Déclaration à la presse de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les relations entre la France et le Niger et la lutte contre le terrorisme au Sahel, à Niamey le 5 novembre 2020.

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Circonstance : Audience auprès de M. Mahamadou Issoufou, Président de la République du Niger

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Ministre, cher ami,


Je voudrais vous dire que je suis très honoré d'avoir été reçu longuement par le Président Issoufou, en présence de mon ami Kalla Ankourao, vous dire que j'avais prévu de venir ici en mars dernier, avec mon collègue allemand, pour une visite commune, sur l'ensemble des enjeux non seulement sécuritaires mais aussi de développement, que Kalla a développés tout à l'heure. Mais la crise du COVID ne m'a pas permis d'effectuer ce déplacement.

Je suis venu parce que je voulais rencontrer le Président Issoufou avant la fin de son mandat, ici, parce que nous avons eu depuis 2012 de nombreux échanges de qualité et je tenais à lui rendre hommage, y compris pour son action internationale au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, en ce moment-même, et au titre de la présidence de la CEDEAO, mais aussi pour son action pour son pays, le Niger.

Je suis venu pour évoquer aussi et bien sûr les questions sécuritaires. Nous avons abordé le suivi des engagements de Pau et de Nouakchott et le suivi de la mise en oeuvre de la Coalition pour le Sahel. Et nous constatons ensemble, le ministre des affaires étrangères vient de le faire, que les opérations sécuritaires se poursuivent. L'opération Barkhane, la coordination entre Barkhane, la Force conjointe du G5 Sahel et les armées nationales a atteint un niveau sans précédent. La Task Force Takuba, visant à accompagner les forces, a également commencé sa mission, et tout cela a permis d'avoir des résultats positifs puisque les opérations "Bourrasque" ont donné des résultats tout à fait significatifs. Ce qui montre que, progressivement, les enjeux de sécurité sont en train d'être remontés et sont en train d'être maîtrisés.

Quand on sait, dans la zone des Trois frontières, tous les risques, toutes les menaces et toutes les conséquences que vous avez subies, vous-mêmes, dans des attentats, y compris en fin d'année 2019, Inatès en particulier.

Je considère, Mesdames et Messieurs, nous considérons, la France considère que la sécurité du Niger, c'est aussi la sécurité de la France. Et que lorsqu'on a des attentats au Niger, on se sent agressés comme les Nigériens, je pense, sont agressés lorsqu'il y a des attentats en France ; et que lorsqu'il y a Inatès, Chinagodar, Kouré, Conflans, Nice, Vienne, ce sont les mêmes combats. J'aurai d'ailleurs l'occasion de rencontrer les acteurs humanitaires dans un instant, puisqu'après le drame de Kouré, qui a touché et le Niger et la France, à la fois pour les personnels humanitaires qui étaient là et aussi les personnels nigériens du lieu touristique des girafes, il me semblait indispensable de rencontrer les acteurs du développement issus de l'association ACTED, pour leur faire part de mon soutien et aussi pour constater la permanence et la volonté de poursuivre leur action.

Le volet sécuritaire nous est commun. Le volet de développement aussi. Et je n'oublie pas les conséquences des graves inondations qui ont frappé le Niger, nous avons évoqué cette question avec le Président et la France participera par une aide d'urgence à essayer de remédier aux difficultés qui ont frappé les populations affectées dans la région de Maradi et de Niamey.

Et puis, nous allons poursuivre notre action dans le domaine du développement, puisque l'aide publique au développement française était de 280 millions d'euros, c'est une série de projets dont, particulièrement, des projets hydrauliques. Depuis deux ans, nous avons constaté cet effort et cet effort sera poursuivi, dans les domaines aussi de l'éducation, de la sécurité alimentaire et du développement économique.

Par ailleurs, nous n'oublions pas les besoins humanitaires au Sahel qui sont en augmentation, en raison de la crise, et cette année nous avons consacré une aide humanitaire au Niger de 3 millions d'euros et une aide alimentaire de 4 millions d'euros ; et nous ferons la même chose en 2021.

Comme vous le savez, il y a une vraie mobilisation internationale pour le Sahel, non seulement pour la sécurité du Sahel dans le cadre de la coalition, mais aussi pour les besoins humanitaires du Sahel, illustrés par l'initiative organisée par le Danemark et l'Allemagne le 20 octobre dernier, à laquelle nous avons participé, pour montrer que le Niger n'est pas seul dans ces difficultés et que l'accompagnement européen, français en particulier, est, et sera toujours, au rendez-vous.

Donc ce déplacement m'a permis de réaffirmer, s'il en était encore besoin, l'engagement et la détermination de la France auprès des pays du G5 Sahel, et singulièrement auprès du Niger, pour que nous puissions poursuivre une coopération fructueuse dans les mois et les années qui viennent.

Merci de votre attention.


Q - Monsieur le Ministre, Monsieur Le Drian, deux ministres français en quatre jours au Niger seulement, des actions diplomatiques très fortes, je l'avoue ; moi, je n'ai jamais vu ça. Donc vous avez voulu rencontrer le Président Issoufou ici même, avant la fin de son mandat, vous venez de le dire, alors certainement vous avez parlé de son troisième mandat qu'il ne fera pas, il va s'en aller. Quelle est votre appréciation sur les élections futures présidentielles, ici, au Niger ?

R - D'abord, vous avez raison de souligner que je suis venu spécialement pour cet entretien, parce que comme ministre de la défense, à partir de 2012, puis comme ministre des affaires étrangères, j'ai eu l'occasion de croiser, rencontrer, échanger de très nombreuses fois avec le Président Issoufou pour lequel j'ai une profonde considération. Vous m'avez parlé du troisième mandat, mais pas lui.

Q - Qu'il ne fera pas.

R - Qu'il ne fera pas, donc il n'y a pas de troisième mandat. Donc, il n'y en a que deux. C'est ce que j'avais compris aussi. Et c'est à cet égard aussi un élément de la considération que je lui porte, parce qu'il respecte ses engagements et respecte la Constitution nigérienne. Et donc, concernant les élections, elles vont avoir lieu, au moment où elles doivent avoir lieu, dans le respect de la Constitution et avec, je pense, la mobilisation et la transparence nécessaires.

Je crois que la qualité de l'élection au Niger sera une référence pour toute l'Afrique. Je souhaite, pour ma part, que ce débat électoral se passe dans les meilleures conditions de respect des positions des uns et des autres, de transparence des résultats. Et vu les méthodes utilisées, la vigilance de la Cour constitutionnelle, le fait que l'Organisation internationale de la Francophonie sera aussi en appui du déroulé des élections, tout cela donne, je crois, les meilleures garanties pour que le résultat ne soit pas contesté.

Q - Récemment, vous avez effectué votre premier voyage à Bamako, depuis le coup d'Etat militaire d'août 2020. Qu'est-ce qui change dans la lutte contre le djihadisme, après le changement à la tête de Bamako ?

R - Je suis allé à Bamako à partir du moment où les Etats-membres de la CEDEAO avaient reconnu les évolutions politiques prises par la junte qui avait provoqué le coup d'Etat. A partir du moment où il était dit que la transition allait se mettre en oeuvre, que cette transition durerait 18 mois, et que les élections allaient être préparées, que la présidence et le Premier ministre seraient des personnalités civiles et que la CEDEAO l'avait acté, il n'y avait donc plus d'obstacle à ce que je me rende rencontrer les autorités maliennes, qui m'ont confirmé ce que, d'ailleurs, m'a confirmé il y a un instant le Président Issoufou, c'est la volonté des nouvelles autorités maliennes de poursuivre le combat contre les djihadistes, contre les terroristes, qui ont fait subir aux populations maliennes de nombreuses souffrances, combat qu'il convient de poursuivre ensemble, dans le cadre de la force conjointe du G5 Sahel, dans le cadre du soutien apporté par Barkhane, dans le cadre de la MINUSMA.

Ces engagements-là, je les ai entendus de la bouche et du Président de la République de transition et du Premier ministre.


Source https://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 novembre 2020