que vous conduisez est essentielle.
Vous n'êtes pas sous des cieux lointains, vous êtes au centre de toutes nos préoccupations. Vous n'êtes pas sur des mers éloignées, vous opérez au carrefour du commerce mondial.
Car Ormuz, ce n'est pas seulement le nom d'un bras de mer qui unit le Golfe arabo-persique à celui d'Oman ; Ormuz, c'est l'autoroute maritime d'un tiers du pétrole européen, l'un des principaux noeuds qui voit transiter de nombreux cargos à destination de la France et de l'Europe. C'est aussi, au croisement des civilisations, une zone qui cristallise les tensions de la région, où une étincelle peut provoquer un brasier, comme nous l'avons craint à la suite des attaques d'Abqaik et de Khurais.
Une étincelle, un faux pas ou une erreur d'interprétation, vous savez comme moi à quel point la situation est volatile dans la région. J'ai suivi, comme vous, avec grande attention les événements récents ; la France condamne fermement les attaques perpétrées contre les emprises de la Coalition internationale en Irak et les tentatives d'intrusion aujourd'hui dans l'enceinte de l'ambassade américaine à Bagdad. La France exprime toute sa solidarité aux Etats-Unis.
A l'aube d'une nouvelle phase de désengagement de l'Iran des accords de Vienne, alors que l'incertitude règne et que la situation risque une nouvelle fois de se tendre, je sais que je peux compter sur vous. Sur votre professionnalisme, sur votre détermination, votre sang-froid et votre lucidité de marins. Ces qualités sont fondamentales pour porter haut nos valeurs, et pour défendre le droit international tout en contribuant à la désescalade comme nous nous y attachons tous depuis le début de cette crise.
Vous protégez les Français aussi. Et, lorsque vous saisissez plus de 3,5 tonnes de drogue au large comme vous venez de le faire, ce sont autant de produits illicites et néfastes à la santé publique qui n'iront pas inonder le marché français ; ce sont autant de sources de financements qui n'alimenteront pas les caisses des réseaux et organisations terroristes. Je crois d'ailleurs savoir que dans cette lutte contre les trafics de drogue, vous avez un allié fidèle à bord, un champion en devenir : Lompré, malinois suffisamment malin pour prendre le soleil en passerelle supérieure sans risquer la moindre réprimande !
Votre mission est enfin essentielle, car elle va bien au-delà de la France, elle va bien au-delà de la défense de nos libertés et des équilibres régionaux : ce que vous construisez ici, c'est aussi la défense européenne. Vous êtes les artisans de l'Europe de la défense.
Vous serez demain les pionniers de la mission de surveillance maritime européenne dans le détroit d'Ormuz qui sera pleinement opérationnelle au début de l'année. Et vous serez les 180 premiers marins français à participer à cette initiative portée par la France, qui rassemblera plus de 400 marins de nombreux pays européens au profit de la défense de la sécurité et de la stabilité de la région. Le Courbet sera très prochainement rejoint par une frégate néerlandaise.
J'ai parlé de votre mission, mais ce soir je souhaite surtout parler de vous. Je suis venue pour vous dire toute mon admiration pour votre courage et votre talent – et ce n'est pas un lyrisme de mauvais aloi. La mission que vous accomplissez demande de la vigilance de tous les instants et quand cela est nécessaire des réactions précises, ajustées, professionnelles. Alors que la routine guette dans les longues heures de quart, tout particulièrement la nuit, comme ce soir, vous savez observer les signaux faibles, détecter les comportements anormaux, réagir alors sans délai et mobiliser les équipes pour intervenir. Chaque jour, vous vous montrez à la hauteur de cette mission que le Président de la République vous a confiée. Votre professionnalisme est reconnu par tous, et il n'est pas pour rien dans la disposition de nos partenaires européens à s'associer avec nous dans la mission de surveillance que nous leur avons proposée.
Aujourd'hui dans le Golfe arabo-persique, vous serez peut-être demain dans le détroit de Bab-el-Mandeb ou au large de la Syrie. Partout où vous irez, je sais que vous ferez preuve d'excellence, d'audace et de rigueur. Partout où vous naviguez, vous faites briller nos couleurs en montrant que la France est présente, déterminée à affirmer son statut de puissance maritime, mais également de puissance d'équilibre.
Et ce soir, je veux enfin vous dire toute ma reconnaissance et toute la reconnaissance des Français. A vous, à vos frères d'armes du Forbin, la frégate de défense aérienne qui vous relèvera dans deux mois, mais aussi à tous les marins qui arpentent la ZMOI, et font briller la Marine sur tous les océans du monde. A toutes celles et ceux qui ont fait le choix d'une vie émaillée de longues absences pour servir la France.
Ce soir, c'est l'une des 175 soirées que vous passerez en mer en l'espace d'une année. Une des 175 soirées loin de vos proches, loin des dîners entre amis ou des histoires racontées le soir aux enfants. Je veux que vous soyez assurés d'une chose : je mesure l'ampleur des sacrifices que vous faits sans hésiter pour défendre notre pays. Le Président de la République les mesure et a eu l'occasion de le faire savoir à plusieurs reprises, y compris lors de sa visite aux forces françaises en Côte d'Ivoire pour le dîner de Noël, à propos du grand débat qui occupe en ce moment notre pays, je veux parler des retraites. Et pour ma part, je vous le redis : je vous défendrai toujours. Je vous défendrai, vous et vos familles pour que la force de votre engagement soit reconnue à sa juste valeur.
Pour conclure, je voudrais vous dire combien je suis heureuse de passer ce soir si particulier avec vous, avec la famille que vous formez, et que je sens au premier regard aussi unie qu'aguerrie, sans doute affamée après ma trop longue intervention, mais toujours splendide, et toujours digne de la grande confiance que lui porte la Nation : la famille de l'équipage du Courbet.
Je vous souhaite, à toutes et à tous, une très belle année 2020.
Vive la République ! Vive la France !
Source https://www.defense.gouv.fr, le 6 janvier 2020