Texte intégral
Monsieur le préfet,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le président-directeur général, cher Patrice Caine,
Monsieur le délégué général pour l'armement,
Monsieur le chef d'état-major de la marine,
Mesdames et messieurs,
chers amis de Thales,
J'étais heureuse à l'idée de venir à Brest. Pas seulement pour le plaisir des embruns marins et du soleil éclatant qui font la renommée de la pointe du Finistère, mais pour venir à la rencontre des marins, des ingénieurs de la DGA et de Thales spécialistes de la guerre des mines, de celles et ceux qui préparent la défense de demain, pour venir à votre rencontre. Et désormais, après l'ensemble des démonstrations et des présentations auxquelles j'ai assistées depuis ce matin, je peux vous dire que je suis aussi très fière.
Fière car ce que vous avez conçu, ce que vous avez développé et réalisé ici, c'est une révolution technologique : depuis dix ans, vous réinventez la guerre des mines, vous inventez son futur. Le passé nous a enseigné à quel point les mines sont des menaces insidieuses et dangereuses : ce sont de petits objets, peu coûteux, parfois à l'apparence de rochers qui, peuvent avoir des conséquences désastreuses en mer.
La majesté d'un porte-avions ou la noblesse d'un sous-marin ne doivent jamais nous faire oublier la menace mortelle des mines. Par leur présence avérée ou potentielle, elles constituent un outil de déni d'accès ou d'entrave à nos opérations navales. Et il y en a qui ne l'oublient jamais, dont le métier et la vie entière est consacrés à lutter contre cette menace, je pense bien évidemment aux équipages des chasseurs de mines et aux plongeurs-démineurs.
Chaque sous-marin qui prend la mer, chaque navire qui appareille, mobilise dans le silence un équipage d'une cinquantaine de marins à bord des chasseurs de mines tripartites. Ce sont eux qui ont la tâche délicate de veiller en secret. Evoluer au milieu du danger, aller au plus proche de la menace, la débusquer, l'éliminer, c'est leur quotidien. Ils sont garants de la mission, garants de la protection de leurs frères d'armes et ce, au péril de leur propre vie.
Je ne me risquerais pas à imaginer de scénario catastrophe – d'autres l'ont fait et peut-être que certains d'entre vous ont à l'esprit celui du film « La nuit commence à l'aube » qui imagine la funeste rencontre d'un sous-marin de la Royal Navy et d'une mine magnétique. Je pense qu'ici, tout le monde comprend à quel point la mission des chasseurs de mines est nécessaire et essentielle.
Non seulement pour la permanence de la dissuasion, pour la continuité des opérations et la protection de nos militaires, mais aussi pour la sauvegarde maritime de notre pays. Il est encore très fréquent que la mer fasse réapparaître, au gré des marées et des tempêtes, des mines oubliées, innombrables vestiges mortels des guerres passées.
Face à ces enjeux, la France a développé depuis de nombreuses années son savoir-faire industriel, technique et opérationnel. Nous disposons aujourd'hui d'experts et d'équipements connus et reconnus à l'international. Mais nous savons que rien n'est jamais acquis. Nous savons que le défi de la supériorité opérationnelle doit être sans cesse relevé.
Et je sais que vous vous y consacrez pleinement. Aujourd'hui, nous donnons un nouveau souffle à l'excellence française. Aujourd'hui, non seulement nous préparons l'avenir de la guerre des mines, mais nous le créons, nous le façonnons. Cet avenir, il tient en cinq lettres : SLAMF ou Système de lutte anti-mines du futur.
Demain, en lieu et place d'un navire et de plongeurs démineurs mettant leur vie en danger, nous aurons un système de drones. Pour le dire très simplement : demain, un drone de surface – en d'autres termes un navire autonome – sillonnera les mers avec un sonar remorqué, chargé de repérer la zone suspecte, et des drones sous-marins, pour cartographier les fonds marins. En fonction des informations collectées et transmises au centre de commandement, nous pourrons choisir d'engager un robot télé-opéré, lui-même déployé depuis un second drone de surface, pour neutraliser la mine.
Chacun de ces systèmes fait partie d'une même bulle numérique : ils sont programmés pour communiquer, échanger des informations et interagir ensemble.
SLAMF, c'est la garantie de traiter la menace des mines de façon plus performante, plus précise, plus sûre, tout en étant moins coûteuse. Je ne voudrais vous assommer de chiffres, mais ce système nous permettra de détecter des objets de la taille d'une carte bleue – c'est 30 fois plus petit qu'avec nos moyens actuels. Notre capacité de détection et de neutralisation ira jusqu'à 300 mètres de fond, contre seulement une centaine de mètres avec nos moyens actuels. C'est aussi un gain de temps considérable : le système pourra être projeté en moins de 48h n'importe où dans le monde, et sera capable de cartographier les fonds marins trois fois plus rapidement qu'aujourd'hui grâce au sonar multi-faisceaux de Thales.
Tout comme pour le chasseur de mines tripartite actuel, nous avons porté une attention particulière à la furtivité de ce système. Les signatures acoustiques, magnétiques et électriques ont été réduites autant que possible. Car nous le savons, c'est dans la furtivité que se joue la résilience d'un système de lutte anti-mines.
Enfin, avec SLAMF, nous éloignons l'homme de la menace car ce seront désormais les drones qui iront au contact du danger : en effet, le système pourra être opéré par nos marins à 12 nautiques du champ de mines, c'est considérable. Mais je veux être très claire sur un point : nous n'éloignons pas l'homme de la mission.
Le marin sera toujours à la barre. Chaque étape de la mission demeure sous son contrôle : de la planification à la mise à feu pour la neutralisation, le marin prendra chaque décision et engagera chaque manoeuvre. L'intelligence artificielle et la robotique sont de formidables outils, mais ils restent des outils à la main de l'homme. C'est au coeur de notre stratégie : je rappelle d'ailleurs qu'un comité d'éthique ministériel veille à ce que la technologie ne prenne jamais le pas sur la décision humaine.
J'ai une conviction que je tiens à partager avec vous aujourd'hui : quel que soit le raffinement technologique de nos équipements – et il est très grand -, quelle que soit la performance d'une intelligence artificielle ou l'infaillibilité d'un sonar, la résilience et la résistance de nos armées reposera toujours sur les femmes et les hommes qui la composent. Sur leur intelligence, sur leur moral, leur savoir-faire et leur capacité d'adaptation. C'est notamment pourquoi nous continuerons d'engager des plongeurs-démineurs si la situation l'exige.
Pour autant, c'est certain, ce nouveau système exigera de nouvelles compétences dans la Marine nationale. Et je suis fière de voir que les marins se préparent avec enthousiasme à cette transition, main dans la main avec les industriels.
De nombreux enjeux nous attendent encore : je pense notamment au traitement massif des données qui devra avoir recours à l'intelligence artificielle, je pense à l'importance vitale de la cybersécurité sur un système de drones, et enfin je ne vous surprendrai pas, je pense aussi au calendrier. Il nous faudra tenir les échéances, relever les défis dans les temps tout en assurant une capacité opérationnelle de haut niveau durant la période de transition.
Mais j'ai une pleine confiance en l'avenir. J'ai une pleine confiance en vous. Ce que j'ai vu aujourd'hui me conforte dans l'idée que nous avons fait le bon choix.
J'ai vu les prouesses d'une révolution technologique, fruit d'un partenariat franco-britannique porté par l'OCCAr qui repose sur le meilleur de ce que chaque pays peut offrir en terme de technologies. Je tiens aujourd'hui à souligner la qualité de ce partenariat avec le Royaume-Uni, initié à la suite des accords de Lancaster House, dont nous fêterons cet automne les dix ans.
J'ai vu l'action résolue d'un industriel qui investit aux côtés de deux Etats qui coopèrent pour maintenir leur capacité opérationnelle au meilleur niveau.
J'ai vu des ingénieurs, techniciens et techniciennes passionnés, enthousiastes et engagés dans cette première mondiale dont Brest est le berceau. Vous avez poursuivi ce travail avec constance, même lors de la crise traversée par le pays et je vous en félicite. Vous l'avez aussi poursuivi avec excellence. Une excellence sans cesse démontrée et reconnue aux quatre coins du globe : plus de 30 marines dans le monde sont équipées de sonars de guerre des mines Thales et avec SLAMF, vous repoussez les limites de l'excellence.
Depuis de nombreuses années, vous hissez la France au meilleur niveau mondial dans la conception et la réalisation de sonars et j'ai pu constater aujourd'hui que nous ne sommes pas prêts de céder notre place.
Et en parlant de Thales, je veux aussi parler de toutes les entreprises et les instituts de recherche qui travaillent main dans la main avec vous pour concevoir et réaliser les systèmes de lutte sous-marine ici, à Brest : l'ENSTA Bretagne, l'ISEN, l'Ecole navale, l'IFREMER, Naval Group, ECA, CELADON, mais aussi des start-ups comme Orbis et Virtualys. Enfin, je pense aussi à la Marine nationale et à DGA, et à leurs nombreux talents qui conçoivent et mettent en oeuvre ces bijoux technologiques, sécurisant nos approches maritimes et nos côtes.
Je sais que vous continuerez de travailler d'arrache-pied pour mettre le système de lutte anti-mines du futur à l'eau. Je sais que vous êtes engagés à une cadence soutenue.
J'ai donc le plaisir d'annoncer que si les démonstrations techniques et les négociations se poursuivent tel que nous l'avons prévu, nous commanderons au deuxième semestre 4 systèmes de drones pour la France. Ils auront vocation à être admis au service opérationnel en 2023. Cette commande, rendue possible par l'effort financier exceptionnel que nous faisons dans le cadre de la loi de programmation militaire, permettra de doter notre Marine du meilleur outil pour affronter la menace insidieuse des mines.
La défense de demain se prépare activement et c'est grâce à vous. Vous êtes le visage de la France dynamique et optimiste qui se donne les moyens pour réussir. La France qui se donne tout court, à corps et âme.
Vive la République ! Vive la France !
source https://www.defense.gouv.fr, le 5 juin 2020